«…L´opposition et la société civile complètement affaiblies, et la diaspora à laquelle on montre les clés de la prison, il ne reste que la presse critique à «achever»…Et seul le bon Dieu sait jusqu´où ira le régime de Faure Gnassingbé avec ce durcissement. » (Le quotidien Liberté du 9 mars 2023)
Le retour de la dictature pure et dure au Togo pendant que d´autres pays de la sous-région, surtout notre voisin de l´est, le Bénin, lorgnent vers un avenir radieux sur le plan politique. Cette stabilité démocratique faite d´alternance régulière au sommet de l´état, synonyme de bonne gestion, de respect des citoyens pour le bien desquels le passage au pouvoir de qui que ce soit, dans n´importe quel pays, trouve tout son sens, devient de plus en plus au Togo une denrée rare et dangereuse, très dangereuse à acquérir. En reproduisant cet extrait du quotidien Liberté dans sa parution de jeudi 9 mars 2023, nous voulons souligner et surtout rappeler les dérives autoritaires, sinon dictatoriales du régime de Faure Gnassingbé qui semble naviguer à contre-courant de la marche du monde civilisé, en se fourvoyant dans l´illusion que notre pays, le Togo, pourrait éternellement rester un îlot de terreur. Les violations des droits de l´homme, le vol organisé des fonds publics et l´impunité en vase clos semblent être désormais le programme de gouvernement d´un régime dont l´incompétence et surtout le mépris des populations togolaises ne sont plus à démontrer.
Après avoir réussi par la terreur à laminer ce qu´il restait d´opposition sérieuse, après avoir profité de l´incompétence, de la méchanceté et de l´égoïsme d´une certaine frange de l´opposition, qui n´est plus aujourd´hui que l´ombre d´elle-même, Faure Gnassingbé et sa minorité de prédateurs se préparent pour un règne sans Togolais en tentant de renforcer, en plein 21e siécle, les attributs d´un pouvoir sans partage. Pour cela il leur faut faire taire les récalcitrants qui refusent le fait accompli. Et c´est ce sinistre plan qu´ils tentent aujourd´hui de dérouler en s´en prenant à la presse libre qui reste pratiquement la seule sentinelle courageuse à dénoncer les abus et les violations de toutes sortes. Et c´est ce qui explique la cabale dont est aujourd´hui victime Ferdinand Ayité, directeur de publication du bi-hebdomadaire «L´Alternative». C´est ce que la PM togolaise, Dame Victoire Tomégah Dogbé, avait en tête en faisant traîner le quotidien Liberté devant les tribunaux, avec à la fin une suspension de trois mois, heureusement levée par la cour suprême; mais pour combien de temps? Et c´est toujours ce plan de musellement de la presse libre et critique qui avait motivé la HAAC à retirer le récipissé au journal «La Nouvelle» en 2019 pour des motifs où, sous d´autres cieux, un rappel à l´ordre aurait suffi. En janvier 2021, c´était le tour de «L´Indépendant Express» de Carlos Kétéhou de recevoir le coup de massue de la HAAC, encore elle, avant la décision du tribunal. Ledit hebdomadaire critique envers le régime fut interdit de paraître sous toutes formes, papier et presse en ligne. Tout ça pour avoir publié un article accusant des ministres-femmes du gouvernement togolais d´avoir volé des cuillères dorées lors d´une réception.
Pour prouver que ce qui arrive aujourd´hui à la presse privée libre est un acharnement ciblé et prémédité dans les sinistres laboratoires du régime de dictature, c´est le fait qu´une affaire datant de 2015 soit aujourd´hui réssuscitée. Il s´agit, en effet, de l´affaire dénommée à l´époque «route Lomé-Vogan-Anfoin». Trois trois journaux avaient écrit que des milliards de F CFA disparus dans l’aménagement de cette voie auraient été détournés par l’ex-ministre Ayassor et son homologue en charge des Transports, Ninsao Gnofam. Huit (8) ans après, les trois responsables des journaux en question, à savoir. Liberté, L´Indépendant Express et Le Rendez-Vous furent sommés de comparaître le 24 février 2023 devant le tribunal pour les articles publiés en 2015.
Notre pays le Togo deviendra-t-il un jour une curiosité touristique de mauvais goût et surtout de la honte, en demeurant cet îlot de dictature, de terreur, pendant que tout autour de nous tout change positivement? Au nord, les Burkinabè et les Maliens sont conscients que leurs pays ne peuvent plus, et ne doivent plus être dirigés comme ce fut le cas jusqu´à présent, et sont entrain de chercher la meilleure voie pour se redonner espoir et respectabilité. Au Nigeria, malgré quelques lourdeurs qui demeurent, l´alternance au sommet de l´état y est devenue depuis une habitude. Le Bénin d´à côté a un président, malgré les imperfections humaines qui peuvent être les siennes, qui possède une vison claire de ce qu´il veut de son pays, et partira, comme il l´a promis, en 2026. Malgré la crise économique et la faillite de sa monnaie, notre voisin de l´ouest le Ghana, n´a pas ce problème de dirigeants qui usent et abusent de tous les artifices pour s´éterniser au pouvoir; et ça c´est un gage que tôt ou tard ils remonteront la pente.
Et le Togo? Tous les problèmes politiques qui existent aujourd´hui dans ce petit pays sont créés de toutes pièces par les dirigeants de fait actuels. Le problème des prisonniers politiques qu´on refuse de libérer, le problème des réfugiés politiques, dont surtout le prélat de 94 ans, Monseigneur Kpodzro, le problème de détournements de fonds publics, avec comme exemple le dernier rapport de la cour des comptes sur la gestion des fonds du COVID. L´impunité qui est devenue la règle. Le manque de liberté de manifester et de se réunir pour les formations politiques taxées hostiles à leur façon de diriger. Et aujourd´hui la presse libre et les journalistes qui ont choisi le côté du peuple, auxquels on s´en prend; en fonçant tête baissée vers des élections comme si de rien n´était. Quelle irresponsabilité!
Mettre certains esprits critiques en prison, obliger les autres à prendre le chemin de l´exil par un acharnement ciblé, comme c´est le cas aujourd´hui de Ferdinand Ayité, faire tout pour que les «récalcitrants» de la diaspora aient peur de revenir; est-ce désormais le sinistre plan de Faure Gnassingbé? Les Togolais laisseront-ils faire?
Samari Tchadjobo
Allemagne