Le spectacle auquel s’est donnée la présidente de l’Assemblée nationale togolaise, à l’ouverture de la 1ère session ordinaire de l’année 2019, a retenu les attentions. Au lieu d’un discours sur le programme de la 6ème législature durant cette session, MmeTsègan Yawa Djigbodi a servi à l’assistance un discours à la gloire de Faure Gnassingbé. Avec le premier ministre Klassou, elle forme un couple de parfaits « griots de la République ».
Les griots existent encore. Ce sont eux qui racontent l’histoire de certains grands hommes à la lumière de leurs actions. Souvent, ils exagèrent dans cette tâche et font l’apologie de certaines personnes que l’histoire aurait aimé n’avoir jamais connues. En politique et surtout dans les fausses démocraties comme le Togo, les griots existent également. Sur les réseaux sociaux, dans les médias et partout où l’occasion se présente, ils chantent à la gloire de leur bienfaiteur.
Au Togo, on connaissait des griots de la République parmi lesquels le premier ministre Sélom Klassou. Malheureusement, la liste vient de se rallonger. Et pour cause. Mme Tségan Yawa Djigbodi, présidente de l’Assemblée nationale vient de faire étalage de ses talents de griotte. Elle s’est illustrée mardi dernier à l’occasion de l’ouverture de la première session ordinaire de l’année 2019. Un discours digne d’un député « nommé » à l’issue d’élections frauduleuses.
Pour celle qui occupe depuis janvier 2019 le poste de présidente de l’Assemblée nationale, l’occasion s’y prêtait à merveille pour encenser Faure Gnassingbé. Ce dernier ayant obtenu, contre l’avis de tous, la tenue des élections législatives le 20 décembre 2018. «Comment ne pas profiter de cette tribune pour rendre un vibrant hommage au Président de la République, S.E.M Faure Essozimna Gnassingbé, dont le charisme et le sens élevé de l’Etat ont été déterminants dans l’organisation de ces législatives », a déclaré Tsègan Yawa Djigbodi.
Et tout le discours a été dans le même tempo, présenter Faure Gnassingbé et son régime dictatorial comme une démocratie plus avancée que celles de l’Occident. Alors qu’on nous sert tous les jours la séparation des pouvoirs, la présidente de l’Assemblée nationale a presque forcé ses collègues députés à s’aligner derrière le gouvernement en estimant que l’actuelle législature a l’impérieuse mission de voter les textes nécessaires à la mise en œuvre du Plan national de développement (PND). «Elle (l’Assemblée nationale, Ndlr) participera à l’initiative de vulgarisation et d’appropriation du PND par les concitoyens », a-t-elle déclaré avant de promettre à la classe politique l’accompagnement des députés.
Si le Togo était une vraie démocratie où la séparation des pouvoirs est une réalité, la cheffe du pouvoir législatif ne devrait pas laisser carte blanche au gouvernement. Le pouvoir législatif, dit-on, contrôle l’action de l’exécutif, il ne le soutient pas aveuglement comme semble l’ordonner Mme Tsègan Yawa Djigbodi.
En réalité, les propos de la présidente de l’Assemblée nationale traduisent l’amateurisme avec lequel le Togo est gouverné. Ils révèlent que le gouvernement ne maîtrise pas la gestion d’une nation, du moins pas de façon acceptable. Plus inquiétant, ils rappellent à l’opinion que celle qui est au perchoir de la 6ème législature n’est pas la représentante des Togolais, mais celle du pouvoir en place. Et cela se comprend.
Les raisons de cette soumission de la présidente de l’Assemblée nationale au gouvernement est qu’elle ne maitrise pas son rôle. Quand on ne maitrise sa tâche, c’est qu’on ne mérite pas non plus son poste. Dans cette situation, on se transforme en griot pour dire à Faure Gnassingbé ce qu’il aime entendre : de vains compliments. Bien sûr, dame Tsègan n’est pas à sa première. Elle s’était fait remarquer en déclarant que Faure Gnassingbé en avait encore pour longtemps, allusion faite au débat sur la limitation à deux du mandat présidentiel.
La honte, c’est que la séance ne se passait pas à huis clos, ni en l’absence des médias. Au contraire, une délégation de parlementaires européens et africains était présente dans la salle.
G.A.
source : Liberté