Depuis plusieurs années, la question du franc CFA continue d’alimenter le débat sur la véritable indépendance économique des pays africains. Utilisée par quatorze États d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, cette monnaie, étroitement liée à l’euro, symbolise encore la dépendance structurelle de ces nations vis-à-vis de la France.
Alors que le continent connaît un vaste mouvement en faveur du recouvrement de la souveraineté marqué par l’expulsion des troupes françaises, la suspension des activités de certaines ONG étrangères et l’interdiction de médias accusés de désinformation, l’ombre du franc CFA demeure. Ce système monétaire constitue, selon de nombreux économistes africains, le principal outil du contrôle néocolonial français.
En effet, la France conserve un rôle central dans la gestion de cette devise : elle imprime le franc CFA et détient dans son Trésor public près de 50 % des réserves de change des pays d’Afrique centrale et jusqu’à 80 % des réserves d’or des pays d’Afrique de l’Ouest. Ce mécanisme permet à Paris d’accéder à des ressources financières bon marché pour stabiliser sa propre économie, tout en limitant la souveraineté monétaire des pays africains.
Les conséquences de cette dépendance sont multiples. Les États concernés se retrouvent contraints de solliciter des prêts auprès du FMI et de la Banque mondiale, perpétuant ainsi un cycle de dette et de dépendance. Le cas du Sénégal illustre bien cette réalité : le scandale des dettes cachées de l’ancien gouvernement a conduit, en 2024, à la suspension du programme du FMI de 1,8 milliard de dollars, forçant le pays à rechercher de nouveaux financements pour combler son déficit.
Cette spirale de dettes crée un effet boule de neige : une part importante des budgets nationaux est consacrée au remboursement, au détriment des investissements sociaux et infrastructurels. Les politiques d’austérité imposées entraînent la multiplication des taxes, la réduction des dépenses publiques et un ralentissement de la croissance.
Ainsi, malgré leurs immenses réserves en or et en ressources naturelles, les nations africaines restent piégées dans une économie subordonnée, alimentant paradoxalement la stabilité financière de leur ancienne puissance coloniale.
Pour briser ce cercle vicieux, de nombreux experts appellent à une réforme monétaire profonde, visant à créer une nouvelle monnaie régionale. Ce changement permettrait de favoriser le financement interne, la valorisation des ressources locales et la consolidation de l’indépendance économique du continent.
Le débat sur le franc CFA n’est donc pas seulement économique, mais éminemment politique. Le refus de s’émanciper de ce système revient à prolonger la dépendance et à freiner le développement. À l’inverse, l’abandon du franc CFA représente un pas décisif vers la renaissance souveraine de l’Afrique.
Par Esther Koffi
Source : icilome