Le Togo sous menace d’une sanction de l’UIP
Comme annoncé en fin de semaine dernière, une délégation de l’Union interparlementaire (Uip) est arrivée au Togo. Il s’agit d’une mission exploratoire qui doit rencontrer les différents protagonistes dans l’affaire d’exclusion des députés apparentés à l’Alliance nationale pour le changement (Anc), s’enquérir de la suite que le pouvoir compte réserver aux exclus après les arrêts de la Cour de justice de la Cédéao. A l’agenda des émissaires, des rencontres avec les députés concernés et leur parti, les responsables de l’Exécutif, le Bureau de l’Assemblée nationale…Echos du séjour de la délégation.
Il nous revient que la délégation du Comité des droits de l’Homme de l’Uip conduite par le Malien Kassouta Issa Tapo a eu du mal à rencontrer les dignitaires du pouvoir. C’était prévisible, car la mission n’était pas dans nos murs pour cirer les pompes à Faure Gnassingbé. Mais les émissaires ont finalement réussi A contrario, la mission a rencontré les missions diplomatiques de premier plan accréditées au Togo, mais aussi et surtout les députés exclus et les leaders de l’Alliance nationale pour le changement (Anc). C’était le lundi 4 mars dans la soirée au siège du parti. Il nous revient que le parti aurait exigé la réintégration à l’Assemblée nationale de ses neuf (09) députés (Ahli Komla Bruce, Isabelle Ameganvi, Patrick Lawson, Jean-Pierre Fabre, Kodjo Atakpamey, Tchagnaou Ouro-Akpo, Akakpo Attikpa, Komi Mati et Yao Ketoglo) exclus le 19 novembre 2010 par décision de la Cour constitutionnelle, et la réparation des préjudices à eux causés par cette exclusion. Leurs interlocuteurs auraient « pris acte » de cette requête et promis rendre compte à qui de droit pour savoir la suite à donner à cette affaire.
Une mission légitime et une fermeté logique
Avec le dernier arrêt rendu dans l’affaire par la Cour de justice de la Cédéao et le refus manifeste du pouvoir de réintégrer les députés exclus pour satisfaire les lubies de Son Excellence Gilchrist Olympio, on croyait le dossier clos et les malheureux députés abandonnés à leur triste sort. Mais c’était compter sans la détermination de l’Uip à régler ce cas d’injustice. Contribuer à la défense et à la promotion des droits de l’Homme, facteur essentiel de la démocratie parlementaire et du développement, tel est, entre autres objectifs de l’Uip dont la mission est de rechercher les moyens de régler les différends autrement que par la force. Son succès le plus marquant fut la création de la Cour d’arbitrage de La Haye en 1899. Avec l’imminence des élections législatives et les derniers développements de l’actualité politico-judiciaire, le Togo court le risque de violences à l’occasion de ces échéances et il urge de prendre des mesures pour éviter le pire.
Ce cas de déni de droit a d’ailleurs préoccupé l’Union dès les premières heures de sa survenue. Elle fut la première structure internationale à condamner ce scandale dont s’est rendu coupable le pouvoir Faure Gnassingbé. C’était lors de la 133e session de son Comité des droits de l’Homme tenue à Panama en avril 2011. Dans sa décision confidentielle, le Comité avait relevé les irrégularités de la procédure et fait remarquer que les députés en question n’ont jamais démissionné, mais qu’il s’agit d’une « révocation d’un mandat parlementaire », et invité « les autorités à réfléchir à la façon dont peut être réparé le tort causé aux députés qui ont ainsi perdu leur mandat ». Le Comité des droits de l’Homme est revenu à la charge lors de sa 134e session tenue du 4 au 7 juillet 2011 à Genève en Suisse où il n’a fait que confirmer sa précédente décision. Il avait dit attendre « avec intérêt le jugement de la Cour de la Justice de la CEDEAO ». Ce jugement a été justement rendu le 7 octobre 2011 et confirmé plus tard dans un autre arrêt. La Cour communautaire a fait aussi remarquer que les députés en question n’ont jamais démissionné, et demandé leur réintégration et la réparation des préjudices subis. Mais le régime en place a interprété ces arrêts de façon tendancieuse et refusé de réintégrer les neuf députés jusqu’à arrivée à terme du mandat de l’Assemblée nationale. Ce cas de déni de droit risquait de faire jurisprudence et le laisser irrésolu serait préjudiciable pour la démocratie. Il nous revient que les émissaires auraient laissé entendre qu’ils considèrent toujours les neuf exclus comme des députés de la République jusqu’à ce que le problème ne soit réglé. Voilà une fermeté qui annonce des relations tumultueuses en perspective entre le Togo et l’Uip dont est membre notre Parlement.
Vers des sanctions contre le Togo ?
C’est en tout cas ce que craignent des observateurs avisés, au regard de la fermeté dont auraient fait preuve les émissaires. Même si l’Union interparlementaire n’est pas une instance de justice, des sources redoutent des sanctions contre notre pays ; non seulement de l’Uip, mais aussi de l’Organisation des Nations Unies contre le Togo, car les rapports sont étroits entre les deux structures. Ce serait d’ailleurs curieux que le Comité des droits de l’Homme de l’Union interparlementaire se donne la peine de dépêcher une mission exploratoire au Togo pour les beaux yeux de Faure Gnassingbé. Se taire sur un tel scandale, c’est encourager la récidive et le gangstérisme d’Etat. Les prochaines élections législatives n’auront donc plus leur raison d’être, parce qu’à cette allure, le régime en place peut chasser à nouveau des élus du peuple de la future Assemblée dont la tête ne lui plairait pas, pour un oui ou un non.
Tino Kossi
liberte-togo