Par Rodrigue Ahego
La Constitution, ossature fondamentale d’un État de droit, est une moi fondamentale qui fait appel à un serment pour sa défense, sa protection et sa promotion. Elle revêt d’une importance capitale et d’une sacralité qui lui confère un statut particulier. Dans le parcours d’un État qui se respecte, certaines réalités nécessitent une réadaptation à travers des amendements responsables. La révision de la Constitution devient donc une nécessité pour refléter une volonté de progrès. A l’inverse, la révision de la Constitution est purement l’expression d’une volonté de confiscation du pouvoir.
Dans l’histoire sociopolitique de l’Afrique occidentale, deux logiques s’affrontent : d’un côté, les révisions constitutionnelles motivées par l’intérêt général et, de l’autre, celles menées pour pérenniser un régime et conserver le pouvoir au mépris de la volonté populaire. Les pays d’expression anglophones de l’Afrique de l’ouest se distinguent par le premier cas, procurant à leur pays des chances et opportunités de se développer, tandis que ceux francophones excellent dans le second, à l’exception peut-être du Bénin qui semblent traverser une zone de turbulences, une situation motivée par des incompréhensions et des calculs politiques, politiciens, la recherche d’intérêt personnel et partisan.
Réviser une Constitution pour l’intérêt général : fondements légitimes
Une révision constitutionnelle est saine et justifiée lorsqu’elle est de nature à renforcer les droits fondamentaux (égalité, justice, accès aux services sociaux), à améliorer la gouvernance démocratique (séparation des pouvoirs, transparence, indépendance des institutions), à répondre à des évolutions sociales et politiques (démographie, environnement, sécurité), à respecter les principes démocratiques établis par les normes internationales, notamment la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (UA), le Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Ces révisions doivent être transparentes, participatives, et validées par référendum ou par des institutions représentatives réellement légitimes.
La révision anticonstitutionnelle pour se maintenir au pouvoir : une dérive autocratique
Quand une révision vise à supprimer la limitation des mandats présidentiels, instaurer un régime parlementaire sans garde-fous, neutraliser les contre-pouvoirs, empêcher l’alternance, elle devient un coup d’État constitutionnel, conformément à la définition adoptée par l’Union Africaine (UA) au coup d’Etat, interdisant toute accession au pouvoir par des moyens non démocratiques.
La curiosité togolaise : entre déni démocratique et confiscation du pouvoir
La dernière révision constitutionnelle au Togo en avril 2024, adoptée par voie parlementaire sans référendum populaire, a instauré un régime parlementaire bâtard, avec un cumul d’incongruités où :
– le Président dit du Conseil des ministres, véritable chef de l’exécutif, est élu par une majorité parlementaire contrôlée par le régime au pouvoir (RPT/UNIR), sans légitimité populaire directe;
– le Président de la République, réduit à une fonction cérémoniale, est désigné par l’Assemblée nationale;
– les élections présidentielles au suffrage universel sont supprimées, retirant au peuple le droit de choisir son chef d’État;
– aucun mécanisme de transition démocratique n’est prévu pour assurer une alternance apaisée.
Incongruités majeures :
– absence de consultation populaire, malgré l’importance du changement de régime;
– exclusion de l’opposition et de la société civile du processus;
– rétroactivité implicite pour permettre au président en place de revenir au pouvoir sous un nouveau format;
– contradiction avec la Charte africaine qui condamne toute modification constitutionnelle destinée à se maintenir indéfiniment au pouvoir…
Risques d’instabilité et d’illégitimité
– Déni du droit fondamental à la participation (article 21 de la Déclaration universelle des droits de l’homme);
– Perte de confiance dans les institutions;
– Risque de troubles sociaux;
– Isolement diplomatique du pays (ici, il convient de préciser que tout semble se faire avec la complicité et le soutien de ma Communauté internationale qui s’acharne à sanctionner les coups d’Etat militaires, et promouvoir les coups d’Etat Constitutionnels, par son inaction et son mutisme. D’où la curiosité togolaise. Personne n’ose en parler. On préfère dénoncer ce qui se passe dans les autres pays, et au même moment, se taire sur ce qui se passe d’une extrême gravité au Togo).
Appel au retour à l’ordre constitutionnel
Face à cette régression démocratique, il est urgent d’annuler la réforme inique, illégitime et inopportune actuelle et convoquer des assises nationales sincères et inclusives, non dans le but de maintenir Faure Gnassingbé et son régime au pour, mais plutôt s’asseoir une transition pour instaurer des bases démocratiques solides et une alternance pacifique réparatrice.
Il est urgent de restaurer les élections présidentielles au suffrage universel direct, de respecter la limitation des mandats comme garantie de l’alternance démocratique, de ressusciter la Constitution voter par le peuple en 1992 et la conformer aux instruments juridiques régionaux et internationaux.
Appel à la responsabilité nationale et internationale
Aux forces démocratiques togolaises : Unissez-vous pour restaurer la souveraineté populaire.
A la CEDEAO et à l’Union Africaine : Ne restez pas complices du recul démocratique ; appliquez les sanctions prévues et accompagner le Togo dans un processus démocratique garantissant l’alternance et le changement pour lequel le peuple togolais continue de se battre.
A la communauté internationale : Soutenez la lutte pacifique du peuple togolais pour un avenir démocratique.
En toute chose, il faut considérer la fin. Gouverner, ce n’est pas s’éterniser au pouvoir, c’est servir et non se servir; Gouverner, ce n’est pas s’éterniser au pouvoir, c’est rendre compte et partir avec dignité. Le Togo mérite mieux que l’impunité institutionnalisée.
Le retour à l’ordre constitutionnel est une exigence de justice, de paix et de dignité pour le peuple.
Tous ceux qui pensent le contraire sont complices des crimes sociopolitiques et économiques sur lesquels repose la conservation et l’usurpation du pouvoir.

















