Le gouvernement remet en cause l’accord signé avec les organisations syndicales du secteur de l’éducation pour obtenir l’accalmie. Le 06 novembre dernier, les ministres de l’Enseignement, Dodzi Kokoroko et Gilbert Bawara de la Fonction publique ont décidé de revoir le protocole d’accord signé en 2018. L’accord est donc caduc. Une méthode qui rappelle le jeu trouble joué avec les partis politiques de l’opposition.
Après moult tergiversations, les élèves ont repris le chemin des classes le lundi 02 novembre 2020. Les mouvements de grèves tant redoutés par les parents d’élèves, mais surtout les autorités en charge du secteur n’ont pas eu lieu. In extremis, le gouvernement a arraché une reprise sans heurts. Seulement, les enseignants n’ont pas renoncé à leurs revendications et menacent d’observer la grève. Le gouvernement a organisé des rencontres avec les organisations syndicales, afin, non pas de trouver une solution à la crise, mais de mettre un terme à ces velléités de mouvements d’humeur.
Le 06 novembre 2020, des discussions ont eu lieu entre des fédérations des syndicats d’enseignants et les ministres chargés des Enseignements Primaire, Secondaire, Technique et de l’Artisanat, et de la Fonction publique, Dodzi Kokoroko et Gilbert Bawara. Selon le relevé de conclusions signé par les différentes parties, les échanges ont permis d’aborder principalement le protocole d’accord et les préoccupations et revendications exprimées par les fédérations des syndicats de l’enseignement. « Ces discussions et échanges ont également été l’occasion d’évoquer les autres défis majeurs qui méritent d’être examinés par la concertation et le dialogue, associant tous les acteurs et partenaires de notre système éducatif pour y apporter des solutions globales et durables », lit-on dans le relevé de conclusion.
Mais ce qui a fait réagir les enseignants, c’est la décision des signataires du relevé de conclusion de revoir le protocole d’accord signé il y a quelques années pour apaiser les enseignants. En 2018, syndicats et gouvernement ont convenu, entre autres, du versement des primes aux enseignants. « Les échanges ont été sanctionnés, de façon consensuelle, en tenant compte des contextes sanitaire, socio-économique et sécuritaire qui prévalent tant au plan national qu’international, par la nécessité d’une revue complète du protocole d’accord, dans des délais raisonnables, par les différentes parties au protocole d’accord », ont-ils conclu. Il faut souligner que les organisations syndicales d’enseignants présentes lors de la signature de ce relevé de conclusions sont la FE/CNTT et la FENAYSET.
La réaction de la Fédération des syndicats de l’éducation nationale (FESEN) et de la Coordination des Syndicats des Enseignants du Togo (CSET) ne s’est pas fait attendre. Les deux principales organisations syndicales du secteur ont rejeté, sans ambigüité, le relevé de conclusion de Kokoroko et Bawara. « Après analyse, les secrétaires généraux des syndicats de base de la FESEN rejettent le relevé de conclusions qui a sanctionné la rencontre du 6 novembre. Un acte sera pris dans ce sens par la FESEN d’ici mardi à l’adresse du gouvernement », indique une note de la fédération qui dit maintenir le mot d’ordre de grève déposé le 2 novembre 2020.
Même son de cloche à la CSET. Dans une déclaration du collège des délégués, la base syndicale souligne que le relevé de conclusions montre clairement que le gouvernement n’est pas prêt à respecter les engagements qu’il a pris à travers le protocole d’accord. « Nous, délégués CSET réunis en assemblée générale de crise, exigeons de notre bureau national le rejet pur et simple de ce relevé de conclusions », exige le collège des délégués qui demande aussi « le dépôt d’un mot d’ordre de grève à l’expiration du délai du préavis pour exiger l’indexation avec rappel des 2 milliards de 2019 au plus tard la fin du mois de novembre 2020 et l’ouverture des discussions sur la part de 2020 à verser avec rappel au plus tard en janvier 2021, la saisie du CNDS, OIT, PNUD, UNICEF et autres organisations de défense des droits de l’homme pour constater la violation flagrante du protocole d’accord ».
Comme le relève le collège des délégués de la CSET, le relevé de conclusions de Kokoroko et Bawara n’est rien d’autre que la dénonciation d’un accord que le gouvernement a signé il y a quelques années. Pour utiliser un terme qui a fait polémique en 2016, « l’accord est caduc ». Et pourtant, l’autorité a respecté une partie de l’accord en versant une partie du montant dû aux enseignants. Est-ce parce que Faure Gnassingbé et ses collaborateurs ont obtenu l’accalmie rêvée qu’ils se donnent le loisir de déclarer caduc l’accord ?
Quand on se réfère aux actions des autorités togolaises, on se rend compte que le pouvoir cherche à jouer au dilatoire en ouvrant une nouvelle session de négociations interminables. On y décèle également le jeu que le RPT/UNIR a toujours joué avec les partis politiques. Négocier un accord, parvenir à une convention, feindre de la mettre en œuvre et décider du jour au lendemain que l’accord n’a plus sa raison d’être. C’est ce qui a conduit le pays dans l’enlisement sociopolitique et la crise profonde depuis plusieurs années. Une trentaine d’accords avec l’opposition sans jamais pouvoir les respecter. Si Kokoroko et Bawara refusent de respecter l’accord signé, de quelle garantie disposent les enseignants qu’ils vont respecter un futur accord ? La récidive étant l’ADN des hommes qui ne respectent pas leurs paroles, un nouvel accord sera assurément violé. C’est tout simplement malheureux pour des ministres qui ont pris l’engagement d’obtenir des résultats, de transposer à l’éducation les viles méthodes utilisées en politique.
G.A.
Source : Liberté