Chaque année, comme une tradition bien installée, l’archipel nippon offre son lot de riz au Togo. Un geste présenté comme un signe d’amitié, mais qui, sous d’autres cieux, serait perçu comme une insulte faite à une agriculture nationale incapable d’être valorisée, malgré les milliards de francs CFA qui y sont investis. À force d’attendre ces dons saisonniers, le pays s’enlise dans une dépendance qui transforme les Togolais en éternels assistés.
« L’enfant qui dépend chaque jour de la gamelle du voisin ne grandira jamais par ses propres forces », rappelle une sagesse africaine. Le Togo a encore réceptionné un don de 1 625 tonnes de riz offert par le Japon dans le cadre de sa coopération financière non remboursable.
Le lot, remis au ministère de l’Agriculture, sera distribué dans toutes les préfectures du pays « à des prix accessibles », selon Dindiogue Kolani, Directeur de Cabinet, qui assure que la stratégie de décentralisation mise en place depuis la Covid-19 sera reconduite pour atteindre les zones les plus reculées.
Sur le papier, l’initiative semble salutaire. Dans les faits, elle révèle une contradiction profonde, presque gênante, dans le discours de souveraineté régulièrement martelé par les autorités togolaises.
Si Faure Gnassingbé revendique fièrement l’indépendance de son pays et rejette toute « ingérence » lorsqu’il est rappelé à l’ordre sur les principes démocratiques, il accepte dans le même souffle — et avec une joie non dissimulée — des cargaisons de riz venues de l’autre bout du monde. Un paradoxe qui dérange, surtout lorsque l’on observe ce qui se passe dans les Savanes.
Depuis un an, les riziculteurs de cette région peinent à écouler leur production. L’Agence nationale de sécurité alimentaire (ANSAT), appelée en renfort pour une opération spéciale d’achat, a acquis plus de 15 000 tonnes de riz local.
Mais à ce jour, la plupart des producteurs n’ont toujours pas été payés. Ce silence, lourd de conséquences, plonge des milliers de familles dans la précarité. Et pendant ce temps, ce sont des cargaisons de riz japonais qui envahissent le marché togolais, en toute légalité, avec des applaudissements officiels et des photos protocolaires.
Comment applaudir des dons étrangers lorsque la production locale s’entasse dans les greniers, invendue, dévalorisée et ignorée ?
L’autre contraste, plus saisissant encore, réside dans le potentiel agro-industriel du pays. La plaine de l’Oti, au nord du Togo, est une zone extrêmement fertile et parfaitement adaptée à la riziculture. Si elle était mise en valeur à travers un programme structuré d’appui aux producteurs, elle pourrait réduire de manière significative la dépendance du Togo vis-à-vis du riz importé.
Le pays dispose de terres, de main-d’œuvre, d’expertise agricole et d’une demande locale forte. Il ne lui manque qu’une chose : la volonté politique d’investir durablement dans la production nationale.
Malheureusement, chaque année, le même scénario se répète : le riz japonais arrive ; les dirigeants s’extasient sur la coopération « fructueuse » ; mais rien ne change pour les producteurs. Rien ne change dans la politique agricole. Rien ne change pour la souveraineté alimentaire du pays.
Plus de 60 ans après l’indépendance, le Togo continue d’importer — ou de recevoir sous forme d’aide — un produit qu’il pourrait pourtant produire en abondance.
François Bangane
Source: lalternative.info















