Le site officiel du gouvernement a publié la semaine dernière deux textes sous les titres : « Togo : cinq ans de résilience après le Covid » et, « Togo :la croissance économique a atteint 6,5% en 2024. » A les scruter de près, tout va très bien dans la gouvernance du pays. Pourtant…
Selon les deux documents, on peut noter que l’économie du Togo s’est relevée à un rythme soutenu après l’avènement de la Covid. On peut constater, à travers un tableau récapitulatif de l’évolution rapide du taux de croissance annuel du PIB réel qui est passé 2,2 % en 2020 à 6,5 %en 2024 avec un PIB nominal de 6458 milliards de FCFA. Le document précise que cette performance place le Togo dans le peloton de tête de l’Union monétaire ouest-africaine (UEMOA).
Cependant, il est à noter que le commentaire qui sous-tend l’analyse se trouve presque identique à quelques exceptions près de celui du Comité Politique Monétaire (CPM) de la CEDEAO réuni le 17 septembre 2025.
Selon le CPM de la CEDEAO, les activités économiques de l’union demeurent dynamiques marquées par une progression du PIB de 6,5% au deuxième trimestre 2025. Cette évolution a été portée par l’accélération de la consommation intérieure notamment celle des ménages ainsi que la poursuite des investissements dans les infrastructures énergétiques et dans le transport.
Hasard ou coïncidence ? On retrouve la même observation et analyse, exactement coller au niveau du cas particulier du Togo. En effet, il est à noter que depuis l’avènement du Rwandais Henri Gaperi à la tête de l’Office Togolais des Recettes(OTR), les performances annuelles en matière de mobilisation des ressources par cette institution ont plus que doublées. Cela est dû aussi aux résultats des trafics portuaires et aéroportuaires qui ont décuplé avec l’avènement du LCT au port autonome et du nouvel aérogare de Lomé.
Malgré ces performances reconnues, et ce que les deux documents ne mentionnent pas, c’est que la dette publique du Togo a aussi explosé ces 5 dernières années et est évaluée 4288 milliards avec une dette intérieure de 2483 milliards de FCFA.
La question fondamentale que l’on se pose est de savoir où vont les ressources de l’État à voir l’évolution fulgurante de la dette publique et ses conséquences sur la vie économique et sociale du pays ? Il est plus évident que le taux de croissance du PIB n’a jamais dépassé 7 % alors qu’il était projeté pour être à deux chiffres à l’horizon 2015 conformément aux prévisions de la Stratégie de Croissance Accélérée et de Promotion de l’Emploi(SCAPE) entre 2013 et 2017 et surtout le Plan National de Développement (PND) de 2018 à 2022. Il est plus qu’évident que la SCAPE a été une arnaque politico-économique qui a vu la dette du pays passer de 760 milliards en 2010 à 1536 milliards en 2015 à cause de la mauvaise gestion de la politique de préfinancement des projets et le refus de se soumettre à des conditions de prêts concessionnels de la Banque mondiale et du Fond Monétaire International (FMI). À la fin de la période susmentionnée, il n’y a eu ni croissance accélérée encore moins la promotion de l’emploi.
Le PND lui aussi n’a pu faire mieux. C’est la raison pour laquelle le Togo a dû renoncer au PND et revenir à de meilleures sentiments avec de nouveaux programmes de Facilité Élargie de Crédit avec le FMI pour accompagner la feuille de route 2020-2025.
Tous les projets conçus pour élargir la base productive n’ont pas tenu leur promesse. Ce qui à ce jour ne rassure pas les investisseurs. La preuve, la balance commerciale est toujours déficitaire d’environ 52 % en 2024. Le taux d’inflation est de 2,3% alors que la moyenne au niveau de l’Union est de 1,9%.
Il faut noter également que depuis la fin du premier trimestre 2025, le Togo enregistre des échecs répétés dans ses émissions de titres publics au marché de l’UEMOA-titres, parce que jugé trop risqué à cause des tensions budgétaires croissantes, due au poids de la dette publique intérieure trop élevée.
Aussi doit-on s’attendre après le passage du FMI à la fin du mois d’août 2025 pour un audit des finances publiques, à un profilage de la dette publique déjà à la limite du soutenable, non seulement à un rabotage fiscale dans le domaine des transport et logistique, de la téléphonie et transferts mobiles, mais aussi à la baisse des subventions sur les produits pétroliers et du gaz dont les prix sont déjà au-dessus de la moyenne dans l’Union.
On apprend déjà l’augmentation du prix du gravier concassé qui semble passer inaperçue.
Selon les deux documents concernant le Togo, certaines branches industrielles ont connu de fortes contractions notamment la production des matériaux de construction (-60%), l’électricité et gaz(-42%). Ceci très loin d’être anodin, révèle la fragilités structurelles de l’économie du Togo et pose la problématique de la vraie résilience.
En effet, la croissance à 6,5% avait déjà été réalisée en 2023. Cela suppose que l’effet covid a été réglé. Ainsi donc le vrai problème n’est pas l’avènement de la Covid quoique non négligeable, mais c’est le cadre macro-économique qui devrait être restructuré pour être résilient.
Si depuis 5 ans la croissance est restée dans une dynamique maintenue à 6%, il serait de bon aloi de se demander quel a été son impact sur l’enrichissement de la population et la capacité de l’État à respecter ses engagements ?
Certes, il est vrai que depuis au moins trois ans, le taux de croissance du Togo est appréciable, mais très insuffisant pour impacter le niveau de développement et par ricochet l’amélioration du niveau de vie de la population.
En effet, à ce stade, la croissance du PIB reste très volatile si elle est inférieure à 7%.
Pour un pays dont le taux de croissance naturelle de la population avoisine 3%, avec un déficit public de plus de 10% qui se permet d’aller emprunter l’argent sur le marché avec un taux d’intérêt supérieur au taux de croissance, on ne peut pas parler de résilience. Car, lorsque le taux d’intérêt est supérieur au taux de croissance, les profits réalisés par ces investissements ne peuvent pas avant échéance couvrir les intérêts qui sont capitalisés et augmentent le déficit. Dès lors, plus le déficit public augmente avec la dette, plus la population s’appauvrit et le chômage devient endémique dû à la faiblesse des investissements productifs. Il y a alors nécessité d’une gestion rigoureuse, un assainissement des comptes publiques et des réformes en profondeur pour changer la base structurelle de l’économie.
Comme on peut le constater, la question de résilience de l’économie ne se limite pas seulement au maintien du taux de croissance du PIB du Togo à 6%. Elle concerne le mode et le financement des projets structurants et utiles avec un bon système judiciaire qui lutte contre tout mécanisme de pillage planifié. Dans ces conditions, la réduction du déficit budgétaire et de la dette publique intérieure est un enjeu vital pour réduire le train de vie de l’État et dynamiser la production des entreprises nationales.
Source: Le Correcteur