Vingt-quatre, c’est le nombre exact de personnes interpellées depuis le début de la fameuse enquête ouverte pour déterminer les causes et les responsables des incendies de Kara et de Lomé. Et c’était au cours d’une rencontre hier avec la presse que le Procureur de la République a rendu publique cette information. Mais c’est une sortie qui aura aussi fait tache d’huile, tellement le Procureur a fait de ratés.
Premier raté, le Procureur de la République Essolissam Poyodi situe le début des interpellations au 14 janvier 2013. Mais la mémoire collective des Togolais se rappelle que c’était le 13 janvier 2013 que le 1er Vice-président de l’OBUTS a été interpellé alors qu’il revenait de la messe. A la manœuvre, il y avait les éléments du Service de Recherches et d’Investigations (SRI) dirigés par le Capitaine Akakpo, sous le feu des projecteurs depuis quelque temps. En dépit des appels à la raison, le Procureur de la république persiste et signe : les interpellations n’ont commencé que le 14 janvier. Alors de deux choses l’une : ou bien le Procureur de la République a un trouble de mémoire, et alors on peut lui concéder cette confusion au niveau des dates, ou bien il n’a autorisé les interpellations qu’à compter du 14 janvier, mais super zélé, le Capitaine Akakpo n’a pu attendre vingt-quatre heures plus tard pour aller à la chasse aux opposants. Cependant, même si entre les deux hommes, il y a eu un tel désaccord sur la date où devaient commencer les interpellations, le Procureur de la république n’avait-il pas eu suffisamment de temps pour harmoniser la situation avec la réalité ?
Secundo, le Procureur de la République a tenté de requalifier ce qui s’était produit le 16 janvier à l’Assemblée nationale, la levée de l’immunité parlementaire d’Agbéyomé Kodjo, qui sera suivi, quelques heures plus tard de son interpellation à son domicile. En qualité d’ancien Président de l’Assemblée nationale du Togo (1999-2000), M. Agbéyomé Kodjo bénéficiait de l’immunité parlementaire aux termes des articles 10 et 11 de la loi organique N°2007-013 du 19 juin 2007 déterminant le Statut des Anciens présidents de l’Assemblée nationale. Mais le 16 janvier 2013, son immunité parlementaire fut levée au terme d’une procédure galvaudée, ouvrant la voie à son interpellation. Mais pour le Procureur de la république, il n’en était rien. Ce n’était pas une levée d’immunité parlementaire, mais une simple autorisation accordée par l’Assemblée nationale pour pouvoir l’auditionner, a-t-il claironné.
Tercio, le Procureur de la République a fini par mettre en garde « ceux qui jettent publiquement le trouble sur l’enquête qui est menée en voulant aider les personnes interpellées et poursuivies ». Pourquoi désire-t-il que tous accordent du crédit à cette enquête ? Ne pas s’accommoder de la façon dont les choses se passent constitue-t-il une entrave à la justice au sens du droit pénal ? Les propos du Procureur de la République rappellent fort bien ceux tenus par l’unique diplômé de la Fondation Konrad Adenauer, au plus fort de la crise qui secouait l’UFC et qui a fini par entraîner la césure du parti à l’emblème du palmier à huile. Djimon Oré, puisque c’est bien de lui qu’il s’agit, avait, en sa qualité de ministre de la Communication, mis en garde les journalistes qui critiquaient la vision suicidaire de Gilchrist Olympio et constataient la partition du parti en deux factions.
Doté de plus de capacité de nuisance, le Procureur de la République va-t-il, après cet avertissement adressé à ceux qui, selon lui, « jettent publiquement le trouble sur l’enquête » et en cas de refus de ces derniers de se laisser caporaliser, les interpeller eux aussi ? Surtout qu’il estime que ce faisant, ces derniers seraient en train de favoriser l’impunité des auteurs présumés des incendies ? « Nous ne sommes pas ici dans un jeu malsain où tout serait permis. Il s’agit d’une enquête judiciaire sur des crimes graves qui ont été commis, et cette enquête est menée selon le code de procédure pénale et le code pénal en vigueur dans notre pays », a-t-il averti, sur un ton ferme. Cet avertissement du Procureur de la République constitue une menace non seulement pour les politiques, notamment ceux du CST, mais encore pour les journalistes et leaders d’opinion qui critiquent vertement la procédure en cours. C’est, à tout prendre, une menace à la liberté d’expression et donc une tentative d’intimidation.
Magnanus FREEMAN
libert-togo
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