Encore un ballet de palabres stériles? L’opposition togolaise, pour la 27ème fois en 27 ans, affronte le même cartel de lèche-bottes premier choix, une cohorte de patibulaires suiffeux pour qui le pouvoir est une sinécure jouissive. Rien dans la tête, tout dans le côlon. Pour beaucoup de Togolais, ce dialogue n’est que du cosmétique qui va finir comme les précédents, dans un vide intersidéral, l’échappatoire habituelle d’où a toujours rebondi un régime qui sait tripoter, bourrer, manipuler le monde avec de sordides mensonges. Le décor est planté, les pitbulls sont lâchés. L’absence du premier intéressé à l’ouverture est le signe avant-coureur d’un échec planifié. La différence, cette fois, c’est qu’en face des bouffons malveillants, il y a un Togo digne, debout comme un seul homme, qui réclame une chose: “Faure must go”, relayée par des voix ouvertes ou implicates à travers l’espace de la CEDEAO: “la liberté des peuples et les transitions politiques pacifiques ne sont plus négociables en Afrique de l’Ouest”.
Faure Gnassingbé: Ce nom à lui tout seul est un dossier. Un dossier chaud qui peut faire l’ordre du jour du dialogue, le problème du Togo étant, pour l’essentiel, la famille Gnassingbé. C’est de cela qu’on doit traiter. Si Faure caresse encore l’espoir de sortir de ces pourparlers ragaillardi, c’est qu’il méjuge et prend une chose pour une autre. Les Togolais parviendront à le cueillir. Un jour. Avec ou sans la communauté internationale. Au moment où il s’y attendra le moins. Pour ses compatriotes, il représente en soi une catastrophe nationale, une parenthèse qu’il faut fermer, sans aucun delai supplémentaire. Ils le clament en boucle, dans toutes les régions, ne voulant plus tomber sous le charme d’un système de prédation pourri. C’est dire combien les Togolais, sous le joug d’une lourde croix qu’ils traînent à travers les âges, en ont le coeur las, le quotidien pénible et sont impatients de rentrer dans l’ère de l’après Gnassingbé.
Sommes-nous redevables à cette famille, entend-on dire souvent. Pas du tout, répond l’histoire. En effet, dans les années 60, lorsque les Togolais se battaient contre le colonisateur, certains au prix de leurs vies, pour arracher leur dignité et leur liberté, Eyadéma n’a pas été présent dans les rangs des combattants. Aucun membre connu de sa famille ne s’était signalé sur aucun front de la lutte du vaillant peuple kabyè. Par contre bien d’autres braves fils de cette ethnie avaient affronté avec bravoure et patriotisme le colon blanc. On cite, entre autres, les Assih, Palanga, Louki, Batchassi,Tchedré ….En faisant, en 1963 puis 67, sa brutale apparition dans la vie de la jeune nation togolaise, une vie pleine de promesses et d’espoirs, le mystérieux Eyadéma n’avait été qu’un intrus débarqueur. Fort de cette réalité historique, son fils qui s’est, en 2005, emparé de la présidence, lui aussi en marchant sur des cadavres, ne peut prétendre à aucune légitimité, ni symbolique ni populaire, moins encore politique pour justifier sa confiscation du pouvoir. C’est une douloureuse anomalie.
Le dialogue actuel doit prioritairement traiter de son cas, de ce que doit être le statut de l’usurpateur car, il faut bien le dire, il y a au Togo, sur cette question, une véritable attente populaire, une impatience ardente, face à une dynastie tombée en rebut appelée à disparaître et que les Togolais veulent au plus vite livrer à la poubelle de l’histoire. Le régime RPT/UNIR se sait indésirable. rondement vomi, qui n’a pour soutien que la hiérarchie d’une armée tribalisée, instrumentalisée à outrance. La façon dont les sbires du régime se sont empressés de statuer qu’il ne saurait être question de transition politique au cours des assises le montre. Ils veulent faire de ces assises un fourre-tout, les noyer dans les confusions habituelles, sachant que Faure, aujourd’hui, n’a aucune chance de s’en sortir la hotte chargée de cadeaux.
Le président peut bien s’amuser dans sa tête mais, avec son impopularité qui touche les tréfonds, sa marge de manœuvre reste des plus ténues. Il lui sera difficile, très difficile de diriger le Togo. Sauf à coup de couteaux. Le pays est dans le trou et ses institutions, qui souffrent d’un manque cruel de confiance, éloignent visiteurs et investisseurs. Le plus amusant dans la république peau-de-bananière comme la nôtre, c’est cette capacité qu’ont les soi-disant dirigeants à faire croire que tout marche, malgré qu’à vue d’œil tous les signaux – social, économique et politique – sont au rouge. Rester pour continuer à produire les excités de base qui défendent bec et ongles les extravagances d’une famille assoiffée de pouvoir, c’est tout le projet, rien d’autre. Ils abondent dans toutes les sphères de notre société, ces sous-fifres obséquieux ânonnant à tout vent les menaces, des désœuvrés amnésiques incapables de réfléchir sauf chanter les slogans de toqués du genre: “touche pas à mon président”.
Dans quelle démocratie entend-on pareil slogan? Ces partisans ploucs du Baby Doc africain, des agités du bulbe, sont prêts à tout, juste pour empocher de quoi s’acheter un bol de mil. Pour eux, cela est synonyme de “la vie est belle”. En réalité une vie de misérables hargneux prêts à se satisfaire de quelques miettes lâchées d’en-haut. Au total, des comédiens bassement rémunérés pour soutenir le RPT/UNIR qui n’a été qu’une véritable fabrique de brutes butées. Une vaste fumisterie! De mémoire d’homme, on n’a jamais vu, nulle part en Afrique des gens qui, tout en se réclamant du sommet de l’état, sont aussi grossiers comme on en trouve au Togo. Des citoyens stupides et oisifs: voilà ce que le RPT a fait de ses militants dépossédés de toute capacité de réflexion critique, robotisés pour faire l’apologie du crime.
Alors, on grimace, on singe à ne point finir. Même jusqu’au bord du tombeau on veut rester le matérialiste éhonté, l’apologète infâme de la dictature, grosso modo, le cuveur à vie de sang humain. Aussi a t-on vu, encore récemment, de vieux séniles, croulant sous le poids de mauvaises graisses dues à l’âge, se constituer en un mouvement redondant qui fait décamper le bon sens: le Mouvement des Sages d’UNIR. On devrait d’ailleurs rendre payant ces genres de singeries, de bouffonnerie; ça renflouerait les caisses du parti-état et autres courants adjacents, qui redoubleraient alors d’efforts en matière de culte niais et grotesque de la personnalité pour rameuter encore plus d’adorateurs. En quelque sorte, un denier du culte pour têtes de cultes.
En tout état de cause, ce dialogue doit déboucher sur du concret, sur des résultats de décrispation de l’atmosphère. Cela passe par une concession de monsieur Gnassingbé à accepter de faire revenir, sans référendum, la constitution de 1992 et, en contrepartie, obtenir une transition politique qui le maintien au poste jusqu’en 2020. Un échec sera fatal; ce sera la fin des haricots pour nous tous, en premier ceux qui se laissent convaincre qu’ils sont indéboulonnables. Car ce que le Togo a jusqu’ici évité pourrait arriver c’est-à-dire la voie suicidaire lâchée à la face du monde par le brouillon Christian Trimua. Pour tout dire, messieurs les gardiens de la foire du trône, mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne vous prenne par la gorge.
Kodjo Epou
Washington DC
USA