« Quand les hommes ne choisissent pas, les événements choisissent pour eux » (Raymond Aron)
Fau t-il ou non participer aux élections au Togo sous le régime des Gnassingbé? L’opinion reste foncièrement divisée sur la question. Entre les partipationnistes et les partisans du boycott, personne ne parvient à trouver la bonne formule.
Les élections au Togo, depuis la nuit des temps, invariablement, se déroulent de la même manière : des fraudes massives, des contestations et des répressions. C’est le régime en place qui gagne à tous les coups faisant passer les opposants, pour des incapables, programmés à perdre avec une régularité déconcertante.
Il faut garder à l’esprit que le Togo est une dictature, la plus vieille en Afrique, avec un pouvoir passé de père en fils. Comme dans une tyrannie qui se respecte à l’instar du Cameroun, du Gabon, du Tchad, du Congo Brazzaville, etc. les règles démocratiques ne sont pas la tasse de thé des dirigeants. Nulle part au monde, une dictature ne s’est jamais fait hara-kiri, en organisant des élections justes, transparentes, démocratiques pour perdre le pouvoir. Ça n’est jamais arrivé.
Dans tous les régimes despotiques, le jeu électoral est toujours verrouillé. Les institutions impliquées dans l’organisation des élections sont aux mains du dictateur qui nomme les premiers responsables qui doivent lui obéir au doigt et à l’œil.
C’est également le dictateur qui tient le cordon de la bourse. Il dispose de tous les moyens de l’État. On se rappelle, en 2005, quand Faure Gnassingbé avait décidé de monter sur le trône laissé vacant par son père, sans passer par la voie des urnes, provoquent une levée de boucliers à travers le monde, l’ancien président sénégalais, Abdoulaye Wade, avait dû voler à son secours en lui indiquant la voie royale pour rester au pouvoir : une parodie électorale. Il lui disait qu’il a le pouvoir, l’argent et l’armée et que de ce fait rien ne pouvait l’empêcher de remporter les élections.
Son papa lui avait dit de ne jamais laisser le pouvoir lui échapper, Abdoulaye Wade lui a montré la recette. Des conseils utiles qu’il applique à la lettre à ce jour pour ne jamais perdre les élections.
Ce qui est constant, c’est que dans les circonstances actuelles, aucun changement par la voie des urnes n’est possible au Togo. Les voies d’un changement électoral sont fermées. Les prochaines consultations électorales ne devraient pas dérogées à la règle et constituent donc, de ce point de vue, un non événement. Comme le dirait l’autre, les élections en Afrique sont comme un logiciel qui répète inlassablement à la sortie que c’est la même personne qui a gagné. C’est le scénario typique au Togo.
Mais ne pas participer aux élections au Togo n’a aucune incidence non plus sur le régime togolais d’autant qu’il ne tire pas sa légitimité du Peuple mais plutôt de l’extérieur. Le boycott permet au régime de se renforcer davantage. La Coalition des 14 partis de l’opposition soutenue par l’écrasante majorité des Togolais avait fait l’amère expérience en 2018 en boycottant les élections législatives. Le régime s’est alors offert la majorité des sièges au parlement et a affecté quelques strapontins à des partis alliés. Les députés ainsi cooptés ont taillé des réformes sur mesure pour Faure Gnassingbé, en remettant non seulement le compteur à zéro, mais aussi en lui accordant une immunité ad vitam aeternam.
19 ans plutôt, le boycotte des élections législatives de 1999 avait permis à Gnassingbé père de s’octroyer presque tous les sièges de l’Assemblée nationale, pour ensuite tripatouiller la Constitution et instituer la présidence à vie.
Quoi qu’il en soit, le régime qui ne fait jamais dans le sentimentalisme, organisera les élections selon ses propres règles. Que faire dans ces conditions ? Comme le dit Jean-Paul Sartre, « Ne pas choisir, c’est encore choisir ».
Médard AMETEPE
LIBERTE N°3811 du Jeudi 20 Avril 2023