Dodji Nettey Koumou l’avait promis, il honore sa parole. Dans une « étude portant sur 18 ans de gouvernance économique » (titre du document dont la Rédaction du site Le Tabloïd a reçu copie), la Coalition Lidaw qu’il préside analyse les allocations budgétaires octroyées à une douzaine de ministères sur la période 2009-2023, les destinations de ces ressources et les projets et initiatives que ces départements ont portés. « L’objectif est d’informer le contribuable togolais sur les affectations de ces ressources et la manière dont elles ont été utilisées. Il s’agit, in fine, de laisser les lecteurs porter leur jugement sur la nature de la gestion du Togo par les gouvernants actuels », motive le regroupement d’organisations de la société civile.
« L’étude de la gouvernance économique que nous avons menée par le prisme des allocations budgétaires nous a permis de mettre en lumière la dispersion inutile des ressources de l’Etat qui a été orchestrée sur la période 2009 – 2022, par la création opportune sans aucune pertinence opérationnelle inscrite dans la durée, de départements ministériels pour des intérêts obscurs. Cette étude nous a également permis de découvrir des investissements opérés par le biais de ressources inappropriées à des fins purement propagandistes et politiques. L’étude nous a en outre révélé que les gouvernants n’arrivent pas à identifier, en dehors de toute connotation politique et régionaliste, les secteurs à même de porter la croissance et de créer des ressources supplémentaires. D’où l’insuffisance de ressources constatée au niveau des départements ministériels capables de porter la croissance dans la durée (ministère de l’Enseignement technique). En revanche, on note une abondance de ressources au profit de départements ministériels dont le rôle est de faire de la publicité politique et d’aider à la conservation du pouvoir (Secrétariat d’Etat à la Jeunesse et à l’Emploi – Ministère du désenclavement) », rapporte le document.
Dans cette première partie, la Coalition Lidaw se focalise sur la gestion du ministère du Développement à la base (MDB), de loin le département ministériel ayant enregistré la plus forte Progression moyenne annuelle (PMA) d’allocation budgétaire. A en croire le rapport de cette étude, « le total des allocations budgétaires dont a bénéficié le MDB, entre 2009 et 2023, est estimé à environ 234 765 033 000 FCFA. La dotation budgétaire prévue sur le budget initial de l’exercice 2023 est estimée à 28,45 milliards de FCFA, contre 18,49 milliards de FCFA en 2022, et 14,90 milliards de FCFA en 2021. Le budget enregistre ainsi une hausse de + 53,87% en 2023 par rapport à 2022, contre une augmentation de + 24,06% en 2022 par rapport à 2021. La moyenne annuelle des allocations budgétaires du MDB est estimée à fin 2023, à 15,65 milliards de FCFA, contre 14,736 milliards de FCFA en 2022. La variabilité autour de cette moyenne est estimée à 9,40 milliards de FCFA, soit 60,11%. Sur les 15 dernières années, le MDB a enregistré la plus forte Progression moyenne annuelle (PMA) de tous les départements ministériels, estimée à la fin de 2023 à + 58.34%. Les allocations budgétaires du MDB ont enregistré une progression globale entre 2009 et 2023, de 62 289% ».
Dans son analyse, Lidaw aborde l’évolution des allocations budgétaires de ce ministère géré durant une quinzaine d’années par l’actuelle Premier ministre Mme Victoire Tomegah-Dogbe et depuis 2020 par Mme Myriam Dossou-d’Almeida, analyse vingt et un (21) des nombreux projets initiés et mis en œuvre, met les phares sur le projet Volontariat des jeunes, le Projet d’appui au développement à la base (PRADEB), le Projet de développement communautaire et filets sociaux PDC Plus, le Fonds pour la promotion de la microfinance, le Projet de développement des filets sociaux et des services de base, etc. Et comme on devrait le redouter, l’appréciation ou plutôt la sentence de Lidaw n’est pas méliorative. «Le Ministère du Développement à la Base (MDB) est – il un instrument politique de l’Union pour la République (UNIR), parti au pouvoir, ou un outil de lutte contre la pauvreté au Togo ? », se demande la coalition après cette étude. Une interrogation qui cache en réalité une affirmation de la première hypothèse.
« Il apparait dans l’étude que nous avons menée qu’un tel ministère aurait pu simplement figurer, si besoin en était, en tant que Direction sous le ministère de l’Action sociale ou sous celui de l’Administration territoriale. En effet, compte tenu des projets qui y sont initiés, dont la majorité répond à des besoins sociaux et de lutte contre des poches de pauvreté, l’optimisation des ressources déployées et l’efficacité recherchée dans l’implémentation desdits projets se trouveraient davantage renforcées sous la conduite d’une direction sous le ministère de l’Action sociale. D’un autre côté, les cibles destinataires des projets initiés pendant quatorze années indiquent que sous une direction placée au ministère de l’Administration territoriale, avec le renforcement du rôle des autorités traditionnelles qui connaissent mieux le pays que quiconque, les capitaux déployés auraient permis d’atteindre de façon significative les objectifs prédéfinis en matière de réduction de la pauvreté. Hélas, cela n’est pas le cas pour l’instant dans l’organisation gouvernementale choisie par les plus hautes autorités de l’Etat togolais », regrette le regroupement de la société civile.
Pour Dodji Nettey Koumou et les siens, «l’insistance des gouvernants togolais sur ce concept (Développement à la base, Ndlr) devenu, ces dernières années, la pierre angulaire des politiques de lutte contre la pauvreté, en injectant des milliards de FCFA provenant de la dette et des ressources budgétaires, a été une perte de temps, de ressources financières et d’énergie. Le concept de développement à la base tel que pensé au Togo, s’est trompé de type de pays, de modèle de financement et de modèle d’implémentation (…) Le concept de développement à la base tel qu’il est implémenté au Togo, répond plus à des besoins de pays aux portes de l’émergence, émergés ou industrialisés, où ces projets servent à aider des sans abri ou des citoyens à la recherche d’emploi, dans un environnement macroéconomique propice et favorable à toute initiative privée (…) Enfin, le modèle d’implémentation utilisé est comparable à un avion sans système de guidage. Les outils de prospection, d’étude et de recherche appliquée qui auraient dû être mis en place en amont du programme, ne l’ont pas été. D’où l’absence de contrôle, de mesure et d’évaluation de l’impact des projets initiés, sur les conditions de vie des populations », conclut la coalition Lidaw.
Au sein de ce regroupement de la société civile, on croit dur comme fer que « le resserrement des départements ministériels à vingt ministères devrait conduire à la disparition du Ministère de Développement à la Base. Le programme d’assistance aux populations vulnérables peut être implémenté sous une Direction placée sous la supervision du Ministère des actions sociales. En plus, une modification du modèle de financement et du modèle d’implémentation de ce genre de programme doit voir le jour ».
Avec le Tabloid