Dans un Rapport d’Audit explosif, la Cour des Comptes, l’Institution chargée de certifier des comptes de l’Etat, a pour une rare fois, rendu public un Rapport d’Audit de la gestion calamiteuse des fonds destinés à la lutte contre la pandémie COVID. Le Rapport d’Audit de la Cour des Compte de 86 pages fait des révélations troublantes qui ont indigné les Togolais dans leur ensemble.
Des irrégularités
Dans son Rapport d’Audit, la Cour des Comptes fait des constats ci-après au niveau des institutions contractantes. Au terme d’un travail assidu, la Cour des Comptes a relevé des anomalies, des irrégularités dans les procédures d’octroi de marchés publics. Ces irrégularités et anomalies portent sur une somme totale de 39.357.949.757 F CFA.
La Cour des Comptes recense ces irrégularités comme suit :
– Des achats sans lettre de commande ; – Dans un ministère, une seule personne signe la commande en lieu ou place de deux ou trois personnes ; – Des prestataires ne disposant pas de carte d’opérateur économique ; – Des dépenses sans pièces justificatives ; – Des achats sans bon de commande ; – Des livraisons sans procès-verbal de réception – Des factures non certifiées ; – Des gratifications payées sans base juridique ; – Des marchés passés sans description technique du produit – Des transferts NOVISSI à des personnes non qualifiées et le non-reversement du reliquat des transferts dans les caisses de l’Etat etc.
La Cour des Comptes rappelle que les 39.357.947.957 F CFA ne représente qu’une infime part des 183.494.620,82 consacrés pour l’année 2020. Etant donné que près de 400 milliards ont été prévus pour plusieurs années à la lutte contre COVID, on mesure les dégâts. Pour ne froisser personne, la Cour des Comptes ne parle nulle part de corruption, de faux et usage de faux mais affirme avoir rencontré des limites dans cette mission. Il s’agit de l’inaction ou la réaction tardive de certains acteurs impliqués dans la gestion des fonds, dans la production des informations demandées, notamment le ministère de l’économie numérique et les responsables des sociétés de téléphonie mobile Moov Africa et Togocom et autres.
L’autre limite la plus signifiante est la difficulté à la vérification de certains postes de dépenses importantes notamment le matériel consommable (masques de protection, médicaments, gels, actifs…) acquis par l’Etat, faute de comptabilité matière. On se demande au regard de toutes ces observations si le Togo marche sur sa tête? Sans la comptabilité matière comment fonctionne l’appareil de l’Etat ? Au nom de quoi des services de l’Etat peuvent-ils tenir tête à la Cour des Comptes et quelles sont les sanctions ?
De vaines tentatives pour noyer le Rapport D’Audit de la Cour des Comptes
Pour la première fois, la Cour des Comptes a fait parler d’elle dans le pays en bien. Comme l’a souligné le député Abaas KABOUA, si la Cour avait travaillé ainsi depuis sa création, notre pays aurait fait un grand pas dans la lutte contre la corruption. Il n’est pas trop tard pour bien faire. Mais, à se demander quelle mouche a piqué notre Cour des Comptes qui travaille dans la discrétion et ses rapports ne sont connus que des initiés. Même si le gouvernement togolais tente de nous faire croire que la demande vient de lui, mais selon des indiscrétions il s’agirait des pressions des donateurs au rang desquels on peut citer la Banque Africaine de Développement, l’Agence Francaise de Développemental, la Banque mondiale, la BCEAO, le FMI, l’UEMOA etc…
Ce qui est sûr, le Rapport d’Audit de la Cour des Comptes sur la gestion des fonds de riposte anti-COVID a secoué tout le pays. Sur les réseaux sociaux et dans les discussions, on ne parle que de ça. Et les uns et les autres de s’interroger sur ce que fera Faure ! Mais, il y a à douter que quelque chose se passe. Comme dans le cas de PétroleGate, les Togolais risqueraient de se retrouver hagars !
En effet, parmi les nombreuses réactions, il y a ce communiqué du gouvernement qui tente d’atténuer la portée du Rapport d’Audit. Ici l’on ne dira pas que le rapport n’est pas fiable. On se souvient en mars 2021 du rapport de l’Inspection Générale des Finances (IFG) sur la commande publique de pétrole où le Ministre Christian Trimua, porte-parole du gouvernement affirmait : Ce rapport de l’IFG qui est brandi comme preuve de détournement n’est pas fiable. Mais dans le cas de l’audit de la Cour des Comptes, malgré les vagues de consternations du peuple togolais, le gouvernement s’est contenté de la simple opinion de la Cour inscrite à la page 61 dudit Rapport pour se réjouir de ce que ce Rapport considère que les dépenses relatives aux mesures barrières de ripostes ou sanitaires sont conformes, régulières et sincères. Ridicule n’est-ce pas ? On croit rêver et on tente de persuader les Togolais qu’ils font une mauvaise lecture du Rapport. Mais quoi qu’on fasse, le Rapport d’Audit de la Cour des Comptes a atteint son but. Montrer au grand jour la malversation en vigueur dans le pays. Ce n’est pas rien.
Avec La Dépêche