Dossiers CAN 2013 et chantier Lomé-Vogan-Anfoin transmis au Procureur de la République. L’information rendue publique par la Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA) le 4 novembre avait fait l’effet d’une bombe. Les détourneurs bientôt sous les verrous, avait crié en chœur une bonne partie de la presse emballée parce qu’il ne s’agissait de menus fretins, mais de « gros morceaux », des ministres. Mais bientôt deux mois après, aucune suite. Simple coup de com de la HAPLUCIA ?
Transmission des dossiers CAN 2013 et chantier Lomé-Vogan-Anfoin à la justice
La nouvelle était tombée comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Le 4 novembre 2020, la HAPLUCIA a transmis les dossiers de la CAN 2013 et du chantier Lomé-Vogan-Anfoin au Procureur de la République près le Tribunal de première instance de Lomé, EssolisamPoyodi ! Et ce, après plusieurs mois d’investigations sans doute concluantes et ayant permis de confirmer les soupçons de détournement ou de corruption. Bonne nouvelle dans la lutte contre l’impunité au Togo.
Dans le premier, faut-il le rappeler, c’est un trou de 628 millions FCFA qui a été découvert dans les comptes. Pour parler directement, c’est un tel pactole qui a été détourné. Pour le second cas, le détournement se chiffre à des milliards de FCFA. Le chantier débuté en 2014 devrait être bouclé en dix-huit (18) mois, et sur 36 milliards prévus, ce sont 26 milliards qui ont été débloqués au profit de CECO BTP qui avait en main l’exécution du chantier. Mais les fonds ont été détournés. Conséquence, le chantier n’a pu être exécuté à la fin du délai. En 2016, le gouvernement a dû contracter un autre prêt d’une trentaine de milliards pour faire reprendre les travaux. Ce qui fait revenir le chantier au finish à environ 57 milliards de FCFA, une dette que le contribuable devra payer…
Le détournement dans ces deux dossiers a été mis en exergue par des faits. C’est un audit formel dans le cas de la CAN 2013 exécuté par le cabinet IIC Sarl de Nathalie Bitho qui a confirmé. Dans le second, même si les personnalités citées ont mis leurs dix doigts au feu et nié, elles ont été confondues par les faits sur le terrain dont l’abandon du chantier. Et l’opinion était curieuse de connaitre la suite qui serait réservée à ces dossiers et aux concernés par la justice…
Les belles promesses de la HAPLUCIA
Ces deux affaires tombaient à pic car plusieurs mois à l’avance, la HAPLUCIA et ses premiers responsables faisaient saliver les Togolais par leurs déclarations et profession de foi à lutter contre la corruption au Togo. « Nous allons insister sur la lutte contre l’impunité. Ce qui veut dire que très bientôt, nous allons travailler les plaintes et les différents rapports que nous avons reçus sur les affaires des 2 CAN et sur la route Lomé-Vogan-Anfoin (…) Nous allons finaliser rapidement les rapports et les remettre à la justice », déclamait EssohanamWiyao. On était en février.
« Déjà, je peux vous dire que toutes les grosses affaires qui intéressent les Togolais nous préoccupent aussi. Je peux citer les affaires tristement célèbres comme les CAN 2013 et 2017 et l’affaire du tronçon Lomé-Vogan-Anfoin qui passe devant le siège de la HAPLUCIA. Nous sommes en train de collecter les dossiers, les rapports sur ces dossiers. Très bientôt nous allons les étudier et, s’il y a des cas avérés de corruption, nous allons les transmettre à la justice. Ainsi vous, les journalistes et la population, vous en serez informés », déclarait-il dans une interview accordée à l’époque au confrère Togo First.
Aucune suite depuis bientôt deux mois
A l’annonce de la transmission de ces deux dossiers au Procureur de la République, la presse et l’opinion toute entière étaient emballées. Certains sont allés jusqu’à écrire en caractères intelligibles que les détourneurs seront bientôt sous les verrous. Il y avait de quoi l’être car il ne s’agissait pas de menus fretins, du genre de ces petits agents de la Fonction publique comme ceux de l’Office togolais des recettes (OTR) entre-temps appréhendés, mais de « gros morceaux ».
En effet dans le dossier de la CAN 2013, un homme particulièrement était impliqué, en tout cas devrait répondre du trou de 628 millions FCFA. ArthèmeAhoomey-Zunu, à l’époque Premier ministre et surtout Président du Comité de supervision des fonds de cette CAN. Avec les antécédents de malversations, il avait même juré que personne ne gardera par-devers lui un seul centime des fonds mobilisés pour la participation du Togo à cette compétition. Mais les faits l’ont démenti et jusqu’aux investigations et à la transmission du dossier à la justice, il n’a pas pu justifier ce gap.
Dans l’autre, ce sont les noms de deux ministres qui sont cités : NinsaoGnofam, à l’époque ministre des Transports et des Travaux publics et AdjiOtethAyassor, son collèguede l’Economie et des Finances. On se rappelle que les journaux qui avaient osé révéler ce détournement ont été trimballés devant la justice. NinsaoGnofam était même allé à l’Assemblée nationale baratiner les députés et l’opinion comme quoi, les fonds ont été utilisés par le patron de CECO BTP, Constantin Amouzou pour acheter des équipements. Mais personne n’est dupe, c’était pour brouiller les pistes. Une chose était certaine, le chantier n’a jamais pu être exécuté au terme du délai des 18 mois et le gouvernement a dû contracter un autre prêt pour faire reprendre les travaux qui, mine de rien, avancent.
Ces deux dossiers sont très sensibles et symbolisent la corruption au haut lieu et la lutte contre la corruption au Togo. Avec la sortie de la HAPLUCIA, le commun des Togolais croyait vraiment à l’arrestation sous peu des personnalités impliquées. Une suite favorable serait un message fort envoyé aux personnes impliquées dans des actes de corruption au Togo que l’impunité est terminée pour eux. Le commun des citoyens était donc curieux de savoir la suite qui leur serait donnée. Malheureusement, rien à signaler bientôt deux mois après l’annonce de leur transmission au Procureur de la République. Et Dieu sait s’il y en aura même. Tout porte à croire que la sortie du Président de la HAPLUCIA EssohanamWiyao n’était qu’un simple coup de com destiné à se donner bonne conscience…Pendant ce temps sous d’autres cieux, comme au Gabon, la justice n’hésite pas à mettre la main sur des ministres et même le Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat Brice LaccrucheAlihanga impliqués dans une affaire de détournement de deniers publics…
Tino Kossi
source : Liberté