Depuis vingt ans, le Togo vit au rythme des cérémonies de lancement de chantiers : poses de première pierre, coups de pioche symboliques, discours enflammés. Mais rares sont les ouvrages qui voient le jour. À Dapaong, la centrale solaire de Dalwak, annoncée comme un projet stratégique, vient s’ajouter à la longue liste des ouvrages promis, mais qui tardent à voir le jour.
Le 22 avril 2025, à la sortie sud-ouest de Dapaong, entre Nakpagli et Napiembougou, le président du Sénat, Barry Moussa Barqué, représentant le chef de l’État, posait le premier panneau solaire d’une centrale photovoltaïque présentée comme « historique ».
Sur le papier, les chiffres impressionnent : 52 114 MWh par an, soit 28 942 ménages alimentés et 33 600 tonnes de CO₂ évitées. Le tout pour 60,5 millions d’euros, financés par la Banque mondiale.
Mais cinq mois plus tard, le site est désert et, pour certains riverains, la cérémonie n’a été qu’une mise en scène pour les photos. Les seuls vestiges visibles restent les quatre piliers ayant servi à soutenir le panneau posé pour l’occasion.
Aucun engin, aucun chantier, aucune mobilisation. Pourtant, le marché a déjà été attribué à l’entreprise chinoise TBEA International Engineering, chargée de livrer l’ouvrage en treize mois.
Des « préalables » qui traînent
Selon le ministère de l’Énergie, les travaux devaient démarrer en mai. Mais face aux interrogations, des sources proches du ministère parlent désormais de « quelques préalables à finaliser ». Un argument qui peine à convaincre dans une région où les populations ont vu défiler, depuis deux décennies, des annonces restées sans suite.
Depuis 2005, la gouvernance de Faure Gnassingbé s’est installée dans un rituel : lancer des projets avec faste, promettre des emplois et du développement, avant de laisser les chantiers en friche.
Les exemples abondent : le Grand marché d’Adawlato toujours inachevé, le CHU Sylvanus Olympio en délabrement, la nationale N°1 dégradée. Autant de symboles d’un pays incapable de transformer les cérémonies en ouvrages livrés.
Dans les Savanes, la plus pauvre du pays et pourtant prioritaire sur le papier, les attentes sont immenses : routes impraticables, écoles délabrées, manque d’eau potable, accès limité à l’électricité. Dans ce contexte, la centrale solaire de Dapaong aurait pu incarner une politique énergétique tournée vers l’avenir.
Mais pour l’instant, elle n’est qu’une nouvelle déception. Pire : dans une zone déjà fragilisée par les attaques de groupes armés, le contraste entre discours officiels et vie quotidienne nourrit colère et frustration.
Au Togo, les inaugurations retentissantes ont peu à peu remplacé les réceptions d’ouvrages. Tant que les autorités continueront à privilégier la mise en scène plutôt que l’achèvement, le fossé entre gouvernants et gouvernés ne cessera de se creuser.
La patience des populations, elle, s’épuise. Car les Togolais ne réclament plus de cérémonies spectaculaires, mais des routes carrossables, des hôpitaux fonctionnels et de l’électricité effective.
François Bangane
Source: lalternative.info