C’est une situation récurrente : les conflits entre agriculteurs et éleveurs, qui finissent souvent dans le sang. Une situation effrayante face à laquelle de la réglementation de la transhumance, le Général Yark Damehame, afin d’y trouver des solutions durables, a échangé le mardi 18 mars 2025 à Vogan avec les autorités locales, les forces de l’ordre et de la sécurité, les chefs traditionnels et des communautés d’éleveurs et d’agriculteurs. Mais en réalité, ce comité risque de ne servir à grand-chose. La cause réelle des conflits entre les éleveurs et les agriculteurs étant ailleurs. Un problème que les autorités togolaises font semblant de ne pas connaître, étant certaines elles-mêmes les protagonistes.
Mardi dernier à Vogan, l’objectif de la rencontre entre le ministre en charge de la réglementation de la transhumance et les autorités locales, était de préserver la paix et prévenir les conflits liés à la transhumance. A l’occasion, un comité interministériel communautaire de concertation pour une transhumance apaisée a été mis en place.
La proie pour l’ombre…
Cette structure agira comme médiateur local en favorisant la communication et l’anticipation des différends entre communautés, explique-t-on. « Le respect mutuel et l’application stricte des lois sont les piliers d’une cohabitation pacifique entre agriculteurs et éleveurs », a déclaré le Général Yark Damehame.
En grand communicateur, le Ministre d’État s’est rendu au chevet d’un agriculteur blessé lors d’une altercation récente avec un bouvier à Vogan. « Ce geste symbolique souligne la volonté de l’État de placer l’humain au cœur de sa politique de gestion des conflits liés à la transhumance », commentent certains analystes. En matière de diversion, on peut faire mieux. En effet, dans la gestion des conflits, le gouvernement laisse la proie pour l’ombre. Il y a une fixation sur la transhumance alors qu’elle est loin d’être la principale cause des conflits entre les bouviers et les agriculteurs.
Au Togo, pour expliquer les conflits entre bouviers et agriculteurs, plusieurs causes majeures sont évoquées, comme le non-respect des réglementations sur les pâturages, l’entrée précoce des animaux dans les champs après la récolte, le dépôt illégal d’appâts empoisonnés, le recours à la violence pour régler les différends. Mais le vrai problème dans le pays reste la divagation en désordre du bétail, conséquence de l’élevage sans aucun contrôle dans de nombreuses localités.
L’élevage incontrôlé des bœufs au cœur du problème
Souvent pointée du doigt comme principale source de conflits entre les Peuls et les paysans, la transhumance ou la mobilité du bétail, constitue, certes, une pratique à surveiller, mais il est loin d’être le premier souci des agriculteurs. En effet, certains Togolais, en majorité dans le cercle du pouvoir, ont trouvé dans le pastoralisme, une bonne affaire.
L’activité rapporte des millions de FCFA. A titre d’exemple, en 2022, les bénéfices des activités pastorales à Anié 1 étaient évalués à 225 millions FCFA, alors qu’ils sont de l’ordre de 432 millions FCFA dans le Haho 1 et d’1 million FCFA dans l’Est-Mono 1. « Le pastoralisme est bénéfique pour l’économie nationale », se défend Alidou Alassani, Président de la filière bétail et viande du Togo.
Pour des personnes impliquées dans des affaires de détournement de fonds publics, l’élevage des bovins est aussi un bon moyen pour faire du blanchiment. « Dans la grande majorité des cas, les fonds issus de la corruption circulent en espèces pour alimenter directement les dépenses du train de vie, les acquisitions de biens immobiliers et autres activités », souligne le Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest (GIABA) dans un rapport.
« Depuis quelque temps, nous constatons l’envahissement des milliardaires et de hauts cadres qui n’ont rien à avoir avec l’élevage. Cela devient de plus en plus récurrent », affirme un éleveur. Ces dernières années, le secteur attire donc de nombreux riches dont certains n’ont que pour préoccupation le déversement de l’argent sale dans le circuit normal. Et l’un des moyens en vogue en dehors de l’immobilier est l’élevage. C’est ainsi qu’on assiste à une augmentation de l’élevage sauvage de bovins. Et c’est là le vrai problème contre lequel les autorités doivent prendre des mesures idoines.
Mais comme toujours, le gouvernement, plus préoccupé à protéger ses apparatchiks, que les pauvres populations, en l’occurrence les agriculteurs, préfèrent pointer le curseur du problème ailleurs. Des éleveurs qui travaillent pour les apparatchiks se sentent donc tout-puissants face aux agriculteurs démunis. Ils n’hésitent pas à faire preuve d’une violence inouïe. Main coupée, bras coupé, tentative d’assassinat, des coups de coup, ces dernières années, les agriculteurs font face à un déchainement de violence. Les auteurs, qui ne sont que des employés des hauts placés du régime, bénéficient d’une impunité indicible qui les encourage à continuer à user de la violence face aux agriculteurs qui ne cherchent qu’à protéger leur culture.
Lemy Egblongbéli
Source : LeCorrecteur