Traquer tout ce qui s’apparente à un manque de transparence, voire à de la fraude pure et simple. Tel est l’objectif qui a sous-tendu le rapport annuel rendu aux autorités de transition malienne en fin de semaine dernière par le Vérificateur Général.
Le Vérificateur Général qui est l’instance chargée de vérifier la gestion des ressources publiques a réalisé, en 2019, 31 vérifications portant sur des dépenses réalisées entre 2015 et le premier trimestre 2018. A l’arrivée, près de 300 milliards de francs CFA (450 millions d’euros) d’irrégularités ont été constatés. Plusieurs missions diplomatiques présentent aussi des dysfonctionnements dépassant les cent millions de francs CFA. La palme revient à l’ambassade du Mali au Burkina : 1,840 milliard de francs d’irrégularités seraient passés par pertes et profits, avec en fond de toile des loyers payés de manière indue, ou encore des frais de carburant ou de scolarité non justifiés.
D’autres irrégularités, non moins mahousses, ont été constatées pour les mines d’or de Loulo et Gounkoto, exploitées par le groupe Randgold. Y est notifié plus de 60 milliards de FCFA. Quant à la Société des mines de Syama, du groupe australien Resolute, le rapport fait état de plus de 227 milliards de FCFA d’irrégularités, près de 350 millions d’euros. Ce dernier rapport a ceci de particulier, qu’il a été soumis au président malien de transition Bah N’Daw, président désigné bien des semaines après le coup d’État du 18 août dernier.
On se rappelle qu’avant même de destituer Ibrahim Boubacar Keïta, les putschistes avaient fait de la lutte contre les détournements d’argent public, contre la mauvaise gestion, contre la fraude, qui enrichissent une élite corrompue au détriment des citoyens maliens, leur priorité. Aussi est-ce sans surprise que Bah N’Daw a, le rapport en main, affirmé que « tous ceux qui voudront se servir du Mali, au lieu de le servir, le feront à leurs risques et périls », ou encore qu’« il est hors de question que l’or du Mali ne brille pas pour le Mali ».
En matière de lutte contre la corruption, le Mali n’a de cesse de prêcher d’exemple. On se rappelle qu’en septembre 2019, l’opération « mains propres » déclenchée par la justice malienne a permis d’écrouer certains proches du pouvoir. Si certaines personnalités ont été convoquées pour une simple audition, plusieurs autres dossiers mis sur la table du procureur anticorruption ont permis aux Maliens d’y voir plus clair. Il suffit qu’il y ait un soupçon de malversations comme on a pu le voir dans l’achat du matériel militaire dont deux hélicoptères de manœuvre « Puma », pour qu’opposition, société civile et le monde médiatique réclament une commission d’enquête. N’est-ce pas là la meilleure des manières de lutter contre la corruption ?
Au Togo, pays qui n’a de cesse de recevoir leçons sur leçons en ces matières, agit au rebours du bon sens et de la citoyenneté. Pendant que des instances sous régionales luttent contre l’infraction au code des marchés publics, contre le détournement de fonds ou contre l’abus de fonction et le dédouanement illégal, comme l’a fait en 2019 et continue de le faire la Haute autorité de lutte contre la corruption (HALCIA) au Niger, sa voisine du Togo, en l’occurrence la Haute Autorité de Prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilée (HAPLUCIA), brille par son obséquiosité consanguine.
L’affaire Petrolegate aura par ailleurs montré la faiblesse de nos institutions. Autrement, on n’irait pas jusqu’à laisser plastronner les présumés coupables, malgré l’accablant rapport de l’audit. Désespérant !
Le Correcteur