Interpellé par le Service central de recherche et d’investigations criminelles (SCRIC) le 26 février 2023, alors qu’il se trouvait au chevet de son épouse Yvonne Gnassingbé, demi-sœur du président du Conseil, Charles Essohanam AZOUMARO-WALLA a été incarcéré le 13 mars 2023.
Son épouse, qui reprenait lentement des forces après une grave crise cardiaque, avait été transférée le 24 février 2023 de la Clinique Internationale Kodom au Centre Hospitalier Universitaire Sylvanus Olympio.
Accusé à tort de ne pas lui avoir porté secours, M. AZOUMARO-WALLA serait en réalité la cible d’une machination familiale, ourdie par l’une de ses belles-sœurs avec la complicité de plusieurs individus et sous le regard complaisant des autorités selon son conseil.
Lors d’une conférence de presse tenue le mardi 23 septembre 2025, son avocat, Me Zeus Ata Messan AJAVON est revenu sur cette affaire. L’avocat a levé le voile sur les zones d’ombre du dossier et a livré une analyse approfondie de la situation.
Retour sur les faits
Selon le récit de Me Ajavon, tout bascule dans la nuit du 22 février 2023. M. Walla-Azoumarou rentre à son domicile aux alentours de 23 heures et découvre que son jeune fils de 5 ans attend toujours pour dire bonne nuit à sa mère. La ménagère lui indique que Mme Yvonne Gnassingbé, épouse de M. Walla et demi-sœur du président du Conseil — est enfermée dans sa chambre depuis 17 heures.
Constatant l’absence de réponse et la porte close, Charles Walla la force et découvre son épouse victime d’un malaise grave. Il tente de joindre un médecin sans succès, puis appelle Mme Bilaké, qui prévient le Dr Tagba. Les deux rejoignent le domicile et décident d’évacuer la patiente vers une clinique, puis au CHU Tokoin pour une IRM et un scanner. Les résultats concluent à un AVC et les médecins recommandent une évacuation médicale urgente à l’étranger.
Selon l’avocat, M. Walla informe alors plusieurs membres de la famille Présidentielle dans l’espoir de mobiliser des moyens pour une évacuation rapide. Malgré des promesses de retour d’information, aucune suite concrète n’est donnée.
Une arrestation jugée arbitraire
Le 26 février 2023, alors que son épouse est toujours hospitalisée, M. Walla est interpellé au chevet de cette dernière par le SCRIC (Service central de recherche et d’investigations criminelles). Le 27 février, il est placé en résidence surveillée. Le lendemain, une de ses belles-sœurs accompagnée d’un huissier, procède à un inventaire des biens du couple sans son consentement.
Mme Yvonne Gnassingbé décède deux jours plus tard. Son mari, alors en garde à vue, ne l’apprend que tardivement. Ce dernier sera finalement inculpé, non pas pour empoisonnement, une accusation initiale contredite par l’autopsie pratiquée par un médecin venu de France, mais pour non-assistance à personne en danger, chef d’accusation jugé infondé par ses avocats.
« Comme l’empoisonnement ne tenait pas, ils ont retenu la non-assistance à personne en danger, en prétextant que M. Walla a préféré prier avec sa conseillère spirituelle plutôt que d’amener sa femme à l’hôpital. Pourtant, il l’a conduite aux urgences à 2 heures du matin », rappelle Me Ajavon.
Le dossier, transféré au bureau du procureur depuis juillet 2024, n’a toujours pas été transmis au juge à ce jour, en violation flagrante de la procédure.
Pour Me Ajavon, cette affaire révèle un « usage de la justice à des fins personnelles », notamment autour de la gestion de l’héritage et de la garde des enfants du couple. Les deux fils de Mme Yvonne auraient été récupérés par ses sœurs après le décès, et les biens du couple inventoriés en l’absence de toute décision judiciaire préalable.
Il dénonce également une lenteur judiciaire inexplicable : « Le procureur, le ministre et moi étions convenus d’un renvoi du dossier devant un juge avant le 13 juin 2025. Aujourd’hui, nous sommes le 23 septembre, et le dossier reste dans les tiroirs du procureur. »
Une détention prolongée au mépris du droit
Selon le Code pénal togolais, la peine maximale pour non-assistance à personne en danger est de cinq ans. Me Ajavon rappelle que pour un délinquant primaire, la loi permet une libération de droit à mi-peine. Charles Walla, en détention depuis mars 2023, a donc dépassé cette durée au 12 septembre 2025.
« Nous avons officiellement écrit au procureur pour exiger sa libération, ainsi que celle de Mme Bilaké. En principe, ils auraient dû être relâchés au plus tard le 15 septembre. Ce maintien en détention est illégal. »
Un nouveau chef d’inculpation : l’inceste, sur la base de faux documents
Plus grave encore : alors que le délai légal de détention touchait à sa fin, une nouvelle accusation est portée contre Charles Walla : celle d’avoir abusé de son propre fils alors âgé de 8 ans (aujourd’hui 15), prétendument contaminé par une hépatite C.
Me Ajavon dénonce une manœuvre désespérée : « Après analyses, les deux enfants sont sains. C’est un grotesque montage, un faux et usage de faux. Voilà notre justice, complice de ces montages, qui couvre une opération de spoliation des biens du couple. »
Dans un constat amer, l’avocat dénonce une justice aux ordres :
« J’ai été professeur de droit pendant 40 ans. Je constate que le droit n’est pas appliqué dans ce pays. Même la Constitution est violée, le Code pénal et le Code de procédure pénale sont bafoués par ceux-là mêmes chargés de les faire respecter. »
Il conclut avec un message fort : « On en veut aux biens de Mme Yvonne Gnassingbé et de son mari. Ils veulent garder Charles en prison pendant sept ans pour liquider ses biens. C’est ça, la réalité. »
Source: Le Correcteur