Ce système de protection sociale dont le principe est de garantir que personne ne soit exclu des soins médicaux essentiels en raison de son incapacité à payer, connait des approches variées d’un pays à un autre. Et cette Assurance Maladie Universelle (AMU) a pris corps au Togo depuis 1er janvier 2024.
Le cas Togo dont seulement 8 % de la population sont couvertes depuis 2012 inquiète à plusieurs niveaux à partir du décret N°2023-096/PR en date du 4 octobre 2023 fixant les taux, montants et modalités de recouvrement dues au titre de l’AMU. Pour l’essentiel, on retient que qu’à compter du 1/1/2024, les cotisations sociales à la CNSS, passent de 21,5% à 31,5%, soit 10% supplémentaire pour l’assurance maladie universelle obligatoire. L’employé supportera 9% et l’employeur 22,5%. Autrement dit, les 10% de l’AMU sont supportés à part égale par l’employé et l’employeur. Dans les détails, les charges sociales pour l’employeur qui étaient de 17,5% passent à 22,5 % soit une augmentation de 5% pour l’AMU et l’employé passe de 4% à 9 % soit 5% de plus pour l’AMU.
Avec cette nouvelle mesure, le pouvoir d’achat des employés va diminuer.
De 4% de cotisation pour les employés, on arrive maintenant à 9%. Cela voudrait dire que si un employé gagnait 100.000, on va lui soustraire 9.000 au lieu de 4.000 auparavant sans prendre en compte l’IRPP. Avant, pour 100.000f de salaire, l’employé percevait 96.000, aujourd’hui il n’aura que 91.000.Tout ceci sans tenir compte des autres retenues. L’employeur qui payait 16.500, va désormais payer 21.500 comme charges patronales. 31,5% comme charge patronale, c’est un peu trop selon les spécialistes. Pourquoi alors se précipite-t-on pour commencer en janvier 2024 pour un décret signé au dernier trimestre de 2023 ?
Cette disposition brutale sans un délai minimum de grâce a de lourdes conséquences sur les entreprises. Les budgets des salaires sont conçus en fonction de 16,5% comme charges patronales. Maintenant les organisations sont obligées de payer plus de 21,5%. Ce qui n’était pas prévu.
Nos autorités font de leur mieux mais elles semblent sciemment oublier la souffrance de la pauvre population. Pour elles, c’est l’intérêt de l’État. Si on veut réellement répondre aux besoins sociaux de la population à la base, on ne peut pas seulement compter sur les contributions des citoyens qui ont déjà des revenus faibles.
Les dirigeants doivent bien gérer les ressources naturelles (phosphates, clinker, mer, or, …) pour disposer des ressources financières suffisantes afin d’améliorer les conditions de la population à la base. Tant que nous manquerons de bien gérer nos ressources, les souffrances de la population ne feront que s’aggraver.
Pour le formateur syndical Antoine Ayao Gbandjou « il y a un véritable souci aujourd’hui s’agissant de la mise en application de cette assurance maladie universelle au niveau des travailleurs dans les entreprises parce que 9 %, c’est trop déjà sur les salaires qui sont maigres. Si nous prenons le SMIG qui est de 52 500 F et appliquons 9 % là-dessus, presque 10 % donc, on voit ce qu’on prélève et que le travailleur perd donc comme revenu. Alors même que ce SMIG n’est même pas respecté et payé dans bon nombre d’entreprises.
On sait aussi que la charge patronale pour les employeurs a aussi augmenté alors que les entreprises traversent des situations difficiles. Tous crient aujourd’hui par rapport à la situation de l’économie nationale au regard du contexte de la crise mondiale que nous vivons. C’est un véritable problème et il serait bienséant, en termes de réflexions, que le gouvernement cherche à rediscuter et fixe un moratoire pour échanger avec les employeurs, les organisations syndicales et les représentants des travailleurs pour, non pas suspendre l’exécution de la mesure, mais trouver un juste milieu pour donner un peu de souffle aux travailleurs et aux entreprises pour qu’ils se préparent à aller progressivement à la mise en œuvre effective de cette assurance maladie universelle » a-t-il déclaré sur letabloid.tg avant de proposer quelques pistes de solutions
« En tant que responsable syndical, je fais des analyses et émets plusieurs pistes de propositions. Le taux de 5 % qui s’est ajouté aux 4 % est trop pour les travailleurs. On aurait peut-être pu mettre 2 % pour un début, et au niveau des employeurs aussi, diminuer la contribution et monter progressivement. Autre élément, on pourrait trouver d’autres ressources pour conduire à cette assurance maladie universelle…Le salaire dans le privé est déjà faible et insuffisant, on doit faire en sorte que le SMIG soit augmenté, prendre les dispositions pour qu’il soit respecté et faire en sorte que la quote-part qui est prélevée puisse ne pas agir sur le besoin quotidien du travailleur.
Pour les entreprises, on peut aussi, par rapport aux charges et aux difficultés, revoir un peu les échéances de paiement des impôts avec l’OTR pour leur donner un peu de souffle (…) C’est vrai que le gouvernement dit que ce sera progressif. Mais avec les taux qui sont calculés avec les techniciens, on attend de voir. On ne devrait pas mettre les employés et les entreprises sur un pied d’égalité en matière de contribution par rapport à l’assurance maladie universelle, c’est-à-dire 5 % de hausse des deux côtés. On s’interroge d’ailleurs sur la part de contribution financière de l’Etat…
L’Etat doit trouver les mécanismes pour revoir à la baisse ces parts en apportant sa contribution d’une manière directe, revoir la quote-part des taux-là. Pour les travailleurs, on pourrait mettre le taux à 2 %, et pour l’employeur, peut-être à 3 % et l’Etat devrait prendre en charge la différence des 10 % quand on fait la somme des augmentations concédées sur ces contributions. Voilà des pistes de propositions.
L’autre recette, c’est de donner du temps aux travailleurs et aux employeurs pour mieux se préparer, rediscuter mieux les mécanismes et mobiliser les ressources nécessaires à la mise en œuvre de l’AMU. On prend la décision en octobre 2023 et démarre juste en janvier 2024, je pense que c’est difficile. Avez-vous vu comment les gens ont fêté ? Il n’y a pas eu de ferveur, les gens vivotent dans le pays. Il faut que les syndicats fassent des études et apportent des propositions concrètes pour convaincre le gouvernement à revoir la mise en œuvre.
Il faut le dire, l’assurance maladie universelle est une bonne initiative. C’est d’ailleurs nous-mêmes, en tant qu’organisations syndicales qui, dans le cadre de la lutte pour la protection sociale, avons demandé ce genre de mesures. Mais c’est la manière brusque de la mettre en œuvre qui pose problème… ».Plusieurs employeurs qui ont déjà souscrit à des assurances à des coûts raisonnables fustigent le taux exorbitant qui risque de plomber leurs activités.
En clair, pour une assurance maladie universelle, le cas Togo ressemble beaucoup plus à un moyen d’enfoncer la population surtout que les structures sanitaires publiques censées accueillir les assurés au besoin sont dans un état de délabrement avancé.
Multiplication des postes de péage anarchiques
Dans cette ambiance anxiogène, le gouvernement ne trouve mieux à faire d’ajouter un 19ème poste de péage à Akato-Viépé en pleine agglomération. Ce poste installé dans la Commune Golfe7 s’ajoute aux 18 déjà installés à Vodougbé dans la Préfecture des Lacs ; à Sanguéra dans la Préfecture d’Agoè-Nyivé ; à Aképédo dans l’Avé ; à Davié dans le Zio ; à Ahépé dans le Yoto ; à Kpélé-Adeta dans la Préfecture de Kpélé ; à Evou Apégamé sur la route de Badou ; à Sotouboua; à Aléhéridé dans Assoli ; à Défalé-Kanté sur la RN1 ; de Ponio dans les Savanes ; à Notsé dans le Haho ; à Kpomé dans le Zio, à Mango dans l’Oti, à Kémérida dans la Binah.
On rebat les oreilles à loisir que ces postes multiples visent à soutenir le financement des travaux liés au maintien de la qualité et de la durabilité de l’ensemble du réseau routier du pays. Pour ce faire, les engins à deux roues paient 50F et les tricycles 100F. Les véhicules légers et les minibus déboursent 500 F. Les bus de 50 et 65 places versent 1500 F. Les véhicules poids lourds à deux essieux sont à 2500 F, alors que ceux à trois, quatre, cinq essieux doivent verser 3000 F. Les poids lourds à 6 et 7 essieux payeront 3500 F et ceux à huit essieux et plus, déboursent 5000F.Des frais exorbitants qui ne sont payés nulle part si ce n’est au Togo de toutes les curiosités. Comment peut-on acculer son peuple à ce point ? Tout porte à croire que le gouvernement est toujours dans la facilité en enfonçant la population. Qui ne sait pas que la multiplication des postes de péage est source de vie chère ? Que font les autres pays pour développer leurs infrastructures à un niveau plus enviable que le Togo sans forcément saigner leurs populations ? Il est temps de cesser cette pagaille qui consiste à ériger des postes de péage dans tous les coins du pays.
Comme cela ne suffisait pas, ce pouvoir dans un cynisme accru s’offre le vilain plaisir d’augmenter le nombre de députés à l’Assemblée Nationale.
De 91 à 113 députés, l’insouciance dans sa plénitude
Au Togo, l’Assemblée nationale comptera désormais 113 députés contre 91 actuellement. Les députés dont le mandat a déjà expiré, se sont réunis mardi 23 janvier 2024 en session extraordinaire pour l’adoption d’un projet de Loi dans ce sens.
Le gouvernement soutient qu’il était devenue nécessaire en raison de l’augmentation sensible de la population, des difficultés d’accès aux populations dues à la situation géographique de certaines circonscriptions électorales, et à la nécessité d’éclater les circonscriptions englobant deux Préfectures. A la fin, le Togo y gagne quoi avec une Assemblée aussi pléthorique et budgétivore? Pour un petit rectangle de pays de 56.600 km2 , le pouvoir s’est permis d’ériger 39 Préfectures avec 117 Maires pour finalement déboucher sur 113 Députés. Pour le Bénin de 112. 622 km2 on a que 12 Préfectures, 77 Maires et 109 Députés, un pays qui fait deux fois le Togo. De surcroit, en terme développement, le Togo est bien à la traine. Comment dans ces conditions, on peut s’autoriser des dépenses aussi futiles ? La conséquence qui découle de cette insouciance hors norme, c’est la multiplication des taxes et impôts, des postes de péage à la hussarde qui enfoncent le peuple dans la misère. C’est inconcevable qu’un pouvoir responsable se comporte de la sorte.
A la fin, on veut passer l’eau qu’on n’a pas sous contrôle
La police des eaux opérationnelle
Il est annoncé que c’est pour rechercher et constater les infractions au Code de l’eau en vigueur depuis 2010. Le ministre d’Etat, en charge de l’eau et de l’hydraulique villageoise, Général Yark Damehame, a pris le 17 janvier 2024 un arrêté portant création de cette entité qui sera constituée d’agents et d’officiers de police judiciaire, d’agents assermentés des ministères de l’eau, de la santé, de l’environnement, de l’agriculture, des collectivités territoriales, et de personnes mandatées par l’État à cet effet.
Des agents qui auront le pouvoir d’accéder aux domaines et domiciles privés, dépendances, puits, forages, et autres ouvrages liés à l’eau, pour procéder à des enquêtes et constats. Cet accès peut se faire en présence ou sur la réquisition du procureur de la République, du juge d’instruction, ou de toute autorité judiciaire compétente, ou encore en vertu d’un mandat délivré par les autorités judiciaires compétentes.
En outre, la police des eaux pourra exiger du propriétaire ou de l’exploitant d’une installation de captage ou de prélèvement d’eaux, ou de rejet d’effluents, leurs autorisations et la mise en marche des installations pour vérifier leurs caractéristiques. De plus, précise l’arrêté, elle a le droit d’accéder aux terrains, édifices, maisons d’habitation, véhicules, ou bateaux pour prélever des échantillons, installer des appareils de mesure, procéder à des analyses, ou examiner les lieux où des infractions sont suspectées .Au besoin ces agents pourront requérir l’assistance de la force publique, et en cas de flagrant délit, engager des poursuites contre les délinquants.
Le gouvernement est dans son rôle régalien d’assurer le bien-être de la population contrôlant la qualité de l’eau et en rendant accessible l’eau potable. Quelle est l’urgence d’une telle police au moment où une bonne partie de la population s’abreuve dans les rivières avec les animaux ?
Malgré les tentatives d’explication, la police des eaux n’est aucunement une priorité en ce moment où les populations souffrent le martyre et crient leur ras le bol par rapport au manque d’eau.
De toute évidence, tout se passe comme si les gouvernants éprouvent du plaisir face aux cris de souffrance de la population. Pour un gouvernement au service et pour le bonheur du peuple, au Togo de Gnassingbé, c’est tout le contraire. Péage, assurance maladie universelle, 113 députés, police des eaux, le Togo, un pays qui s’étouffe.
Kokou AGBEMEBIO
Source : Lecorrecteur.info