La gestion des ordures dans la ville de Lomé a toujours été un problème pour la municipalité qui souffre d’un responsable élu par la population. Aujourd’hui, on remarque encore un désengagement total au niveau de cette municipalité, confiant le ramassage et la gestion des ordures ménagères à des sociétés privées ou à des individus qui font le travail d’une manière approximative. Conséquence, des dépotoirs ou décharges finaux sont installés un peu partout dans la ville, constituant de véritables dangers pour les riverains, obligés de respirer les odeurs nauséabondes qu’ils dégagent.
Parmi ces décharges anarchiques, se trouve celle située au côté gauche de l’avenue Maman N’Danida au niveau de la lagune Est en allant à la Colombe de la Paix. Un tour dans la zone fait constater la démission des responsables de la Mairie de Lomé, et par ricochet, du gouvernement. L’on se demande comment une décharge finale de cette nature peut se retrouver en plein centre ville, proche d’un lycée réputé de la capitale (lycée de Tokoin) et du camp Général Gnassingbé Eyadéma.
Et pourtant, c’est la voie que la plupart de ces autorités empruntent tous les jours pour se rendre à leurs lieux de travail ou rentrer chez eux. « On ne peut pas dire que les autorités ne voient pas ça, elles voient très bien. Seulement qu’elles ne veulent pas faire quelque chose », confie un des chauffeurs qui prennent des passagers au niveau de la lagune, tout près de la décharge.
L’espace occupé par la décharge a été abandonné par l’entreprise GER qui a réfectionné la route. « Avant, la décharge était de l’autre côté (Ndlr, côté Ouest de la lagune). C’est là-bas que nous travaillions. Après le départ de GER, nous sommes venus ici », nous indique Albert, un jeune homme qui reçoit les pousse-pousse et leur montre l’endroit où jeter les ordures. A l’en croire, ces pousse-pousse qui se promènent de maison en maison en collectant les ordures ménagères payent 200 FCFA lorsqu’ils vont laisser les ordures à cette décharge finale. Il y a ensuite des représentants de la Mairie, selon toujours notre source, qui viennent ramasser cet argent à la fin de la semaine.
Mais vu la montagne que constituent ces ordures, tout porte à croire qu’elles n’ont plus aucune destination. « Au début, la Mairie envoyait des camions qui venaient ramasser les ordures pour finalement les laisser au niveau d’Agoè ou ailleurs. Ce qui fait qu’ici restait un peu propre. Mais depuis quelque temps, ces camions ne viennent plus. Par exemple cette année, c’est une seule fois qu’on est venu ramasser les ordures. Voyez vous-mêmes comment les choses sont ici », nous renseigne Folly, un jeune du quartier qui, visiblement, dirige les opérations sur le site. Et pour compenser le fait que les camions ne vont plus ramasser les ordures, ces jeunes sont obligés de mettre du feu à la décharge tous les matins. Ce qui engendre un autre problème écologique pour les riverains qui, également, se plaignent.
Les riverains ne sont pas à l’abri des dégâts collatéraux de cette décharge, bien qu’entre-temps, on ait tenté de le cacher par une clôture. Jusque dans les salles de classe au Collège Monseigneur Joseph Strebbler ou au Collège Saint-Joseph, la fumée issue de cette décharge dérange élèves et enseignants. « C’est tous les jours que nous sommes obligés d’humer ces fumées, puisqu’il n’y a pas de jour où on ne mette du feu à la décharge. En plus de ça, nous supportons malgré nous, les odeurs nauséabondes que dégagent les déchets. C’est regrettable qu’on trouve ça en pleine ville. Où sont passées les autorités de la Municipalité ? C’est dommage pour ce pays », se désole un agent de sécurité au niveau de l’église près du Collège Strebbler. Ce sentiment est partagé par tout le monde dans les environs, que ce soient les pompistes de la nouvelle station d’essence, les revendeuses de nourriture, les mécaniciens auto et même les employés de l’entreprise TMB, située sur le boulevard de la Paix. « Ici, c’est l’odeur que dégage la décharge qui nous indispose », raconte un employé. Pour les revendeuses, c’est un véritable calvaire. « On mène une lutte sans merci contre les mouches ici. Regardez vous-mêmes ! C’est dû à la présence de la décharge ici. Avant, on n’avait pas ce problème. Les gens venaient manger chez nous sans difficulté. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui, puisque les clients nous fuient presque. Je ne peux pas les blâmer, parce que ça ne fait pas bien de manger avec ces odeurs dans les narines », nous confie Afinon, revendeuse d’Ayimolou dans la zone.
En quittant Déckon pour la Colombe de la Paix, le spectacle auquel on assiste au niveau de la lagune est désolant. Pour tenter de sauver un peu l’image de cette décharge et l’empêcher de se déverser dans la lagune, des jeunes du quartier prennent sur eux de lutter contre des maladies pouvant découler de cette insalubrité.
Des jeunes, mains nues sur la décharge
« Nous n’avons pas de matériels de travail. Nous faisons face à de nombreuses difficultés, surtout en période de pluie », indique Folly. Ils sont plus de 30 jeunes sur le site, dirigeant ceux qui arrivent pour décharger leur pousse-pousse. C’est la décharge qui les nourrit, à les en croire. « Nous fouillons les ordures. Nous recyclons des matériels (fer, plastiques et autres) que nous allons revendre. En même temps, nous surveillons les lieux pour que les ordures ne franchissent pas une certaine limite. Chaque matin, nous brûlons les ordures pour qu’elles ne soient pas emportées par le vent et n’atterrissent pas dans les maisons environnantes », a-t-il ajouté.
Aucune aide ne vient de la Municipalité pour encourager ces jeunes désœuvrés. Ils sont laissés à la merci des maladies. « C’est ici où nous mangeons et faisons aussi nos besoins. Nous n’avons personne pour nous venir en aide. Par exemple, mon camarade là-bas (Ndlr, il nous montre un jeune assis au milieu des pousse-pousse) a été blessé aux pieds par un tesson de bouteille lorsqu’il fouillait dans les ordures. Il a passé plus de trois mois à la maison. Mais quand il allait mieux, il est encore revenu, puisque c’est ici qu’il trouve son pain quotidien », a fait savoir Folly. Tout compte fait, cette décharge n’échappe à personne, vu son emplacement en plein centre ville. Le laxisme de la Municipalité face à cette décharge et leur silence ou inaction vis-à-vis de ces jeunes qui essaient, tant bien que mal, d’entretenir les lieux, sont des attitudes caractéristiques des dirigeants qui ne se soucient guère de la préoccupation des populations.
Sur une affiche de campagne de Faure Gnassingbé en 2015, on aperçoit une autoroute qui passe à ce niveau de la ville avec des espaces verts tout autour de la lagune, surtout à l’endroit où se situe aujourd’hui cette décharge. Presque un an après cette élection qu’on dit remportée par le fils du père, la réalité est tout autre. Ce sont des ordures mélangées avec des matières fécales, le tout se retrouvant au bord d’une lagune polluée avec des eaux verdâtres qu’on y trouve. Dans tous les cas, de nombreux observateurs trouvent déjà que Faure Gnassingbé est loin d’honorer la mémoire de sa grand-mère, puisque cette avenue porte son nom.
L’Alternative