La vraie fausse question Nord-Sud et l’appel à un éveil de conscience des populations
Dans notre parution d’hier, nous avions eu à démontrer que le clan a instrumentalisé l’ethnie kabyè à des fins politiques et de conservation du pouvoir. Aujourd’hui, nous apportons la preuve que la question Nord-Sud est une vraie fausse question que les autorités togolaises auraient depuis longtemps gagné en honneur à combattre en vue de son éradication, du moins de son atténuation, si elles ne s’étaient pas servies du tribalisme pour un certain bénéfice personnel.
Malheureusement, Faure Gnassingbé qui n’avait aucune raison de perpétuer les pratiques tribalistes de son géniteur, étant « un esprit nouveau » et un trait d’union entre le Nord et le Sud, est demeuré résolument méconnaissable et cramponné à la même logique, sûrement pour la préservation de son pouvoir, ne serait-ce que pour un petit bout de temps, avant d’être éjecté. Sentant qu’il n’a plus rien à perdre, Faure ne semble plus faire d’efforts depuis quelque temps en mettant du sérieux dans la gestion du pays et dans les travaux de la CVJR.
Dans un article datant de 2008, suite à un séjour en pays kabyè, nous avions eu à l’époque à affirmer que le kabyè n’est pas par nature un peuple tribaliste et que c’est cette vision consistant à diviser pour mieux régner, qui a fait que Eyadèma a pu inculquer aux siens la haine des populations du Sud, les présentant comme des êtres ayant du mépris pour eux et qui les auraient en horreur. Nous signalons que le « Père de la Nation » prenait du plaisir, de son vivant, paix à son âme, à dire à Kara que dans le gouvernement du premier président du Togo, il n’y avait aucun ressortissant du Nord. Ce qui, il le savait bien lui-même, n’est pas vrai. Inutile de remonter au passé pour citer des ministres.
Jusqu’ici, il n’est pas rare d’entendre certains qui se sont bien empiffrés au pouvoir avec des ventres ballonnés s’éclater, pendant que leurs propres frères et sœurs sont abandonnés dans la misère comme ailleurs dans le Sud, sortir, au détour d’une conversation, des phrases pas du tout rassembleurs et irresponsables du genre : « Hier c’était vous, aujourd’hui, c’est notre tour » ou « Vous aviez coutume de dire « Ahoévi mou kplona égni o » (les gens du Sud ne sauraient être des bergers), à présent, vous allez chercher le bétail à faire paître sans en trouver ».
Le fait d’avoir été des peuples côtiers, à être les premiers à voir des bateaux accoster, puis entrer en contact avec le Blanc, échanger avec lui et épouser avec le temps ses habitudes, aller à son école, sont autant de facteurs pouvant conférer à tous les peuples du monde un sentiment de suprématie sur ses congénères et pourquoi pas des comportements de domination, vecteurs d’orgueil. Les populations du Nord auraient été dans le cas, que le comportement aurait été le même. Ce fut le cas des populations du Sud, surtout à une époque où les voies de communication manquaient. De là, pour des dirigeants, à en tirer prétexte pour crétiniser une partie de notre peuple juste pour asseoir un pouvoir, c’est une aberration.
Des éléments de preuve
Il est difficile, voire impossible de vouloir s’évertuer à convaincre les Togolais que la prise du pouvoir par Eyadèma, puis par Faure a profité à toutes les populations du Nord-Togo, populations auxquelles on a toujours essayé de faire croire que si les gens du Sud prenaient le pouvoir, leur vie serait menacée. Aujourd’hui, soit 44 ans après la gestion du pays par le RPT, le constat est clair. La gestion du pays par le clan Gnassingbé n’aura profité qu’aux proches du pouvoir. Eyadèma et ses proches, Faure et ses proches, y compris bien sûr, de nombreux amis. Nul n’est sans savoir que nos frères et sœurs, malgré tout ce qu’on essaie de leur faire croire à l’approche des élections, sont aussi malheureux que leurs frères et sœurs du Sud, si leur sort n’est pas plus à plaindre.
Ici nous voulons apporter une preuve tangible pour démontrer qu’au temps d’Eyadèma comme à celui de son fils, seuls ceux qui, parmi les kabyè, sont bien nés ou ont des bras longs ont trouvé et trouvent leur place au soleil. Il faut entendre par là, une minorité. Un « Ahouna », ( un originaire du Sud) qui joue le rôle de tuteur présentement pour deux frères et sœurs kabyè originaires de Pya, héberge ces derniers chez lui à Lomé. Grâce à leur propre esprit de débrouillardise, la fille et son jeune frère ont pu trouver de petits jobs grâce auxquels ils survivent. Parce qu’ils ne se nomment pas Gnassingbé, Bikassam, Bidamon, etc., ils vivent de la débrouillardise. On peut en trouver des milliers d’autres dans le cas. En quoi le régime quarantenaire leur a-t-il profité, quand des gens applaudissent pour la fortune d’un prince ?
Un détail important. En contact régulier avec leur maman (le père militaire décédé depuis leur tendre enfance), la pauvre dame de caractère qui ne s’est pas remariée par principe, semble avoir mis toute sa confiance en ce monsieur à qui il ne manque pas de dire : « vous êtes comme leur papa, pardon, ne leur permettez pas de faire n’importe quoi ! ». La connaissance de ce monsieur avec la dame fut tout à fait fortuite. Selon le monsieur, la dernière fois qu’il était passé à Kara et a profité pour aller rendre visite à la maman, celle-ci lui déclara : « Avec tout ce qu’on raconte sur les gens d’Aneho (ce sont ses termes), je vous trouve exceptionnel ».
Et dire qu’il n’existe aucune relation amoureuse entre les deux êtres, il y a de quoi, pour cette dame, tomber des nues. N’en déplaise à ceux qui pensent, que c’est en prenant en otage une ethnie qu’ils bénéficieront de leur soutien inconditionnel. A-t-on besoin d’être kabyè pour venir en aide à un kabyè, son propre frère ? Le cynisme des gens qui profitent au sommet du pouvoir, les pousse quelquefois à chercher à foutre du bordel dans ces genres d’entente cordiale, car pour eux, la destruction du mythe dont ils ont toujours entouré la division Nord-Sud, Kabyè-Ahouna entretenue à prix d’or à travers le temps est à préserver, afin qu’ils continuent aussi longtemps que possible à en tirer de sordides profits et sur le dos de leurs frères et sœurs.
Emmanuel Kakou ne l’a-t-il pas rappelé l’autre fois dans son intervention ? Aux dernières élections, dans la Kozah, les populations ont voté massivement pour le changement avant que les résultats officiels fabriqués que l’on connaît ne fussent publiés. Une chose est sûre, l’Afrique est en mutation et le Togo n’y échappera pas. Demain ou après demain, le Togo entrera dans le changement pour lequel le Nord souscrit autant que les « Ahouna », étant entendu que 44 ans de régime RPT n’a rien apporté de meilleur dans leur vie. Il ne s’agit pas de manger à satiété pendant les campagnes électorales seulement, pour attendre retrouver ce simulacre de bonheur 4 ou 5 ans plus tard. Tous les Togolais aspirent à vivre pleinement et de manière pérenne dans le bien-être.
Appel à la prise de conscience
Si la CVJR n’était pas une institution sans tête ni queue, destinée à amuser la galerie et à se limiter à un rôle trompe-l’œil, nous aurions lancé un appel dans sa direction, afin de recommander aux autorités de veiller à un véritable brassage des ethnies pour créer un véritable esprit d’unité nationale. Malheureusement, tout le monde sait à quoi ressemble la CVJR de Mgr Barrigah et de la tribalisme Mme Tchangaï.
Il y a tout de même lieu de se réjouir d’un certain éveil de conscience qui semble se dessiner. La dernière grève des praticiens hospitaliers que le pouvoir prédateur, en dépit des menaces de licenciement et autres n’a pas réussi à étouffer est un signal fort. Ce long refus du pouvoir RPT, depuis plusieurs années de créer de meilleures conditions de vie et de travail aux agents de santé, malgré l’existence de moyens dont seul le pouvoir usent et abusent, est un catalyseur censé permettre à tous les Togolais de toutes les ethnies, de se rendre compte que ces gens ne méritent pas leur confiance.
Il est temps que les populations du Nord et toutes les ethnies se libèrent de la peur comme on l’a vu avec l’ensemble des agents de santé du Togo, jusqu’à la capitulation du pouvoir qui a fini par leur délivrer le premier passeport pour une amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Les kabyè en particulier doivent se dire qu’il est temps qu’on les laisse vivre pleinement leur vie d’hommes et femmes libérés à qui les conduites à tenir ne doivent plus être dictées. Cette situation d’otages et d’instrumentalisation obère gravement les facultés intellectuelles, mentales et psychologiques de nos frères et sœurs de la partie nord du pays. Tout bien pesé, ils vivent dans un second esclavage qui ne dit pas son nom. Comment peut-on vouloir « faire le bonheur » d’une ethnie ou d’une population en l’obligeant à vivre non pas comme elle le pense, mais comme on le pense à sa place et qu’on lui dicte ? La balle dès lors se trouve dans le camp des uns et des autres, car la liberté se conquiert, s’arrache.
Alain SIMOUBA
source: liberté hebdo togo
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