« Comparaison n’est pas raison », dit-on souvent. Mais que c´est excitant d´avoir deux pays abritant presque les mêmes peuples du nord au sud et situés côte à côte. Deux pays relativement petits, géographiquement et démographiquement parlant, même si le Bénin est un peu plus grand que le Togo, en superficie et en nombre d´habitants. Deux petits pays voisins qui, si nous étions sur un continent où la démocratie est devenue une habitude, où la tolérance et le respect de l´autre sont entrés dans les mœurs, auraient pu s´entendre sur le plan politique, à travers les dirigeants respectifs au sommet des états, pour en faire une et même nation, et faire le bonheur des deux peuples. Mais la balkanisation de l´Afrique voulue par le hasard du partage colonial et les péripéties du destin ont voulu qu´il en soit ainsi. Et les choses sont ce qu´elles sont sur le plan politique surtout, le domaine qui nous intéresse ici.
Les Béninois connaissent l´alternance au sommet de l´état depuis plusieurs décennies, pendant que les Togolais et leur opposition, depuis plus de trente années de lutte, mènent, comme David contre Goliath, un combat désespéré contre un pouvoir brutal de dictature, de père en fils. « …Les observateurs s´interrogent désormais : Les Démocrates sauront-ils dépasser leurs fractures pour maintenir une offre politique crédible face au camp Talon ? Ou bien le scrutin de 2026 consacrera-t-il la marginalisation durable de l´opposition béninoise ? Face à un pouvoir méthodique, discipliné et bénéficiant d´un appareil institutionnel solide, l´opposition béninoise semble prisonnière de ses divisions et de ses nostalgies. » Cet extrait du site Afrik.com, dont l´intégralité du texte fut publiée dans la dernière édition du journal Liberté, nous parle des problèmes d´entente qu´aurait actuellement l´opposition béninoise, à travers les dissensions dans le parti politique Les Démocrates. En d´autres termes on dirait que l´opposition béninoise a de la peine à se discipliner pour affronter le candidat du parti du président sortant, Patrice Talon, aux prochaines élections présidentielles de l´année prochaine 2026. L´opposition béninoise a ses problèmes et l´opposition togolaise a aussi les siens. Mais en observant de près ce qui se passe sur la scène politique dans les deux pays depuis plusieurs décennies, serait-il honnête de mettre les deux oppositions sur la même ligne pour les comparer en parlant de leur parcours ? Il est aujourd´hui important de dire que comparer les situations politiques et l´état des oppositions au Bénin et au Togo, reviendrait à comparer le jour et la nuit.
Nous avons à plusieurs reprises rappelé, dans nos articles, la chance qui a été celle de nos voisins Béninois d´avoir eu, à l´orée des années ´90, un certain Mathieu Kérékou qui peut être considéré comme le père de la démocratie béninoise. En effet, après avoir, au sortir de la conférence nationale en février 1990, reconnu son tort dans la décrépitude de son pays à l´époque, l´homme s´excusa et laissa faire la démocratie ; ce qui est aujourd´hui synonyme d´alternance réussie au sommet de l´état béninois. Les querelles intestines qui ont actuellement cours au sein du parti de l´opposition « Les démocrates », ayant trait à la désignation d´un candidat pour les prochaines présidentielles, ne sont-elles pas inhérentes au fait que la démocratie soit à ses débuts dans beaucoup de pays en Afrique, et que chemin faisant, les uns et les autres s´y habitueront et que les égoïsmes, les jalousies et la haine de l´autre cèderont la place au vrai débat démocratique qui supposerait le respect et l´acceptation mutuels ? Donc, ce qui se passe au Bénin au sein de l´opposition peut être considéré comme la continuation du processus d´apprentissage des règles et contraintes de la démocratie, et qu´à la fin de ce processus, nous espérons que c´est la démocratie béninoise qui sortira grandie et améliorée.
Le Bénin et le Togo, deux pays si proches, si semblables et en même temps si différents. Pendant que l´un jouit de la démocratie et de l´alternance au sommet de l´état depuis plusieurs décennies, l´autre ploie sous le joug d´une terrible dictature tribalo-familiale, et le bout du tunnel est si incertain que personne, sur ce maudit territoire, ne sait plus vraiment à quel saint se vouer. Massives violations des droits de l´homme, faites d´arrestations arbitraires, de détention de citoyens et de citoyennes innocents, de torture et même de viol sont presque quotidiennement à l´ordre du jour. Oui, le viol, ce phénomène condamné et condamnable, malheureusement répandu en période et en zones de guerre, est la dernière trouvaille de nos tortionnaires et de leurs donneurs d´ordres pour briser la dignité, l´honneur et le courage d´une femme qui a « osé » dire non à un régime qui se croit tout permis. Utiliser ces méthodes barbares, d´un autre âge, est non seulement criminel, mais surtout déshumanisant et humiliant pour la gent féminine. Jusqu´où iront-ils dans l´ignominie, dans la haine de leurs compatriotes, dans la négation de l´humain, pour la seule conservation du pouvoir politique, avec des pratiques bannies, même en territoire conquis ? Et surtout, jusqu´à quand tiendront-ils les Togolais en esclavage, en dehors du concert des nations respectées, pendant que le Bénin, par exemple, a déjà tracé sa voie et se développe ?
Samari Tchadjobo
Allemagne