Depuis plusieurs mois, des influenceurs togolais ont décidé d’utiliser leurs plateformes pour rejoindre la lutte contre la dictature des Gnassingbé. Leur mobilisation, depuis le 6 juin, a redonné un souffle à une résistance restée immobile pendant presqu’une décennie. Et pendant des années, nous, les activistes, nous nous sommes plaints du fait que les artistes et les influenceurs restaient silencieux face aux injustices. Cette fois, ils ont pris position. Des artistes comme Aamron ou Zaga Bambo, qui eux sont engagés depuis plus d’une décennie, ont donné un nouvel élan à la lutte. Ils ont entraîné d’autres créateurs de contenu et d’autres voix. Et cela mérite d’être salué.
Personne ne naît militant ou activiste. On le devient. Une injustice de trop vous pousse à bout et vous oblige à vous lever. Il n’y a pas de hiérarchie dans un combat de résistance. Quelqu’un peut arriver aujourd’hui et sa voix peut porter plus loin que celles de ceux qui étaient là depuis vingt ans. L’essentiel, c’est que de nouvelles personnes rejoignent la cause, non seulement pour assurer la relève, mais aussi pour apporter un souffle nouveau. Ces nouvelles voix attirent des publics qui, autrement, n’auraient jamais prêté attention à ce combat.
Le militantisme n’est pas un métier, c’est une contribution. Nous avons tous une vie, une profession. Certains militants sont enseignants, d’autres médecins, fonctionnaires ou travailleurs indépendants etc. Personne ne leur a jamais demandé d’abandonner leur travail pour se consacrer à la lutte. Pourtant, c’est ce qu’on exige souvent des artistes et des influenceurs. On leur demande de tout sacrifier, d’oublier que leur art ou leur présence en ligne sont aussi leurs moyens de subsistance.
Depuis qu’ils se sont engagés, plusieurs de leurs comptes avec des centaines de milliers d’abonnés ont été supprimés à cause de ce régime. Ils en ont recréé d’autres, encore et encore. Ils ont perdu leurs sources de revenus, car la création de contenu est aujourd’hui un vrai métier. Mais qui se demande comment ils s’en sortent ? Qui s’interroge sur la pression, les menaces, la peur constante pour leur sécurité et celle de leurs proches ? Ils vivent avec cette inquiétude, ce sentiment d’être traqués, sans jamais savoir si un regard derrière eux est une coïncidence ou une menace.
Et pendant ce temps, certains trouvent encore le moyen de les attaquer, de les juger, de les dénigrer. On leur reproche de ne pas en faire assez, de ne pas agir comme il faudrait. Mais personne dans cette lutte n’est parfait. Personne ne doit quoi que ce soit à qui que ce soit. Nous le faisons tous par amour pour notre pays. Alors à défaut de les soutenir, taisons-nous. À défaut de les accompagner, respectons-les. Il faut en finir avec les critiques inutiles et la méchanceté gratuite.
Je me souviens d’une période où j’avais arrêté de travailler pendant presque un an pour me consacrer entièrement à ce combat (2017-2018). Je suis tombée malade, j’ai dû subir une opération, et je n’avais même plus de quoi me soigner. J’étais épuisée, mais je continuais. Un jour, j’ai été invitée à parler du Togo dans un forum international (la première fois que notre pays y était représenté. Mon billet et mon logement étaient pris en charge, mais rien d’autre). J’étais fragile, affaiblie et mon médecin traitant m’avait même déconseillé ce voyage. Le matin de ma présentation, j’ai pris plus de médicaments pour pouvoir tenir debout. Pendant que je parlais, je titubais par moments à cause des effets secondaires. Après l’intervention, j’ai été conduite aux urgences et j’ai passé la nuit à l’hôpital. Et pourtant, quand la vidéo est sortie, des militants togolais ont préféré dire : “Sa présentation était nulle”, et d’autres encore ont dit: “Elle se fait de l’argent sur la lutte”. Voilà jusqu’où va la méchanceté dans nos milieux. Voilà à quel point la jalousie et la petitesse peuvent gangréner un combat juste.
Alors à nos camarades du #M66, je veux dire ceci : tenez bon! Vous ne devez rien à personne. Vous n’avez de comptes à rendre à personne. Ce que vous avez déjà fait est immense et bien plus que ce que beaucoup d’autres, assis dans le confort de la critique, n’ont jamais eu le courage de faire. Continuez et restez concentrés! L’histoire retiendra vos noms.
#FreeTogo #FaureMustGo
Farida Bemba Nabourema
Citoyenne Togolaise Désabusée!