En conférence de presse ce 23 septembre 2021, l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) est revenu sur les conclusions des travaux de la Concertation Nationale des Acteurs Politiques. Le parti de Jean-Pierre Fabre s’est également prononcé sur la situation qui prévaut actuellement en Guinée et au Mali.
Pour le président de l’ANC, les autorités « recherchent des complices » pour l’organisation sans les réformes des élections régionales. Ce que l’ANC a compris finalement avec les travaux de la CNAP et a préféré claquer la porte à la veille. Le RPT-UNIR n’a aucune volonté de faire les réformes visant à assainir le cadre électoral, mais se précipite tout droit vers les élections régionales qui vont aboutir sur la nomination des sénateurs.
« C’est avec regret et déception que l’ANC fait le constat qu’en lieu et place d’une volonté politique d’opérer des réformes visant l’adoption d’un cadre électoral transparent et équitable, le RPT/UNIR et le gouvernement se contentent de faux-semblants en faisant miroiter à ceux qui avaleraient la couleuvre, des nominations de sénateurs par le Chef de l’Etat, ‘dans un esprit d’ouverture’ », lit-on dans la déclaration liminaire sanctionnant lu à la conférence de presse.
« Naturellement, l’ANC ne pouvait accepter un tel état de choses que nous estimons contraires aux principes démocratiques et contraires aux intérêts des populations togolaises. Nous avons donc suspendu notre participation aux travaux de la CNAP. Ce qui a amené le gouvernement à précipiter la fin des travaux qui se sont achevés dans la confusion », poursuit Jean-Pierre Fabre dans la déclaration liminaire.
Ci-dessous l’intégralité de la déclaration liminaire
Mesdames, Messieurs, Bonjour !
Je vous souhaite une cordiale bienvenue à la présente conférence de presse convoquée par notre parti, l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), pour faire avec vous, le point de l’actualité politique, sociale et économique qui prévaut au Togo.
Naturellement nous ne manquerons pas d’aborder avec vous l’actualité brulante de la sous-région ouest africaine où prédomine la situation dans les pays frères du Mali et de Guinée.
Mesdames, Messieurs,
Le mardi 21 juillet 2020 à 10h00, le Président National de l’ANC a rencontré le Ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités Locales, à l’initiative de ce dernier.
A cette occasion, le Ministre a fait part de l’intention du gouvernement d’enclencher le processus devant aboutir à l’organisation des élections régionales au plus tard, fin décembre 2020. L’objectif du gouvernement serait d’accélérer la préparation de ces d’élections, pour achever la mise en place des institutions prévues par la Constitution, comme le Sénat, la Cour Constitutionnelle.
Pour le gouvernement, les réformes électorales viendraient après la mise en place des institutions, de sorte que l’opposition et le gouvernement travailleraient ensemble au sein des institutions, à l’amélioration du cadre électoral.
Le Président National a exprimé une série de préoccupations de l’ANC et des partis de l’opposition et fait part des observations suivantes :
1) Les élections au Togo donnent toujours lieu à des contestations en raison de l’absence de consensus sur le cadre électoral. Il faut en finir avec l’organisation d’élections dans la précipitation et l’improvisation.
2) Dans la mesure où il n’y a pas d’échéance constitutionnelle qui oblige à organiser les élections régionales dans un délai déterminé, et que leur tenue ne dépend que de la seule volonté du gouvernement, il serait préférable et plus raisonnable d’améliorer en profondeur le cadre électoral avant toute élection, en se donnant le temps nécessaire. Il serait donc judicieux de mettre le temps à profit, pour rechercher un consensus sur le cadre électoral, en améliorant plusieurs de ses éléments constitutifs notamment : le fichier électoral, la CENI, la Cour Constitutionnelle.
3) Les institutions de notre pays sont déséquilibrées et inefficaces. Elles ne remplissent pas leur fonction en raison de leur composition due aux conditions de désignation ou d’élection de leurs membres. Ainsi, il est incompréhensible qu’il puisse exister au sein d’une institution républicaine comme le Sénat, deux catégories de membres : des membres élus et des membres nommés. C’est une originalité africaine qui ne va pas dans le sens d’une vraie démocratie dans nos pays. Ce à quoi le Ministre a répondu que le gouvernement fera parvenir sa décision. Laquelle décision a pris la forme des travaux de la CNAP initiés à l’issue de la réunion du 14 décembre 2020 organisée par le gouvernement sur les élections régionales.
L’ouverture de ces travaux à toutes les questions, sans tabou ni exclusive, aurait pu faire croire que le gouvernement était enfin disposé à rechercher le nécessaire consensus pour améliorer en profondeur le cadre électoral avant les prochaines élections.
Mais connaissant les pesanteurs du RPT/UNIR au pouvoir et son refus obstiné de toute idée d’alternance politique au Togo, l’ANC s’attendait à des réformes à minima, portant sur des questions basiques telles que :
• un nouveau recensement électoral pour constituer un fichier électoral propre ;
• une CENI paritaire et équilibrée, dont le principe est déjà acquis et acté au cours des discussions politiques de 2018, sous l’égide de la CEDEAO ;
• la revue du statut de l’opposition avec une définition plus pertinente de l’opposition ;
• des mesures d’apaisement comprenant la libération de tous les détenus politiques et le retour des exilés ;
• la gestion de la pandémie du covid-19 avec ses conséquences en termes de vie chère. C’est avec regret et déception que l’ANC fait le constat qu’en lieu et place d’une volonté politique d’opérer des réformes visant l’adoption d’un cadre électoral transparent et équitable, le RPT/UNIR et le gouvernement se contentent de faux-semblants en faisant miroiter à ceux qui avaleraient la couleuvre, des nominations de sénateurs par le Chef de l’Etat, «dans un esprit d’ouverture».
Naturellement, l’ANC ne pouvait accepter un tel état de choses que nous estimons contraires aux principes démocratiques et contraires aux intérêts des populations togolaises. Nous avons donc suspendu notre participation aux travaux de la CNAP. Ce qui a amené le gouvernement à précipiter la fin des travaux qui se sont achevés dans la confusion.
Nous mettons à votre disposition, un tableau comparatif des propositions de l’ANC face au relevé des conclusions de la CNAP, assorti de commentaires critiques, explicatifs et constructifs.
Nous reviendrons, à travers vos questions, sur la question du covid-19 dont la gestion pâtit des inconséquences du pouvoir en place, depuis les commandes des premiers respirateurs jusqu’à celles des vaccins en passant par les ‘’bavures’’ policières mortelles. Et les récentes sorties des autorités togolaises sur la question ne semble pas corroborer l’application d’une stratégie transparente et cohérente permettant de juguler efficacement la pandémie tout en respectant les libertés fondamentales des citoyens.
Nous ne saurions occulter au cours de la présente conférence de presse, les prestations incompréhensibles de la CEDEAO qui se refuse à intervenir en amont pour prévenir les crises politiques et se précipite pour prendre des sanctions en vouant aux gémonies des acteurs qui invoquent, les tripatouillages constitutionnels et électoraux et les graves atteintes aux libertés fondamentales perpétrés impunément par les chefs d’Etat déchus.
La prise du pouvoir par des moyens anticonstitutionnels, notamment par un coup d’Etat, est condamnable et inacceptable. Par principe. Mais lorsque l’on voit les populations se mobiliser en masse pour applaudir et soutenir un putsch, il est plutôt difficile de suivre et d’appuyer les yeux fermés, les condamnations et les sanctions prononcées ainsi que les calendriers imposés par des institutions internationales, régionales et sous régionales qui appellent à un retour à l’ordre constitutionnel.
Il est pourtant possible et toutes ces institutions en ont les moyens et les instruments, de prévenir ces situations en amont, en recadrant avec la même fermeté, les dirigeants en délicatesse avec la bonne gouvernance et qui n’hésitent pas à recourir au tripatouillage de la constitution et des élections, à la corruption à la violence politique pour se maintenir indéfiniment en place ou assurer une dévolution du pouvoir de père en fils.
A cet égard, tout en ayant en mémoire le refus des Présidents Faure Gnassingbé et Yahya Jammeh d’inscrire la limitation des mandats présidentiels dans le Protocole de la CEDEAO, en mai 2015, l’ANC note le point 18 du communiqué du dernier sommet extraordinaire de la CEDEAO, tenu à Accra le 16 septembre 2021, en espérant qu’il puisse être mis en œuvre effectivement et diligemment. Car il y va de la crédibilité de l’institution, auprès des populations de la sous-région. Ce point 18, relatif au renforcement de la démocratie, dispose :
« Tenant compte des développements récents dans la région, la Conférence réaffirme que la consolidation de la démocratie et de la bonne gouvernance est essentielle pour le développement, la paix et la stabilité de la région. En conséquence, la Conférence instruit le Président de la Commission à initier le processus de réexamen du Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance de 2001 afin de renforcer la démocratie, la paix, et la stabilité dans notre région. »
Fait à Lomé, le 23 septembre 2021
Pour le Bureau National
Le Vice-Président
Patrick LAWSON BANK