Depuis un certain temps nous avons décidé de ne plus parler de l’opposition togolaise en la critiquant de façon excessive ; la même position de retenue de notre part vaut également pour tous les leaders des partis de la classe politique qui se battent contre le régime de dictature. Parce que tout simplement, face au fait que les Togolais soient confrontés, depuis plusieurs décennies, à un régime aussi brutal, décidé à rester éternellement au pouvoir en usant de terreur, nous avons cessé, il y a longtemps, de jeter des pierres aux leaders de l’opposition togolaise, dont beaucoup depuis plus de trente ans, ont tout donné, sans rien recevoir en retour. Donc en parlant dans cet article de la formation politique ANC (Alliance Nationale pour le Changement) et de la réélection comme maire de son leader, Jean-Pierre Fabre, il ne s’agirait pas d’attaque contre qui que ce soit.
En effet, ce qui fait aujourd’hui polémique sur les réseaux sociaux, c’est l’élection des maires dans les communes au Togo, et surtout l’élection, ou plutôt la réélection de Monsieur Jean-Pierre Fabre à la tête de la commune du Golfe 4. Au vu des chiffres reflétant les résultats après le vote, l’ANC, un parti de l’opposition dite radicale, avec ses 6 conseillers élus, ne pouvait faire alliance qu’avec d’autres formations politiques de la vraie opposition, comme les FDR (2 conseillers), le PSR (1 conseiller) et possiblement avec la DMP (1 conseiller) ; ce qui lui donnerait un total de 9 conseillers municipaux. Le parti du pouvoir, UNIR (6 conseillers), quant à lui, selon les mêmes accointances politiques, ne pouvait s’allier qu’avec l’UFC (2 conseillers), TOVIA (2 conseillers), BATIR (1 conseiller), Humanistes (1 conseiller), EPA (1 conseiller), et ACP (1 conseiller) ; ce qui ferait 14 conseillers municipaux pour UNIR et ses amis politiques. Précisons qu’au cours du vote un conseiller municipal se serait abstenu, et il est probable, selon les analystes, que c’était celui de la DMP, formation politique de l’opposition avec laquelle la direction de l’ANC ne se serait pas entendue. Donc avec 8 conseillers pour l’ANC et associés et 14 pour UNIR et ses alliés, le calcul est vite fait, et tout le monde s’attendait à ce que la mairie revienne à la mouvance politique ayant le plus grand nombre de conseillers municipaux. Et c’est tout à fait normal que beaucoup au Togo et dans la diaspora s’étonnent que Jean-Pierre Fabre soit réélu maire dans la commune du Golfe 4 face à un adversaire politique comme UNIR, connu pour son jusqu’au-boutisme quand il s’agit du pouvoir politique et surtout de sa conservation.
Certes, les communes, contrairement à la présidence de la république et aujourd’hui à la présidence du conseil, n’ont pas le même poids quant à une quelconque influence sur le pouvoir au sommet de l’état; mais elles pourraient servir de tremplin, par exemple, à un maire comme Jean-Pierre Fabre, opposant intransigeant de longue date, cherchant la fin du régime Gnassingbé, pour renforcer ses pions et préparer la chute du régime, d’une façon ou d’une autre. Pourquoi alors UNIR a plutôt favorisé la réélection de son adversaire politique ? Lundi, 20 octobre 2025, Monsieur Éric Dupuy, secrétaire national, chargé de la communication au parti orange, dans une interview sur radio Nana FM, avait confirmé que le candidat du parti UNIR, favori pour l’élection du maire, s’était retiré de la course et que Jean-Pierre Fabre était resté le seul candidat en lice. L’autre fait troublant qui a fait s’enfler la polémique était la présence au moment du vote de trois caciques du pouvoir ; en effet, que cherchaient Hodabalo Awaté, ministre de l’administration territoriale, Gilbert Bawara et Pascal Bodjona dans la commune du Golfe 4 au moment de l’élection du maire, trois personnages controversés, symbolisant l’immobilisme politique et le refus du changement au Togo ? Les “mauvaises langues” sont vite arrivées à la déduction selon laquelle les trois fidèles de Faure Gnassingbé y étaient pour être sûrs que les consignes de vote données soient vraiment respectées. Personnellement, n’étant pas dans le secret des dieux, nous ne pouvons ni confirmer, ni infirmer. Mais dans la situation politique, plus que délétère de notre pays, où tout le monde presque est victime d’une certaine nervosité, il y a certains faits et gestes des partis politiques de l’opposition, et surtout de l’ANC, qui est indéniablement l’une des plus grandes formations, sinon la plus grande, en termes de mobilisation, qui, non expliqués, contribuent à porter de l’eau au moulin des détracteurs.
Par ailleurs, nous luttons pour la fin de la dictature, pour la liberté et surtout pour la liberté d’expression. On ne peut donc pas, sous prétexte qu’on défend la formation politique de l’opposition en question, clouer au pilori tous ceux qui expriment leur point de vue en critiquant des faits politiques, comme celui dont nous parlons ici; s’ils le font, bien sûr, dans le respect du parti politique ou des personnalités concernées. Pour notre part, nous n’irons pas jusqu’aux insultes, aux spéculations ou à des conclusions hâtives, comme Gerry Taama et beaucoup d’autres ; nous n’en méprisons tout simplement pas les tenants et les aboutissants. Il revient à l’ANC et à ses responsables de prouver sur le terrain qu’ils sont très loin des intentions d’accointance avec le pouvoir de dictature que certains Togolais tentent de leur prêter. Mais ce qui est certain aujourd’hui, c’est qu’il y a beaucoup d’interrogations après la réélection de Jean-Pierre Fabre dans la commune du Golfe 4. Quel est désormais l’agenda politique des responsables du parti orange ? Quelle est la position de Monsieur Jean-Pierre Fabre et de ses collaborateurs vis-à-vis de la problématique de la 5e république ? Pour eux, le vin est tiré, il faut le boire ? Ou, existe-t-il encore une chance pour un nouveau regroupement de l’opposition autour de l’ANC, par exemple, qui reste toujours une grande formation, pour continuer à faire pression sur le régime Gnassingbé ? Voilà quelques-unes des questions qui se posent et que les Togolais et les Togolaises ont le droit de poser pour l’avenir de leur pays.
Samari Tchadjobo
Allemagne















