Est-ce que Faure Gnassingbé a obtenu une copie du rapport original et authentique de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) du Togo portant sur les tortures au sein de l’Agence nationale de renseignements du Togo avant de s’envoler aux Nations-Unies à New-York ?
1. Y-A-T-IL EU TORTURES OU PAS AU TOGO ?
C’est en septembre 2011 que la Cour suprême du Togo a condamné 33 militaires et civils à des peines diverses dont 20 ans pour Kpatcha Gnassingbé, le demi-frère de Faure Gnassingbé, celui qui occupe actuellement la Présidence du Togo. Sans que les preuves n’aient été fournies, ni vérifiées, la condamnation pour un présumé coup d’Etat s’est transformée en « complot contre la sureté de l’Etat ». Il s’agit donc principalement d’allégations qui méritent de trouver des preuves.
Lors du procès de septembre 2011, une grande majorité des inculpés a affirmé et montré les tortures infligées par un corps spécial de l’Etat nommé « Agence nationale de renseignements (ANR) ». Celle-ci se charge, entre autres, de la sécurité des membres du pouvoir au Togo, mais aussi de contrôler les opposants et la Diaspora. Les inculpés ont montré publiquement au cours des audiences les séquelles des blessures subies, pour certaines encore fraiches. Les douleurs ont été parfois si fortes que certains inculpés ont publiquement affirmé avoir vu « le Diable en personne » en voyant le Patron de l’ANR, un Colonel dont le nom figure dans les registres du Tribunal.
Aujourd’hui, sur mandat du gouvernement par le biais du Ministre togolais de la Justice, il fut question de mener une enquête indépendante confiée à la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) du Togo. Ce rapport a été officiellement remis au Gouvernement. Le Gouvernement publie alors sur son site un Rapport dont la paternité serait le CNDH mais dans le rapport mis en ligne par le Gouvernement, les parties concernant les accusations de torture et les responsabilités de l’ANR ont disparu.
La CNDH s’en étonne et du coup publie le rapport originel qui aurait été transmis à Faure Gnassingbé avant son départ pour une mission à New York. Ce dernier n’aurait pas formulé d’objections à ce rapport. Mais dès son départ, un autre rapport gouvernemental sort sur le site officiel du Gouvernement togolais.
2. QUI A DIT QUE LE « RAPPORT FALSIFIE » EST « L’AUTHENTIQUE » ADOPTE PAR LA CNDH ?
Dès le 20 février 2012, la CNDH a rendu public sur son site le vrai rapport, le rapport authentique adopté en séance plénière le 15 février 2012 et en profitait pour déclarer que le rapport publié par le Gouvernement serait travesti et que des menaces avaient été prodiguées pour faire publier ce rapport non authentique. Quel est le problème ? Dans le rapport original de la CNDH, il est constaté et écrit qu’ « il a été commis sur les détenus, des actes de violences physique et morale à caractère inhumain et dégradant ». Ce point a disparu dans le rapport du Gouvernement non authentifié par la CNDH.
Pourtant dans le rapport non authentifié et produit par le Gouvernement qui estime que la paternité demeure la CNDH, il est écrit ceci : « Il n’a pas été intentionnellement infligé des douleurs, souffrances aiguës physiques et mentales à certaines des personnes interpellées et détenues dans le cadre de l’enquête ouverte pour tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat en avril 2009 … L’accusation de torture doit donc être rejetée ».
Le 22 février 2012, une délégation du CNDH a remis le rapport original en main propre au Premier ministre Gilbert Houngbo, ce au cours d’une réunion à huis clos.
L’Union européenne (UE) a fait part dans un communiqué, le 21 février 2012, de sa « vive préoccupation » et attend « rapidement des clarifications ». Il faut croire qu’il y a aussi une conditionnalité de non-mise à disposition de financement de l’UE pour les élections législatives togolaises prévues en principe en octobre 2012 dès lors que les clarifications demandées au Gouvernement ne seront pas fournies. Mais l’Union européenne ne doit pas oublier de vérifier si ses propres recommandations faites lors des élections présidentielles de 2010, au cours desquelles a triomphé la contre-vérité des urnes, ont été prises en compte et les corrections apportées. Mais il ne faut pas que cet éventuel refus de financer les élections législatives au Togo finisse par servir les intérêts du système RPT en contribuant à repousser sine die ces élections, favorisant de fait le statu quo actuel.
3. LE GOUVERNEMENT TOGOLAIS DOIT REPONDRE A QUATRE QUESTIONS
La polémique est donc lancée : il y a bien deux rapports. L’un est faux et aurait été falsifié par les services du Gouvernement togolais. Pire, le Gouvernement affirmerait que ce rapport falsifié serait celui de la CNDH. Les questions auxquelles il faut apporter des réponses sont au nombre de quatre :
3.1 Quel est le rapport original et authentique ? La CNDH est la seule en position d’authentifier le rapport authentique.
3.2 Qui a donné l’ordre de falsifier le rapport de la CNDH et de le mettre sur le site officiel du Gouvernement togolais ?
3.3 Si la faute devait être du côté du Gouvernement, est-ce que des sanctions seront prises y compris contre les vrais commanditaires ?
3.4 Enfin, combien de rapports sont régulièrement falsifiés et présentés à la communauté internationale et au peuple togolais comme authentiques ?
Compte tenu du niveau d’insécurité qui règne au Togo, il ne faut pas s’étonner que le Président de la CNDH, Koffi Kounté, se soit réfugié à Paris, ce qui semble avoir été confirmé par le porte-parole du Ministère français des affaires étrangères lors du point de presse du 22 février 2012.
4. LE TOGO : CAS PILOTE POUR LE FINANCEMENT DU TERRORISME ?
Rappelons que le Togo assure actuellement la présidence tournante du conseil de Sécurité. Le 21 février, Faure Gnassingbé qui représentait le Togo à New York a proposé la création d’un « Groupe de contact international sur la criminalité transnationale organisée » notamment pour l’Afrique de l’Ouest et au Sahel. Il s’agit d’imiter le « Groupe de contact international sur la piraterie au large des côtes somaliennes ». Plus de 45 membres déjà comprenant des pays et des institutions régionales s’attellent à la tâche pour trouver des solutions pour la Somalie. Les décisions se prennent souvent en fonction de ceux qui apportent les financements ou les moyens d’actions de coercition. Bref, ce n’est pas une instance démocratique au sens où l’on pourrait l’espérer. Le Groupe de contact serait en réalité d’une sorte de commission ad hoc qui pourrait décider de prendre des décisions engageant les Etats-membres mais devrait aussi permettre des ingérences dans les affaires des autres dès lors que la sécurité internationale sera en jeu. Peut-être que le Groupe de contact de l’ONU pourrait commencer par regarder ce qui se passe au Togo en termes d’impact du blanchiment d’argent, de circulation de la drogue sur l’aéroport de Niamtougou, sur la sécurité dans la sous-région et au-delà avec les ramifications avec les groupes terroristes.
5. RECOMMANDATIONS : A QUAND LA DEMISSION DE QUI ?
CVU-Togo-Diaspora demande donc :
au Gouvernement – comme le demandent les partis politiques de l’alternance – d’apporter la vérité en reconnaissant que nul ne peut mieux connaître la différence entre un document authentique et un document falsifié que l’auteur lui-même. Alors il faut espérer que le Gouvernement togolais ne viendra pas affirmer, toute honte bue, que c’est la CNDH qui aurait le document non-authentifié ;
aux Nations Unies, il n’est pas interdit de mettre en place un Groupe de contact international sur la « vérité des urnes ». Le Togo serait un cas pilote des plus intéressants surtout que des démissions pourraient tomber ; et enfin d’identifier qui au Togo rend le site Internet de la CNDH inaccessible et bien sûr de procéder à sa réouverture immédiate et sans conditions.
Dr Yves Ekoué AMAÏZO
Coordinateur Général
24 février 2012
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