Au Togo les inaugurations se suivent, mais ne se ressemblent pas. Faure Gnassingbé, poussé par ses collaborateurs, est sur tous les fronts pour inaugurer un certain nombre d’ouvrages même les plus insignifiants, provoquant parfois des commentaires pas assez élogieux sur les réseaux sociaux. De Barkoissi à Blitta en passant par Atakpamé, Djagblé, Anfoin et Lomé, c’est la saison des inaugurations, mais aussi un moment de contact avec les populations depuis les évènements du 19 aout qui l’ont presque isolé dans son palais.
Dans la droite ligne de ces inaugurations, il a été procédé, hier dans la matinée, à la réception, du 4è lac. C’est le second Projet d’aménagement urbain au Togo ( PAUTII) soutenu par l’Union européenne qui vise à répondre à la problématique de l’assainissement de la ville de Lomé en se focalisant sur l’aménagement. Ce projet est financé par l’UE, l’Agence française de développement (AFD) et l’ambassade de France au Togo à hauteur de 43 millions d’euros, soit 28, 2 milliards de francs CFA. . Les travaux ont été confiés à Eiffage.
« Le Président de la République, Son Excellence Faure Essozimna Gnassingbé, le Ministre de l’Agriculture de l’Élevage et de l’Hydraulique, Colonel Ouro Koura Agadazi, l’Ambassadeur, Chef de la Délégation de l’UE à Lomé, Nicolas Martinez Berlanga, l’Ambassadeur de France au Togo, M. Fonbaustier et le Directeur de l’Agence Française de Développement, M. Benoît Lebeurre, en présence du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, M Selom Komi Klassou et quelques membres du gouvernement, ont lancé ce jour, les travaux de la Seconde Phase du Projet d’Aménagement du 4ème lac et Assainissement des quartiers périphériques (PAUT II).
Avec la présente cérémonie de lancement des travaux dont le Consortium EIFFAGE GC/GER, un groupement d’entreprises franco – togolais, recruté par appel d’offre international suivant le Code des Marchés Publics togolais, est attributaire des trois (3) lots du marché pour un montant total de près de 23 milliards de FCFA, nous entrons dans la phase ultime de réalisation du projet financé à plus de 28,2 milliards de francs CFA (43 millions d’euros) par l’Union européenne (UE) sur le 10ème Fonds européen de développement (FED) dont 95% délégués à l’AFD pour la réalisation des travaux et pour l’appui institutionnel à la Mairie et à la Direction de l’assainissement », écrivait l’Union européenne sur son site officiel.
Deux ans après, les travaux ont été réceptionnés, hier jeudi sur le site du projet à travers une cérémonie d’inauguration, en présence de Faure Gnassingbé et tout son gouvernement.
L’indélicatesse du ministre Fiatuwo Séssenou
La réalisation des projets au Togo est devenue une occasion rêvée pour certains commis de l’Etat de s’enrichir. Ainsi les responsables des sociétés en charge des travaux sont régulièrement harcelés par les ministres ou leurs proches qui exigent parfois à coup de chantage des faveurs. Profitant de l’impunité qui règne dans le pays, certains ministres sont passés expert en matière de retro commission. L’entreprise EIFFAGE GC/GER n’a pas été épargnée durant la durée des travaux par ces pratiques. La cérémonie de réception des travaux du 4è lac a été une fois de plus l’occasion pour le ministre de l’urbanisme de l’habitat et du cadre de vie de racketter les responsables de la société qui a eu en charge les travaux. Alors que les travaux sont encore inachevés ou mal exécutés avec l’abandon des caniveaux dans le quartier Anfamé avec tous les risques pour les riverains, pendant que certaines composantes de ce projet notamment le pavage des voies autour du Lac, le sieur Fiatuwoo Sessenou Kwadjo a échafaudé un budget de quarante-sept millions neuf cent vingt-cinq mille neuf cent francs ( 47 925 900 f cfa ) pour la cérémonie d’inauguration qui s’est déroulé hier.
Dans un courrier adressé à EIFFAGE dont nous avons réussi à avoir copie, l’indélicat ministre a sollicité de ladite société qui a exécuté les travaux une contribution de vingt millions vingt-deux mille quatre cents (20 022 400) Cfa « pour financer les actions définies dans le cadre estimatif ci-joint ». (Lire le budget).
Plusieurs sources renseignent qu’il avait soumis au préalable un budget de 43 000 000 Fcfa en prenant soin de demandé à EIFFAGE une contribution de 40 000 000 (40 millions). Les responsables de la société ont refusé d’affecter ce montant trop élevé ce qui a contraint le ministre à revoir des prétentions à la baisse voire de moitié. A l’analyse de ce budget, on peut facilement s’apercevoir que des lignes affectées à certaines rubriques sont simplement gonflées. Une forte odeur de surfacturation qui ne dit pas son nom. Et pourtant les travaux au niveau du drainage et des caniveaux ne sont pas encore achevés.
Dans un pays en déconfiture totale, les 47 925 900 F CFA gaspillé pour une cérémonie qui n’a même pas durée plus d’une heure aurait servi soit à paver les rues autour du lac, à boucher les caniveaux laissés à l’abandon dans le quartier Anfamé et Zorro-bar ou à construire au moins deux bâtiments de salle de classe ou des forages dans les localités dépourvues d’eau potable. Les inaugurations ou pose de première pierre d’ouvrage sont devenu un véritable business pour des ministres véreux et leurs amis qui en profitent pour se remplir les poches. Une analyse minutieuse du fameux budget du sieur Fiatuwoo Kwadjo Sessenou permet à n’importe qui de se rendre compte qu’à la fin ce ministre n’aura même pas à dépenser la moitié des fonds tant les rubriques sont les unes aussi fantaisistes que les autres.
Si pour une simple cérémonie de réception on doit louer un tapis rouge ou dépenser plus de 2 500 000f cfa pour les sandwiches et les canettes, nous sommes alors retourné à l’époque où un certain Yao KunaléEklo facturait Ablo 2 millions et le piment 4 millions à Gnassingbé Eyadema dans ce qui était devenu la plus grande dépravation au Togo c’est-à-dire l’animation politique. Voilà avec preuve à l’appui comment on organise la gabegie au sommet de l’Etat avec les inaugurations futiles mais onéreuses où des sommets internationaux qui vident les caisses du Trésor public au profit d’un groupuscule d’individus véreux. Il faudra un jour au nom de la lutte contre l’impunité si cette expression a encore une valeur sous ce régime mettre fin à ces pratiques et punir les auteurs.
Source : L’Alternative No.707 du 1er juin 2018