Dans les rues animées de Lomé, il est devenu courant de croiser des vendeurs ambulants venus d’ailleurs, notamment du Niger, proposant feuilles de bissap, noix de coco ou pastèques. Ce commerce, autrefois domaine réservé aux bonnes dames togolaises, est aujourd’hui marqué par une forte présence étrangère.
Si cette nouvelle dynamique illustre la vitalité du marché sous-régional, elle suscite aussi des inquiétudes sociales et économiques. Beaucoup de femmes commerçantes locales, déjà fragiles face à la cherté de la vie, voient leur clientèle s’amenuiser.
Ami, vendeuse de légumes au grand marché : « Je ne suis pas contre les étrangers, on vit ensemble depuis toujours. Mais ce qui nous fatigue, c’est que certains vendent à des prix tellement bas qu’on ne peut pas suivre. Nous, on paie les taxes, on paie le comptoir. À la fin de la journée, il ne nous reste presque rien. Alors qu’eux ne paient presque pas ces taxes ».
Les prix cassés pratiqués par certains vendeurs étrangers, souvent installés sans autorisation officielle, fragilisent davantage le petit commerce local.
« Avant, avec la vente de pastèques, j’arrivais à nourrir mes enfants. Maintenant, je peux passer des heures sans vendre. Quand les autorités viennent chasser les vendeurs non autorisés, le lendemain ils reviennent encore. Nous, on ne demande pas qu’on les chasse, seulement que tout le monde respecte les mêmes règles », renchérit M. Kafui, revendeuse de fruits depuis quinze ans.
Et A. Mawussi, vendeuse de bissap d’ajouter : « On sent que le marché a changé. Les jeunes étrangers sont rapides, ils circulent partout, même là où nous, on n’a pas le droit d’être. Si rien n’est fait, beaucoup de femmes vont abandonner le commerce. Et nous, on vit de ça. »
Face à ce phénomène, des voix s’élèvent pour réclamer une meilleure régulation. Certains citent l’exemple de la Tanzanie, qui a récemment interdit l’exercice de certains petits commerces aux étrangers, afin de protéger ses acteurs économiques nationaux.
Une mesure controversée, certes, mais saluée par ceux qui y voient une façon de préserver l’équilibre social et de garantir aux citoyens des sources de revenus stables.
De leur côté, ces commerçants étrangers ont aussi leur raison. « Beaucoup d’entre nous ne connaissent pas toutes les règles. On se débrouille comme on peut. Si la mairie nous expliquait mieux comment faire pour avoir une autorisation, on serait prêts à respecter les procédures. On veut juste gagner notre vie en paix », indique Saliou Abdou, revendeur de pastèques.
Pour Issa, vendeur nigérien de noix de coco, il n’est pas question de faire mal aux commerçants togolais. « Je suis venu à Lomé pour chercher du travail. Ici, je vends pour envoyer un peu d’argent à ma famille. Je sais que certains commerçants ne sont pas contents, mais je ne veux pas leur prendre leur travail, seulement survivre ».
Salif, vendeur de bissap, de se défendre : « Les clients cherchent le prix bas. Nous aussi, on achète cher au marché, donc parfois on est obligé de réduire nos bénéfices. Ce n’est pas pour nuire aux Togolais, c’est parce qu’on n’a pas d’autre solution ».
À Lomé, la question reste ouverte : comment concilier ouverture économique et protection des emplois locaux, sans basculer dans la xénophobie ?
Le défi est de taille pour les autorités, appelées à trouver un juste milieu entre intégration régionale et justice sociale.
« La cohabitation n’est pas impossible, mais elle doit être organisée. Tant qu’il n’y aura pas un cadre clair, les tensions vont continuer. Il faut protéger les commerçantes locales sans empêcher ceux qui viennent de la sous-région de gagner leur vie », confie Kossi Adjaho, gestionnaire d’un espace de vente à Lomé.
Source: lalaternative.info















