La construction d’un nouveau marché dans une ville demeure un événement que bien des dirigeants récupèrent à des fins politiques. Mais si un président de la République se rend compte qu’il y a eu détournement mais craint de sanctionner les coupables, il y a lieu de se poser des questions sur ses capacités à diriger un pays. Le marché de Dapaong attend que Faure Gnassingbé prenne des sanctions contre les prévaricateurs.
Hier à Dapaong, la population éprise de justice sociale a conduit le jeune élève Anselme Sinandare à sa dernière demeure, une demeure qu’il a rejointe avec des rêves plein la tête. Il avait 12 ans. Encore une fois les habitants de cette ville se sont rendu compte du peu de considération dont ils sont l’objet, de la part des autorités togolaises. Puisque dans un passé récent, les populations de Dapaong ont réalisé que ni les cadres de la localité, ni les autorités du pays, ni même Faure Gnassingbé, n’ont à cœur le développement de cette ville qui, sous d’autres cieux, devrait être un carrefour enviable dans la région sur le plan commercial. La preuve, avant 2007, le marché de la localité n’était constitué que de quatre petits hangars à peine couverts et qui ne permettaient pas le développement des activités commerciales surtout en période de pluies.
C’est ainsi qu’à l’annonce de la construction d’un nouveau et grand marché dans la ville, toute la population s’était réjouie de ce qu’à l’instar des marchés des autres villes (Kpalime, Kara, Atakpame, etc.), Dapaong allait voir ses activités commerciales prendre de l’élan. Puisque dans le plan de construction, comme dans les autres villes, il était prévu un marché à niveaux, c’est-à-dire à étages. Comment pouvait-il en être autrement lorsqu’on sait le nombre important de cadres de l’administration originaires de la localité ?
Mais au fil de la construction, les habitants ont tôt fait de déchanter. La raison ? En lieu et place de ce qui était prévu, on a vu émerger des hangars dont les habitants se seraient bien passés. Que s’est-il passé pour que le plan change sans crier gare et pourquoi aucun cadre de la région n’est-il monté au créneau pour rétablir ce qui devrait être?
Les investigations menées nous ont conduit à M. Yendja Yentchabré, alors ministre du Commerce et des Transports et qui était chargé des travaux de reconstruction du marché. Or c’est un secret de polichinelle que de dire que le ministre du Commerce était le protégé de Barry Moussa Barqué, un conseiller de Faure Gnassingbé et tête pensante de la politique du régime tant sous l’ère Eyadema que sous celui de son fils. Pourquoi l’un et l’autre gardent-ils un silence assourdissant sur la gestion des fonds alloués, si tant est qu’ils n’ont rien à voir dans l’arnaque qui a prévalu et qui a vu des hangars prendre la place du bâtiment à étages promis ? Des bruits continuent de courir sur leur implication personnelle dans la gestion approximative des fonds, comme s’ils ont en horreur l’ouverture de la ville de Dapaong sur l’extérieur. Et depuis lors, l’ancien ministre Yendja Yentchabré ne s’est toujours pas décidé à justifier devant les médias comment la gestion a été faite pour qu’on en arrive là.
Dans un de ses discours lénifiants dont lui seul a le secret, Faure Gnassingbé a reconnu que les richesses du pays sont accaparées par une minorité. Soit. Mais que lui coûte-t-il de taper du poing sur la table pour demander la reddition des comptes à tous ceux qui ont des soupçons de corruption et de détournements de deniers publics dans leur curriculum vitae, s’il a à cœur le redressement économique du pays ? A croire que le président de la République a peur de demander des comptes à son entourage. Sinon, comment comprendre que malgré sa déception lors de son déplacement à Dapaong pour la cérémonie d’inauguration du nouveau marché – cérémonie qui n’a pu se tenir à ce jour-, aucune sanction n’ait jamais été prise à l’encontre des premiers responsables du projet ? Tant et si bien que l’entrepreneur du projet a rendu l’âme il y a déjà quelque temps sans qu’il pût citer des noms. Mais qu’à cela ne tienne, du moment où il n’a pas été conduit à sa dernière demeure avec tous les papiers du projet.
Bientôt tous les partis descendront sur le terrain dans le cadre des prochaines élections. Que répondront les envoyés de Faure Gnassingbé aux populations qui voudront demander des comptes sur la gestion de la construction du nouveau marché ? En espérant qu’ils n’enverront pas des hommes en armes en guise de réponse, comme dans le cas des revendications de la Synergie des Travailleurs du Togo où deux jeunes enfants qui ne demandaient que la présence de leurs enseignants, ont perdu la vie. La terre de nos aïeux vaut plus que ces actes de bas étages.
Abbé Faria
source : Liberté Togo
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