Par nature et par principe, les questions de condamnation et d’emprisonnement de citoyens ne m’enchantent pas trop. Je justifie cette posture par au moins trois raisons.
La première reste qu’elles ne réparent pas le tort et encore moins le préjudice déjà causé. La seconde tient de ce qu’elles redressent rarement les coupables. Et enfin la troisième est qu’elles me donnent le sentiment d’un échec par rapport à l’impératif du leadership et de la pédagogie dans une gouvernance d’État.
Je prends à cet effet, un appui ferme sur ce fait que les grands empires qui ont fait la gloire de l’Afrique par le passé n’avaient pas de prisons, mais parvenaient par un leadership éclairé à réguler la vie sociale et à redresser au besoin des citoyens fautifs.
Néanmoins, dans le cas d’espèce du Burkina Faso où un héros national et ses camarades ont été lâchement rafalés, il importait effectivement que la lumière soit faite sur cet acte, afin de soulager, oui soulager les victimes que constituent les membres de leurs familles ainsi que la majorité du peuple dont le rêve a ainsi été brutalement brisé. L’on espère à cet effet que le procès en question a été juste et équitable.
Mais après un tel jugement, le défi reste entier par rapport au besoin de mettre toutes les filles et tous les fils du pays des hommes intègres dans un creuset national, sans clivages, sans discriminations, sans distinctions… Cela exige alors des dirigeants actuels et à venir, une capacité à s’élever au-delà des petits problèmes d’hommes, qui sont souvent sources des divisions et qui empêchent malheureusement, le leader d’avoir en permanence, un regard bienveillant sur l’ensemble de son peuple qu’il a le devoir de percevoir comme un tout indissociable.
L’enjeu de la réconciliation des burkinabé est d’autant plus grand et sérieux, que les satisfactions partielles et parcellaires, flattant simplement l’égo humain doivent être nécessairement dépassées, afin que par une politique mûrement réfléchie et teintée essentiellement des valeurs humaines, les dirigeants du Burkina Faso parviennent à focaliser l’attention de tous leurs citoyens sur l’essentiel, c’est-à-dire, la lutte contre le phénomène terroriste, la faim, le fléau de la corruption et du népotisme, en vue de construire une vraie nation solide et prospère qui évolue sur la base des valeurs identitaires propres à ce peuple.
Il me semble que c’est la seule et la plus belle manière de prendre la revanche sur certains épisodes de l’histoire de ce peuple et d’honorer davantage la mémoire de ceux qu’il regrette aujourd’hui.
Il est un fait presque général dans nos pays où, les dirigeants ont cette tendance à penser qu’ils sont seuls à avoir des solutions pour leur pays et qu’il leur suffit, à cet effet, de consentir quelques “efforts” en faveur du peuple, pour qu’ils soient de bons dirigeants. Ce faisant, ils oublient ainsi de fait que chaque citoyen, quel qu’il soit, porte en lui, un rêve certes pour lui-même, mais surtout aussi pour le pays qui l’a vu naitre et qui lui a tout donné pour qu’il soit ce qu’il est.
C’est en réalité cette erreur des dirigeants qui fait que plus de six décennies après nos pseudos indépendances, nos pays sont encore à la périphérie du développement effectif et même de la construction de vraies nations. Car l’évolution de tout peuple se porte et s’assume par le peuple lui-même, mais à cette condition que les dirigeants eux, en portent la vision et la sèment au sein de celui-ci. C’est à vrai dire, le peuple qui assure tout dans une nation, aussi bien la création de la richesse nationale que l’incarnation des valeurs humaines qui l’identifient spécifiquement.
Le rôle des dirigeants est simplement d’en donner le ton et de se comporter en vrais leaders ayant toujours un égard foncièrement humain sur tous les citoyens sans distinction aucune. C’est ainsi qu’ils vont parvenir à créer l’écosystème favorable à l’émergence naturelle des intelligences, du génie et du savoir-faire de chaque citoyen dont la mutualisation constitue au bout, un vrai ferment fondant ainsi de grandes nations.
Ainsi donc l’on ne peut demander mieux à ce peuple du pays des hommes intègres, coincé aujourd’hui par plusieurs goulots d’étranglement qui limitent drastiquement ses chances d’épanouissement et d’évolution. Que nos meilleurs vœux l’accompagnent !
Luc Abaki
