ANALYSE DE CVU-TOGO-DIASPORA DU 05 MAI 2018
Pour diriger le Togo contemporain, dont le pouvoir politique est unilatéralement accaparé par le clan Gnassingbé depuis 51 ans, il importe de posséder la force militaire, la maîtrise partisane des institutions de justice et bien sûr les ressources humaines, alliées objectives ou subjectives qui, pour des raisons diverses, vont contribuer d’une manière ou d’une autre à la contre-vérité des urnes. Mais la réalité est qu’il faut deux conditions supplémentaires :
- le soutien des Chefs d’Etat africains, notamment les institutions comme la Communauté Economique Des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine (UA) ; et
- le soutien des chefs d’Etat occidentaux, notamment la France, et dans une moindre mesure l’Allemagne, sur lesquelles la plupart des autres dirigeants occidentaux, mais aussi les Nations Unies s’alignent.
Avec Faure Gnassingbé comme Président en exercice de la CEDEAO, tout le système reste bloqué. Aussi, la contestation véritable et le lobbying ne pourront escompter avoir des effets concluants qu’après le départ de Faure Gnassingbé à la tête de cette organisation sous-régionale de l’Afrique de l’Ouest. Encore faut-il que ceux qui aspirent à incarner l’alternance politique s’y soient préparés en étant au moins capables de présenter un véritable programme de gouvernement, crédible, qui projette des bases solides pour la construction d’une société dans laquelle la démocratie recouvre pleinement ses droits.
En attendant, il n’est pas question de soutenir un référendum qui n’aboutirait qu’à une énième modification unilatérale d’une Constitution taillée sur mesure pour Faure Gnassingbé et son système politique fondé sur l’impunité, permettant encore une fois d’aller vers de futures élections sans vérité des urnes. Le problème est qu’en attendant que la Présidence tournante de la CEDEAO ne revienne au Nigéria et au Président Muhammadu Buhari, il va falloir s’employer et tenter de convaincre par tous les moyens les pays Occidentaux, de ne pas avaliser les manœuvres de Faure Gnassingbé de s’accommoder de la perspective d’élections frauduleuses au Togo.
1. TOLERANCE POUR DES MANIFESTATIONS LEGITIMANT UN TOGO FAUSSEMENT DEMOCRATIQUE
La « démocratie togolaise » se caractérise par des élections systématiquement manipulées en aval, pendant et en amont des annonces officielles des résultats des scrutins. Avec le soutien ourdi par certains, « politiquement corrects », ou fonctionnant comme des mercenaires de la désinformation, il est arrivé par le passé qu’une certaine France de la Françafrique ait préféré annoncer la victoire du Président togolais avant même l’annonce officielle par une commission électorale nationale ‘dite’ indépendante.
Aussi, peut-on parler de manipulation, si une partie de l’opposition togolaise traditionnelle considère que les « absents ont systématiquement tort » et opte naïvement, ou par des calculs obscurs, pour une forme de neutralisation des contestations en légitimant le système électoral proposé par le pouvoir.
Peut-on parler de manipulation, lorsque les erreurs du passé ne font pas l’objet d’un audit, neutre et indépendant, pour éviter la répétition des stratégies erronées du passé ? La réponse est doublement oui !
Le rapport de force militaire, judiciaire et la propension des pays ayant des intérêts au Togo à favoriser en priorité l’ordre et la stabilité conduit à un constat :
- L’ordre même brutal au Togo est préférable au respect des droits humains, de la justice et même de la Constitution. Cette position est celle des chancelleries occidentales même si devant les médias, c’est exactement un discours contraire qui est promu.
- Alors si le Peuple togolais et ses représentants traditionnels de l’opposition continuent à ne pas comprendre cet état de fait, il sera difficile de gagner une quelconque lutte politique pour l’alternance démocratique et pacifique au Togo.
- Aussi, la « real politik » commande que si quelqu’un souhaite avoir le soutien des pays occidentaux, autant leur faire des propositions où leurs intérêts sont protégés, augmentés ou alors mis en concurrence au même titre que les intérêts du peuple togolais. Et le meilleur moyen de préserver les intérêts de ce peuple togolais est de bâtir un rapport de force interne et externe qui seul peut imposer le respect à des partenaires. En vertu de l’adage, vérifiable et vérifié, selon lequel « les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts 1 », seules les nations qui sont en mesure d’établir un rapport de forces sont véritablement respectées.
Ce n’est pas ce que font actuellement les tenants d’une opposition traditionnelle, peu au fait des impératifs de la géoéconomie et de la géostratégie, en s’affranchissant de l’expertise de la Diaspora indépendante.
Le régime de Faure Gnassingbé le sait et se prévaut implicitement de cette situation. Aussi, toutes les contestations qui peuvent déstabiliser le régime militaro-civil de Faure Gnassingbé sont systématiquement réprimées. Ne sont tolérées que des manifestations légitimant l’image faussement démocratique du Togo et de ses dirigeants. Ne pas vouloir le comprendre a conduit l’opposition togolaise, sans la Diaspora, à accepter de vivre avec les résultats des manipulations et les manœuvres électorales y compris l’achat des consciences et des âmes.
2. UNE CONTESTATION SOUS CONTRÔLE EST-ELLE UN GAGE DE DÉMOCRATIE À LA TOGOLAISE ?
Avec une contestation togolaise aseptisée, dès lors que le principal intéressé, le Président du Parti National Panafricain Tikpi Atchadam, est marginalisé, en exil forcé et ses militants réprimés, les formes diverses de récupération d’un processus d’alternance en dehors du cadre électoral doivent reposer sur :
- toutes les formes d’action civiques et pacifiques autorisées par la Constitution du Togo originelle de 1992 ;
- la cohérence des propositions politiques alternatives que doit contenir un programme sur l’avenir du Togo ;
- une équipe crédible et compétente pour gérer une transition sans Faure Gnassingbé afin d’assurer la tenue d’élections crédibles permettant enfin à la vérité des urnes d’émerger au Togo.
Le non-cumul de ces trois conditions principales empêche les Chefs d’Etat africains et Occidentaux, dont la France, de s’engager, sauf pour s’accommoder de l’ordre existant et maintenir les bases de la coopération militaire française au Togo.
3. VERS LA CONTREVÉRITÉ DES URNES AU TOGO
De manière récurrente, les contestations pacifiques des populations sont réprimées au Togo. Il suffisait pourtant d’encadrer ces manifestations pour réussir. Toutefois, la tournure brutale des interpellations sans mandats judiciaires sont des signes avant-coureurs de possibilité de putschs, eux-mêmes violents.
Néanmoins au Togo, les liens ésotériques et la gourmandise ventrologique de certains militaires non-républicains ont créé une situation paradoxale qui favorise l’institutionnalisation de la manipulation en aval des élections. Il suffit au pouvoir d’imposer un « comptage » électronique adossé à un fichier électoral non certifié excluant la Diaspora, qui lui permet des ajustements de dernière minute sans contrôle effectif des contre-pouvoirs, pour que les élections togolaises reflètent systématiquement la contre-vérité des urnes.
Le suprême paradoxe est constitué par l’effet pervers d’un système selon lequel l’attribution des titres de « Président de la République » et de « Chef de file de l’opposition », s’effectue indistinctement sur la base de cette contre-vérité des urnes. Ainsi, en vertu de la loi sur le financement des partis politiques, calquée sur les systèmes en vigueur dans les démocraties occidentales, quand le pouvoir de Faure Gnassingbé octroie des titres et les émoluments qui vont avec, il est difficile alors de ne pas accepter de participer à des élections « frauduleuses » puisque c’est à cette occasion que des sommes importantes sont octroyées à certains partis politiques pour organiser les campagnes électorales. Sauf que cette participation conduit, de facto, à avaliser le système. Une forme de quadrature du cercle en quelque sorte.
Du fait d’une pauvreté ambiante, d’une fatigue de la lutte qui s’enraye sur la base d’une suspension des marches pacifiques dans le cadre d’un vrai faux dialogue, qui peut encore croire que les futures élections organisées par Faure Gnassingbé et ses milices – car il ne s’agit plus d’une armée républicaine au Togo – permettront demain plus qu’hier, de faire respecter la vérité des urnes tant recherchée par le Peuple togolais.
4. REORGANISER LE RAPPORT DE FORCE AVEC LA DIASPORA PLURIELLE ET INDEPENDANTE
Les forces armées togolaises ne connaissent qu’un seul ennemi. Il n’est ni extérieur, ni blanc, mais bien noir à savoir l’immense majorité peuple togolais qui veut affirmer son indépendance en s’émancipant de la tutelle cinquantenaire du clan Gnassingbé. Car l’infime partie du Peuple togolais alignée sur Faure Gnassingbé continue à fêter leurs « anniversaires » et s’occupe à la structuration de la redistribution de la richesse du pays au sein d’une oligarchie fermée à l’humanité. Il y est uniquement question de dominer économiquement, spirituellement, politiquement, donc électoralement le Peuple togolais.
Si le Peuple togolais acceptait ce principe dans sa grande majorité, le changement politique et stratégique du pays n’aurait pas lieu au Togo. C’est donc la conscience de chacun qui est en jeu.
Ceux qui ont choisi de soutenir ce régime ou de le légitimer, aujourd’hui une minorité très agissante, seront responsables tôt ou tard de leur choix. Mais de grâce, ceux qui sont conscients des enjeux de la situation ne doivent pas engager le Peuple togolais dans des impasses politiques alors que les conditions élémentaires pour modifier le rapport de force existant ne sont pas réunies, ni organisées.
En excluant la partie de la Diaspora plurielle et indépendante dans la construction de l’avenir du Togo, sauf à réclamer la contribution financière et l’argent de cette dernière, en n’associant pas plus largement les syndicats du Togo et la société civile togolaise engagée et indépendante, la Coalition des 14 partis politiques ne peut que porter seule la responsabilité des conséquences de la suspension temporaire des marches pacifiques.
A vouloir systématiquement croire ou faire croire à la capacité de résoudre la crise politique du Togo par certains chefs d’Etat africains, proclamés par leurs pairs facilitateurs ou médiateurs, alors qu’eux-mêmes sont liés par des pactes de soutien mutuel entre chefs d’Etat, ceux qui « traitaient » au nom du Peuple togolais semblent comprendre, avec un certain retard, que leur solution à la crise togolaise reste incomplète et de fait non-efficace. Mais dans ce cas les lamentations ne servent à rien. Elles sont stériles si elles n’aboutissent pas à un revirement de la stratégie de lutte. Comment dans ces conditions ne pas comprendre l’amertume, que dis-je, la colère, de l’immense majorité peuple togolais qui veut retrouver son droit à l’autodétermination de son avenir ?
5. REFONDER LA CONFIANCE DU PEUPLE EN L’AVENIR DU TOGO SANS FAURE GNASSINGBÉ
Faure Gnassingbé assure que « les élections se tiendront au Togo dans les délais constitutionnels ». Il s’est organisé pour asphyxier la mobilisation populaire. La Coalition des 14 lui a facilité la tâche lorsqu’elle est tombée dans son piège. Notamment lorsqu’elle a consenti, à l’encontre de toute logique stratégique politique, de se priver de son arme essentielle à savoir le haut degré de mobilisation populaire. L’opposition est ainsi entrée dans une impasse lorsqu’elle a accepté le principe du « 27e dialogue », au prix exorbitant de la suspension des marches pacifiques, au lieu d’opter pour des négociations en associant, à ses côtés, la partie de la Diaspora plurielle indépendante.
Faure Gnassingbé et son système RPT/UNIR n’ont ainsi pas varié d’un pouce puisque leur objectif affiché est bien d’aller vers un référendum sur sa nouvelle « Constitution » et des élections locales, législatives et présidentielles avec son parti UNIR et sa personne comme figure de proue. Donc, pour le moment, ce constat permet tirer un bilan très mitigé des actions de la C14 depuis le fameux 19 août 2017 où la grande majorité du pays était dans les rues pour demander le retour de la Constitution originelle de 1992 et le vote de la Diaspora togolaise, grâce au PNP de Tikpi Atchadam, l’invisible forcé.
Aussi, pour sauver la face, et reprendre la main, il ne reste d’autre choix à l’opposition togolaise, que de faire son « autocritique », d’adopter une stratégie plus offensive s’appuyant sur le rapport de force créé par la mobilisation populaire qui ne se départit pas, et d’en faire part au Peuple togolais.
Mais à une différence près, par rapport à la situation du 19 août 2017 et des jours d’après. Sous peine de ne pas pouvoir sortir de son impasse, la Coalition des 14 doit désormais s’obliger à accepter la présence à ses côtés dans les négociations à venir, non-seulement de la Diaspora, mais aussi du panel le plus large du peuple togolais, syndicats, organisations de la société civile, associations de défense des droits humains, et plus généralement des acteurs qui participent activement à la vie de la nation.
Certains pourraient être enclins à déceler dans cette proposition quelques relents de Conférence Nationale. Rappelons simplement que L’Histoire ne repasse pas les plats 2 ; il est des expériences du passé qui peuvent fournir de précieux enseignements pour ne pas commettre les mêmes erreurs conduisant à des impasses.
Aussi, le Collectif pour la Vérité des Urnes (CVU-TOGO-DIASPORA) recommande à chacun des citoyens togolais y compris ceux de la Diaspora plurielle et indépendante :
- de soutenir la mise en place d’un Programme pour l’Avenir du Togo en préparation au sein du réseau de coordination de la Diaspora togolaise indépendante (RCDTI) ;
- de faire prendre conscience – à l’opposition politique traditionnelle, aux chancelleries occidentales, aux chefs d’Etats africains et occidentaux -, des conséquences d’une légitimation d’un futur référendum sur la Constitution réécrite par et pour Faure Gnassingbé et qui ne serait rendue opérationnelle que grâce à des futures élections frauduleuses, dans la mesure ou le système informatisé choisi par le pouvoir en place, semble avoir été sous-traité à une société belge dont l’histoire se confond avec la contrevérité des urnes dans plusieurs pays d’Afrique ;
- de continuer les marches pacifiques de manière encadrée afin de rappeler leur détermination et contribuer à la libération de plus de 100 citoyens togolais des prisons togolaises, du fait de leur lutte pour le retour de la Constitution originelle de 1992 et ses conséquences ;
- de comprendre ce que l’alternance politique signifie au plan économique, à savoir que de nombreux contrats léonins signés par l’actuel pouvoir, devront être audités et réajustés afin de s’assurer qu’une partie importante de la valeur ajoutée et de la richesse créées reviennent aussi au Peuple togolais, car après tout, la lutte pour la souveraineté et l’indépendance économique du Togo ne peut être dissociée des motivations juridiques et des conclusions des procédures judiciaires en cours contre la société Bolloré impliquant le Togo, et demain avec les sous-traitants proches du pouvoir de Faure Gnassingbé ;
- L’élargissement de la Coalition des 14 partis politiques à la Diaspora plurielle et indépendante et à la société civile togolaise devient incontournable. Encore faut-il en être conscient et que des apostats n’apparaissent pas au grand jour au sein de la C14.
Le succès d’une opposition élargie et regénérée au Togo ne pourra pas se faire sans les autres forces de l’opposition indépendante contre le système cinquantenaire RPT/UNIR, ni en dehors de la Diaspora togolaise. C’est à ce prix que l’opposition plurielle pourra recouvrer une véritable crédibilité, aujourd’hui en délitement du fait d’une stratégie du « dialogue » non concluante actuellement dans une impasse. YEA.
05 mai 2018.
Dr Yves Ekoué AMAÏZO
Coordonnateur général
Collectif pour la Vérité des Urnes.
CVU-TOGO-DIASPORA. Une association de fait financièrement indépendante et politiquement libre.
www.cvu-togo-diaspora.org
info@cvu-togo-diaspora.org
Notes:
- Le général de Gaulle, en paraphrasant Lord Palmerston, maître d’œuvre de la politique étrangère britannique une bonne partie du XIXe siècle :« L’Angleterre n’a pas d’amis ou d’ennemis permanents ; elle n’a que des intérêts permanents », rappelait que, d’une façon plus générale, « les États n’ont pas d’amis ; ils n’ont que des intérêts ». ↩
- Pierre RIMBERT, L’histoire ne repasse pas les plats, Le Monde Diplomatique, avril 2012. ↩