Il y a des signes qui ne trompent pas.
Lorsqu’en 2025, à l’heure où la planète parle d’inclusion, de justice et de solidarité, des délégations africaines se voient refuser le visa pour participer au Sommet mondial sur l’Économie Sociale et Solidaire (ESS), cela révèle une fracture plus profonde : celle d’un monde qui parle d’équité, mais pratique encore l’exclusion.
Ce sommet devait être un moment d’ouverture, un espace où les peuples redéfinissent ensemble les contours d’un modèle économique plus humain.
Mais comment construire une économie solidaire quand les frontières de la solidarité s’arrêtent aux portes des consulats ?
Un déni de respect et de réciprocité
Les pays africains, souvent présentés comme « partenaires stratégiques », continuent d’être traités en candidats à la bienveillance, soumis à la suspicion diplomatique et à la lenteur administrative.
Or, aucune délégation ne devrait être empêchée de porter la voix de son pays dans un forum mondial censé célébrer la coopération.
C’est une question de dignité, pas de faveur.
Le refus ou le retard injustifié dans la délivrance des visas ne relève pas de la simple bureaucratie.
C’est un symptôme d’un déséquilibre structurel, où certains États s’érigent en gardiens du monde et d’autres en quémandeurs d’accès.
Une incohérence d’autant plus inacceptable que ces mêmes États abritent parfois le siège d’organisations internationales censées défendre les principes de l’égalité et du dialogue global.
L’Afrique n’est pas une invitée, elle est une actrice
L’Afrique n’est pas en marge de l’économie sociale et solidaire.
Elle en est le berceau vivant : les tontines, les coopératives rurales, les mutuelles communautaires et les associations locales en sont les fondements ancestraux.
Empêcher ses représentants d’y participer, c’est nier une partie de la mémoire universelle du développement solidaire.
Comme le rappelait Thomas Sankara,
« La liberté ne se mendie pas, elle se conquiert. »
Le respect non plus ne s’octroie pas : il s’impose, par la cohérence et la fermeté.
Corriger cette incohérence : un impératif moral et politique
Il est urgent de corriger cette incohérence diplomatique.
Le visa ne doit plus être un instrument de hiérarchisation entre nations, mais un outil de facilitation pour la coopération internationale.
Les États africains, à travers leurs gouvernements, institutions et réseaux citoyens, doivent exiger un traitement équitable, fondé sur la réciprocité et le respect mutuel.
Car, comme le disait Cheikh Anta Diop,
« Un peuple qui ne s’impose pas le respect ne saurait l’attendre des autres. »
L’Afrique doit parler d’une seule voix pour dire basta à ces pratiques avilissantes qui contredisent l’esprit même des forums internationaux.
Il est temps de passer de la diplomatie de la complaisance à la diplomatie de la dignité.
Alioune Cheikh Anta Sankara NDIAYE
Écrivain – Expert en développement international
Correspondant de Continent Media au Sénégal