Les bonnes choses ne peuvent qu’être appréciées, sur le plan de la gouvernance politique en Afrique. La dernière, cela se passe au Burundi, avec un certain Pierre Nkurunziza. Sous le coup d’une illumination, il s’était déjà engagé depuis le 21 décembre 2019, à ne pas briguer de 4e mandat à la tête du pays. Décidé à le faire, il se trace le chemin pour une retraite dorée. Pendant ce temps, quelque part dans un pays d’Afrique de l’ouest nommé le Togo, son pendant candidate à ce 4e mandat et se dresse un lit pour se coucher au pouvoir…
Nkurunziza prépare sa sortie
Il avait déjà annoncé depuis décembre dernier ses intentions de ne pas briguer de 4e mandat à la tête du Burundi, après trois quinquennats où il s’était illustré en dictateur impénitent. « Cette fête est ma dernière. L’année prochaine à la même période, ce n’est pas moi qui prendrai la parole. Vous serez en train de faire une cérémonie pour un nouveau chef d’Etat », a-t-il déclaré lors de la cérémonie de présentation de vœux aux forces de défense, de sécurité et de renseignement à Gitega, la nouvelle capitale. Connaissant l’homme, c’était risqué de prendre cela comme parole d’évangile, d’autant plus qu’une volte-face n’était pas exclue. Mais Pierre Nkurunziza a commencé à préparer sa sortie. C’est à travers un projet de loi portant tacitement statut des anciens chefs d’Etat du pays adopté mardi par l’Assemblée nationale et lui concédant plein d’avantages…
500 000 Euros, c’est le pactole que devrait percevoir Nkurunziza une fois qu’il aura quitté le pouvoir. Autre avantage accordé par le texte, le chef de l’Etat aura également droit à une villa de « très haut standing » construite dans la localité de son choix, de même que le salaire et l’intendance du vice-président durant les sept premières années. Il bénéficiera aussi d’un système de sécurité idoine, et sur le terrain judiciaire, du privilège de juridiction devant la Cour suprême et des mêmes dispositions spéciales qui « protègent l’honneur, la dignité et l’intégrité physique du chef de l’État ».
L’initiative essuie certaines critiques, un brin légitimes, de la part de l’opposition et de la société civile. « Un projet taillé sur mesure pour la retraite du président burundais », c’est ainsi qu’elles qualifient le texte, dénonçantdes avantages indécents à Nkurunziza malgré la pauvreté ambiante du pays et une discrimination à l’égard des trois (03) autres anciens chefs de l’Etat connus par le pays. Mais très clairement, le régime en place veut créer les conditions rassurantes pour Nkurunziza afin de l’inciter à quitter vraiment le trône.
En réalité, c’est l’intéressé même qui veut sécuriser son après-pouvoir. Le timing est loin d’être fortuit. L’adoption de ce texte intervient à quatre (04) mois de l’élection présidentielle prévue le 20 mai 2020, et surtout à cinq (05) jours du congrès du parti au pouvoir organisé ce dimanche 26 janvier pour le choix d’un candidat pour ce scrutin. Le texte, faut-il le rappeler, devrait également passer au Sénat qui devrait aussi l’adouber. Il s’agit donc de mesures prises par ses compagnons pour le rassurer avant cette date fatidique. Mercredi dernier, le Conseil des ministres a aussi pris un décret élevant Pierre Nkurunziza au rang de « Visionnaire éternel » du parti au pouvoir, une distinction qui n’existait pas…
Faure Gnassingbé prend une trajectoire opposée
Pierre Nkurunziza n’est sans doute pas un parangon de vertus. Parmi les chefs d’Etat du continent qui peuvent s’en prévaloir et se targuer d’être vraiment appréciés, il y a Nelson Mandela, John Jerry Rawlings ou encore Alpha Omar Konaré. Mais cette volonté de quitter le pouvoir est appréciable à sa juste valeur. Si seulement cette mentalité pouvait contaminer son pendant togolais !
Faure Gnassingbé, malheureusement, est en train de prendre une trajectoire opposée à celle de Pierre Nkurunziza. Au contraire de ce dernier qui a renoncé à briguer un mandat de plus à la tête du Burundi, le « Prince », lui, se croit tellement irremplaçable et ne voit pas un seul autre Togolais capable de présider aux destinées du pays, même au sein du RPT/UNIR rempli d’éminences grises mais au service du mal, qu’il a décidé de candidater à la présidentielle du 22 février prochain, pour un quatrième mandat au pouvoir.
Il est arrivé que dans certains pays, le peuple consente que le dirigeant continue à le présider parce qu’il aura prouvé son utilité par sa gestion précédente. Mais dans le cas de Faure Gnassingbé, ses trois (03) mandats passés à la tête du Togo depuis 2005 n’auront été qu’une grande escroquerie. Il a d’abord dû marcher dans le sang et sur le crâne d’un millier de ses compatriotes avant d’arriver au pouvoir. En plus, durant tout son règne de quinze (15) ans, son régime aura continué à tuer les populations, même des enfants aux mains nues. Sur le plan de la gouvernance que l’on était en droit de penser meilleure à celle de son père parce qu’il serait un « expert financier », moulé à la gestion, c’est le fiasco total. Au demeurant, Faure Gnassingbé n’aura été utile qu’à la minorité pilleuse qui l’entoure et qui a mis en coupes réglées tous les pans de l’économie nationale.
Au contraire de Nkurunziza qui prend sa retraite dorée, Faure Gnassingbé, lui, ne conçoit pas une vie après le pouvoir et ne devrait pas se contenter de ce quatrième mandat en perspective. Après un cinquième assuré de fait avec les réformes constitutionnelles adoptées le 8 mai dernier, le régime cinquantenaire RPT/UNIR va sans doute trouver un artifice pour toiletter de nouveau la Constitution et rouvrir les vannes pour un 6e mandat, un 7e, un 8e …mandat à la tête du pays. A l’allure où vont les choses, il est bien parti pour battre le record de son feu père qui a égrainé trente-huit (38) années sans partage au pouvoir et n’a dû le quitter que grâce à la mort. Car le seul projet de société qu’il a, c’est de garder le pouvoir éternellement. Le Togo est bien parti pour connaitre une dynastie Gnassingbé, non plus cinquantenaire, mais centenaire…
Il n’est jamais trop tard pour bien faire, dit l’adage. A l’instar de Pierre Nkurunziza qui a eu l’illumination divine de renoncer à un 4e mandat, Faure Gnassingbé peut aussi rencontrer Jésus sur le chemin de Damas ; il a encore tout le temps de retirer sa candidature à la présidentielle du 22 février prochain avant le début de la campagne électorale annoncée pour le 6 février. Le Codé électoral en son article 157 en offre en tout cas la possibilité. Ce serait à tout son crédit. Mais connaissant le « champion » de la minorité pilleuse, qui rêve d’un bail à vie au trône, ce serait terriblement bien naïf de croire qu’il puisse y renoncer…
Tino Kossi
source : Liberté