Monsieur le Ministre, avec tout le respect dû à votre fonction, lorsqu’un citoyen vous pose une question légitime et qu’en retour il n’obtient qu’un silence pesant, que faut-il comprendre ? Du mépris ? De l’indifférence ? Une insulte muette ? Car une réponse, même négative, vaut toujours mieux qu’un silence qui humilie.
Au Togo, un phénomène préoccupant prend de l’ampleur : une fois nommé ministre, le frère devient distant, l’ami devient inaccessible, le citoyen ordinaire se transforme en personnage extraordinaire. Le pouvoir agit comme une frontière invisible entre l’autorité et le peuple. À tel point que l’on finit par se demander si certains ministres ont été sélectionnés sur concours d’excellence ou simplement par un heureux alignement des planètes : chance, géopolitique, affinités… voire métaphysique.
Certes, le mérite existe. Mais il serait malhonnête de nier que pour beaucoup, l’accession au gouvernement relève davantage du hasard que de la compétence exceptionnelle. Il n’est pas rare qu’un ami avec qui l’on partageait hier encore les « quatre cents coups » se retrouve, du jour au lendemain, au sommet de l’appareil d’État. Cela, en soi, n’est pas un problème. Le drame commence lorsque le pouvoir modifie l’homme : le ton change, le rire devient calculé, la démarche se fait solennelle… jusqu’au sommeil peut-être. Comme si la fonction conférait soudainement des pouvoirs surnaturels. Comme si le fauteuil ministériel était éternel.
Certains finissent même par croire qu’ils ne quitteront jamais leur poste. D’où les crises, parfois violentes, lorsque sonne l’heure de céder le plancher. L’histoire de ce haut cadre du ministère du Plan, informé à midi trente de son limogeage et qui déversa sa colère sur le portrait du Chef de l’État accroché dans son salon, en dit long sur la fragilité de ces pouvoirs que l’on croyait absolus. Nous vous épargnons la suite.
De l’arrogance voire abus d’autorité
Un autre encore en activité : Allô c’est qui? – C’est X répond calmement son interlocuteur au bout du fil. Tu te prends pour qui … Et tu m’envoies un tel message …? Je vais m’occuper de votre cas avant de lui raccrocher au nez. Imaginez vous même le ton du ministre !
Un ministre reste avant tout un homme. Un homme du peuple, au service du peuple. À la limite, un homme cultivé au sein de la masse, et non au-dessus d’elle. Sa proximité avec les citoyens n’est pas une faiblesse, mais une force. C’est au contact des réalités quotidiennes — la vie chère, le chômage, la précarité, les espoirs déçus, les abus et les injustices— qu’il peut comprendre et agir sans préjugés.
Il n’est pas nécessaire de renier ses origines pour servir la nation. Car demain, lorsque la mission sera terminée, lorsque les honneurs auront disparu, ce sont encore nos frères, nos sœurs, notre peuple qui resteront là… pour nous juger ou nous réconforter.
Ministre, autorité…
rapprochez-vous du peuple. Le pouvoir passe. Le peuple demeure.
Innocent Pato – Journaliste

















