Réuni en Conseil des ministres, la semaine dernière, le gouvernement togolais a pris deux ordonnances balisant la voie à la création d’un sénat et d’une Assemblée nationale selon les dispositions de la constitution contestée de la 5ème République. Alors que la situation économique du pays inquiète de plus en plus et que la majorité des Togolais tirent le diable par la queue, l’exécutif qui rechigne à prendre des mesures sociales de grande ampleur, se concentre son agenda politique.
Dans un pays où tout ou presque va mal, les dirigeants sachant que leur avenir est lié à celui de leur peuple, mettrait tout en œuvre pour trouver les solutions idoines. Ainsi, le soulagement de leur population serait leur priorité absolue. Mais dans un Etat où les populations sont abandonnées à leur triste sort, la politique planifiée pour se maintenir au pouvoir passe avant tout. C’est le cas Togo. Pendant que nombre de nos concitoyens crient leur détresse face à la vie chère conséquente à une politique économique illisible, le gouvernement fait la sourde oreille et se montre plus préoccupé par les résultats de ses calculs politiques.
Sénat, chambre de recasement
En effet, le mardi 05 novembre 2024 le gouvernement togolais a pris des ordonnances qui posent les bases du futur sénat. La première concerne le sénat et la seconde l’Assemblée nationale. Pour ce qui est du sénat, le texte fixe les éléments essentiels pour l’organisation et le fonctionnement de cette institution, notamment le nombre de sénateurs, les indemnités allouées et les conditions d’éligibilité ou de désignation de ses membres. L’ordonnance définit aussi le régime des incompatibilités et les procédures pour pourvoir aux sièges vacants, tout en précisant le statut des anciens sénateurs.
Le Sénat, en tant que deuxième chambre, sera constitué aux deux tiers de ses membres élus par les représentants des collectivités territoriales, tandis qu’un tiers des sénateurs sera nommé par le Président du Conseil des ministres (PCM). D’après le communiqué officiel du Conseil des ministres, cette démarche gouvernementale de révision de la loi organique de 2003 s’impose pour prendre en compte les nouvelles missions du Sénat, dans le cadre des institutions de la Vème République. « En vue de prendre en compte les nouvelles attributions du Sénat, il y a lieu de réviser la loi organique de 2003 en prenant la présente ordonnance, conformément à l’article 98 de la Constitution qui prévoit que la mise en place des institutions de la Vème République est faite par voie d’ordonnance », a précisé le gouvernement togolais indiquant que le texte a été adopté après « l’avis favorable de la Cour Constitutionnelle ».
Alors que dans nombre de pays africains, des débats s’intensifient sur l’opportunité du sénat et d’autres le supprime, le gouvernement togolais s’apprête donc à créer une institution dont l’utilité a été toujours remise en cause. Considéré comme budgétivore , certains pays comme le Sénégal l’ont donc supprimé pour diriger les ressources allouées à cette « une institution inutile qui ne sert qu’à recaser du personnel politique », à des impératives sociales.
Dans nombre de pays, le sénat n’est qu’une maison de retraite sans véritable enjeu politique. Les ministres débarqués du gouvernement, les ambassadeurs en fin de parcours ou les hommes d’affaires qui veulent l’intégrer ont en tête les avantages qui vont avec la fonction. Difficile de croire qu’au Togo, cette institution jouera un rôle majeur dans la gouvernance aussi bien politique, sociale et économique. La création de cette institution ne saurait avoir d’autres choses que des visées de recasement des affidés du régime pour une retraite dorée.
Tout manque
Dans un pays sous perfusion permanente du FMI et de la Banque mondiale, la création du sénat laisse nombre d’observateurs avisés perplexe. Sachant que les fortes sommes que le gouvernement togolais consacrera chaque année aussi bien pour le fonctionnement que pour payer les avantages des sénateurs pourraient servir à trouver des solutions à d’autres problèmes pour soulager les populations en état de détresse.
En effet, depuis plusieurs années, le gouvernement togolais éprouve toutes les difficultés du monde à répondre aux besoins sociaux. Des établissements scolaires pataugent dans le délabrement pendant que les hôpitaux crient au secours. Des infrastructures au personnel soignant en passant par des médicaments et le matériel, tout manque dans les hôpitaux publics. Devant certains cas, les médecins doivent faire preuve d’une grande ingéniosité et des manœuvres inimaginables pour redonner du sourire à des patients.
Dans un contexte économique de plus en plus exsangue, nombre de Togolais ne savent plus à quel saint se vouer. La vulnérabilité se propage comme une épidémie atteignant des personnes qui se croyaient à l’abri du besoin. Les populations, soumises à rude épreuve, ont d’énormes difficultés pour subvenir à leurs besoins alimentaires. Aujourd’hui, certains Togolais ont beaucoup de mal ne se reste que pour trouver un repas par jour. Le constat est limpide. Les populations sont dans le dénuement.
Le sort de ces populations ne préoccupe guère le gouvernement de Faure Gnassingbé qui s’attèle à son agenda politique truffé d’incertitudes, laissant les populations supporter les conséquences de l’échec des plans d’émergence sans vision et des visions sans émergence. Le symbole de cet échec cuisant est la coupure intempestive du courant électrique devenue monnaie courante au Togo. Le pays n’arrive plus à honorer ses engagements auprès du Nigeria l’un de ses fournisseurs. Il y a quelques semaines, les autorités nigérianes ont publiquement menacé de couper l’électricité au Togo. Mais, visiblement, pour le régime togolais, son maintien au pouvoir passe avant tout.
Lemy Egblongbéli
Source : Le Correcteur