La Fédération de Russie aura désormais avec sa marine militaire un accès privilégié et direct dans le Golfe de Guinée par le port autonome et en eau profonde de Lomé. Cet accord a été entériné ce 19 novembre 2025 au Kremlin entre l’hôte des lieux Vladimir Vladimirovitch Poutine et Faure Essozimna Gnassingbé. Les deux pays utiliseront leurs ports respectifs pour des échanges et des exercices militaires.
Qu’on se rappelle. En octobre 2025 le parlement russe la Douma avait ratifié un accord de coopération militaire entre la Russie et le Togo qui prévoit la formation de militaires togolais par des instructeurs russes, mais aussi le partage de renseignements ou encore la tenue d’exercices militaires conjoints et que les deux pays pourront utiliser leurs ports militaires respectifs. Des exercices militaires auxquels pourraient être conviés d’autres pays africains ayant tissé des liens avec Moscou. En ligne de mire les pays du Sahel, le Burkina, le Mali et le Niger.
C’est un véritable pied de nez à l’Europe et surtout à la France et un ancrage militaire pour la Russie dans le Golfe de Guinée, elle qui est déjà présente dans l’hinterland en l’occurrence les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), pays sans accès à la mer et qui ont besoin de cette ouverture sur l’Atlantique pour de nombreuses exportations et surtout pour des opérations militaires et des livraisons d’armes. Si c’est déjà le cas pour les marchandises depuis des dizaines d’années, la nouveauté est le côté militaire. Joli coup donc pour la Russie dont les avions militaires et les navires de guerre feront escale et prendront position dans le Golfe de Guinée à l’intersection des principales routes maritimes reliant l’Afrique, l’Europe et le continent américain.
Face aux menaces terroristes en provenance du Sahel ce partenariat stratégique de Lomé renforce les liens militaires avec Moscou au moment où l’influence de Paris dans la plupart des pays africains et principalement de la sous-région est réduite à sa portion congrue. Sans doute c’est un basculement du Togo vers la Russie avec en 2026 l’ouverture des ambassades dans les deux pays c’est-à-dire à Moscou et à Lomé.
Depuis quelques années déjà le président togolais Faure Gnassingbé prône la diversification de partenariats stratégiques bénéfiques aux pays africains. Et cela n’est en rien répréhensible puisque rien n’oblige les pays occidentaux et principalement l’ancienne puissance coloniale à ne pas signer des accords avec qui elle veut selon ses intérêts. Ce partenariat russo-togolais n’est tourné contre personne. Jusqu’à preuve du contraire Lomé et Paris entretiennent de très bonnes relations diplomatiques et la France reste un fournisseur en armement du pays depuis de nombreuses années. Sauf qu’elle n’a plus cette chance d’être le fournisseur privilégié.
La France qui a été chassée des pays du Sahel en paie un lourd tribut au regard de ses attitudes condescendantes envers les pays africains. Et la présence de la Russie à l’encablure des routes maritimes commerciales et aux portes de l’AES est un signe que dorénavant Moscou entend peser de son poids dans la géostratégie de la région qui n’est plus et ne sera plus l’apanage des seuls occidentaux.
Le bénéfice sera pour le Sahel et le Togo, des pays qui veulent tisser des accords gagnant gagnant dans la lutte contre le terrorisme et également sur le plan technologique où la Russie pourra apporter son savoir-faire, son expertise à des pays qui aspirent à l’indépendance énergétique, agricole. Le Togo veut aussi accentuer son rôle d’intermédiaire en restant un facteur incontournable dans le multilatéralisme régional et dans le processus transformationnel des économies de la sous-région.
La Russie fait ainsi son retour sur le continent 30 ans après l’avoir quitté.
Anani Sossou
















