Les résultats de la présidentielle américaine ont confirmé samedi la victoire du duo démocrate Biden-Harris. Il a fallu aux Américains plusieurs jours avant d’être fixés sur l’issue du scrutin. Jamais dans le monde, une élection américaine n’a été autant suivie. Sûrement à cause de la politique étrangère du républicain Donald Trump qui, en quatre années de pouvoir, a renversé l’ordre établi. Son départ de la Maison Blanche était donc très attendu. Celui de Faure Gnassingbé aussi, lui qui a connu Georges Bush, Barack Obama, Donald Trump et aujourd’hui Joe Biden. A l’échelle du clan des Gnassingbé, cela fait déjà 11 présidents aux Etats-Unis, depuis Lyndon B. Johnson.
Dès la confirmation de cette victoire sur les médias, les messages aux nouveaux élus ont abondé, surtout sur les réseaux sociaux où de nombreux chefs d’Etat et de gouvernement ont salué l’élection du démocrate Joe Biden comme le 46ème président des Etats-Unis. Certains ont également salué la percée de Mme Kamala Harris, première femme vice-présidente de l’histoire des Etats-Unis. Cette sénatrice de couleur de 56 ans était candidate lors des primaires démocrates. Israël, Palestine, France, Allemagne, Union européenne, Canada, Egypte, entre autres ont adressé des messages de félicitation à la nouvelle équipe qui prendra fonction en janvier 2021.
Faure Gnassingbé ne veut pas se faire conter l’événement. Sur sa page twitter, le chef de l’Etat a signé deux messages. « Mes sincères et chaleureuses félicitations à SEM. @JoeBiden pour sa brillante victoire à l’élection présidentielle américaine. Sincères félicitations également à @KamalaHarris, première femme Vice-présidente élue à accéder à cette fonction », a tweeté Faure Gnassingbé. « Tout en réaffirmant ma disponibilité à œuvrer au raffermissement des liens d’amitié et de coopération entre nos deux pays, je souhaite au nouveau Président plein succès dans l’exercice de ses fonctions à la Maison Blanche », a-t-il ajouté.
En d’autres circonstances, ces messages de Faure Gnassingbé ne peuvent pas susciter des commentaires, mais l’histoire récente du Togo et des relations de ce pays avec les Etats-Unis en font un sujet de débat. Bien que les deux pays entretiennent des relations diplomatiques et de coopération depuis plusieurs décennies, le message de Faure Gnassingbé sonne comme une façon pour lui d’émarger sur la liste des personnalités ayant adressé leurs félicitations au président élu. Et pour cause. A l’issue de sa réélection contestée de février 2020, le chef de l’Etat togolais n’avait pas reçu de message de félicitation des Etats-Unis. L’administration Trump n’a pas voulu être la caution d’une dictature qui ferme la voie à toute ouverture du pays à l’alternance. D’ailleurs, les Etats-Unis avaient eu le courage, contrairement à la France, l’Allemagne et l’UE, de dénoncer la mascarade électorale en appelant à l’affichage des résultats bureau de vote par bureau de vote. Un appel rejeté par le régime Faure Gnassingbé qui a interdit le déploiement de plusieurs missions d’observation dont celle de l’Institut National Démocratique pour les Relations Internationales (NDI). Pourquoi féliciter un pays qui refuse de vous féliciter si ce n’est pas dans l’intention de faire la manche ?
A travers ces mots de félicitation, Faure Gnassingbé se trompe également de monde. Un homme habillé en haillons qui débarque dans une cour de personnes vêtues par Louis Vuiton et autres couturiers célèbres, ça se remarque à première vue. Les Etats-Unis et le Togo, c’est deux mondes différents. C’est le jour et la nuit en termes de démocratie, l’enfer et le paradis en termes d’avancées socioéconomiques et politiques. Mais comme au Togo, la honte n’existe pas chez ceux qui gouvernent le pays, le chef de l’Etat rentre dans la cour des bien élus et se signale, lui dont l’accession au pouvoir a été toujours contestée par le peuple.
Si Faure Gnassingbé félicite Joe Biden pour son élection, c’est d’abord parce qu’aux Etats-Unis, le président sortant peut perdre les élections pour la simple raison que le pays regorge d’institutions robustes. Tout le contraire du Togo où les autorités travaillent à arracher aux institutions tout brin d’autonomie. La preuve est que dans ce pays de 7 millions d’habitants, le président de la République est au pouvoir pour un bon moment. Il rêve même d’y mourir.
Faure Gnassingbé devrait avoir honte, dans un monde en perpétuelle mutation, d’adresser des félicitations à un troisième président des Etats-Unis depuis son arrivée au pouvoir. En 2008, il a félicité Barack Obama. Quatre ans après, en 2012, il lui a adressé les mêmes mots de félicitations. « Votre brillante victoire confirme la justesse de vos choix, vos qualités exceptionnelles d’homme d’Etat et votre sens des valeurs humaines que vous avez su mettre durant les quatre dernières années, au service des idéaux qui font depuis toujours, la spécificité des Etats Unis d’Amérique », avait-t-il déclaré. Ce sont en réalité les qualités exceptionnelles d’homme d’Etat et le sens des valeurs humaines qui font défaut au Togo. Sinon, il aurait pu céder le pouvoir en 2015, après deux mandats comme l’a fait Barack Obama.
En 2016, après le départ de Barack Obama, le fils de Gnassingbé Eyadema avait aussi félicité Donald Trump en formulant à son endroit des « vœux ardents de santé et de succès dans l’accomplissement de vos futures charges au service de votre grand et beau pays ». Si Faure Gnassingbé était réellement au service de son pays et donc du peuple, il aurait sûrement été attentif à sa détresse et au désarroi exprimés depuis plusieurs années. Il n’aurait pas eu le courage de laisser sa milice jouer le rôle de la Police, encore moins garantir l’impunité à ceux qui pillent les ressources du pays et tuent les citoyens.
Aujourd’hui, il félicite Joe Biden, un président qui n’a pas succédé à son père après 38 ans de règne, dans un bain de sang. Le président élu des Etats-Unis passera la main en 2024. Si jusque-là le miracle ne s’opère pas au Togo, Faure Gnassingbé va encore « accepter avec humilité » d’être candidat pour un 5ème mandat, après avoir connu Georges Bush, Barack Obama, Donald Trump et Joe Biden. Le comble, c’est qu’il n’a rien de particulier, lui dont la gestion depuis 2005 a été un fiasco peint en prouesse grâce à des rapports douteux.
Il faut préciser que Faure Gnassingbé ne fait que perpétuer la tradition à lui transmise par son père. Le clan Gnassingbé a déjà vu se succéder 11 présidents américains depuis le temps de Lyndon B. Johnson (1963-1969).
G.A.
Source : Liberté