Un vent de licenciement pour motifs économiques souffle sur Sunu Bank Togo actuellement mal en point. Cette institution financière qui a été victime de la gabegie, du vol et du pillage par ses responsables respectifs n’arrive visiblement plus à tenir. Mais les responsables actuels semblent occulter cette gestion chaotique et évoquent une perte de rentabilité financière systématique et l’urgence des mesures internes de restructuration pour assurer la survie de l’institution. Ce qui impose, selon eux, un plan de réorganisation et de réduction d’effectif.
Les responsables de la banque, le Syndicat des Employés et Cadres des Banques, des Etablissements Financiers et des Assurances du Togo (SYNBANK) et les délégués du personnel sont actuellement à couteau tiré sur cette décision jugée surprenante.
Pour les premiers, SUNU Bank Togo née de la prise de participation majoritaire du Groupe SUNU dans le capital de la Banque Populaire pour l’Epargne et le Crédit (BPEC) en 2017 sur invitation des fonds d’investissement Cauris Capital et Africa lnvest, a hérité d’un environnement interne complexe et d’un personnel relativement ancien.
Et « malgré les investissements financiers (recapitalisation) et des efforts importants de modernisation, les résultats tardent à se concrétiser », selon eux.
« En dépit des efforts entrepris, sur les années 2018 à 2023, les charges d’exploitation sont demeurées élevées, comme en témoigne le coefficient d’exploitation qui s’est maintenu dans des proportions dépassant largement les 90% (contre un niveau de bonne pratique dans le secteur de 50 à 60%). L’analyse du coefficient d’exploitation montre clairement le poids et l’importance des charges générales d’exploitation dont la masse salariale. Ceci impacte sérieusernent la rentabilité et le positionnement de SUNU Bank sur le marché assez concurrentiel ces dernières années au Togo et dans la sous-région », lit-on dans une lettre de transmission envoyée au syndicat.
La direction de la banque propose donc une nouvelle organisation qui va de la réorganisation de certaines activités, du redimensionnement du Réseau avec la fermeture de sept (07) agences et cash-points non rentables, de l’optimisation des activités non bancaires, de la suppression de certains postes à la création de nouvelles unités, la fusion de certaines unités et la redistribution des effectifs.
En outre, les responsables de l’institution financière brandissent des pratiques de rémunération non conformes aux dispositions réglementaires, notamment le système d’avancement catégoriel, le traitement de la jouissance et des allocations de congés payés, … les avantages, primes, allocations et autres indument payés dans la pratique en interne (prime de caisse, la gestion et la rémunération des heures supplémentaires et des astreintes, le treizième mois payé au brut, … ), le système d’évaluation qui n’est pas objectif et qui n’est pas orienté vers la performance, la politique de crédit au personnel et aux retraités (taux, quotité, … ) qui sont, selon eux, des éléments factuels qui impactent négativement la masse salariale.
Cependant, ces arguments avancés par la direction générale de la banque ne convainquent pas le Synbank et les délégués du personnel qui indiquent que les difficultés que rencontre la banque proviennent plutôt de la mauvaise gestion qu’ils imputent à la Direction Générale.
Sunu Bank, une gabegie érigée en mode de gestion
Pour comprendre ce qui se passe dans cette institution financière qui est à bout de souffle aujourd’hui, il faut remonter à sa privatisation en 2018, depuis qu’elle était appelée la Caisse d’Epargne du Togo (CET) et les différentes gestions faites par ses dirigeants, plutôt préoccupés par le bien-être de leurs poches et celles de leurs proches, que par la bonne santé de la société.

En effet, lorsque cette caisse d’épargne devait être transformée en banque, elle était mise sous administration provisoire, conduite par Abissi Tagba jusqu’à ce qu’elle ne devienne la Banque populaire d’épargne et de crédit (BPEC) SA, après avoir obtenu l’agrément de la Commission bancaire en 2007. De l’administrateur provisoire, Tagba était devenu Directeur générale de la nouvelle banque, avec un capital social de 6 milliards de FCFA.
Fonctionnaire de la BCEAO avant de prendre la BPEC, Abissi Tagba a entouré l’institution d’une gestion opaque, avalisant tout d’abord les traites d’une société qui l’a fait couler quelques années après. La BPEC a donc été replongée dans le cauchemar de la Caisse d’épargne avec un capital qui avait presque disparu.
La situation délétère que vivait la BPEC a plutôt attisé l’appétit de Sunu Group qui a réussi à convaincre les autorités togolaises qui ont fini par privatiser cette institution financière publique devenue Sunu Bank. « Des informateurs nous avaient indiqué que ce groupe n’est pas sérieux et qu’il ne fallait pas l’autoriser à rentrer dans le capital de BPEC », confie une source proche du syndicat.
Les responsables ont prélevé 12,5 milliards de FCFA de la BPEC devenue Sunu Bank qu’ils ont logé à la BTD dans un compte DAT (Dépôt à terme) pour générer des intérêts. Or dans le jargon de la banque, quand on dit capital souscrit, c’est que les fonds doivent être libérés. Il a fallu que les délégués se battent pour que les fonds soient ramenés sur le compte de la banque au niveau de la BCEAO.
« Vous ne pouvez pas prétendre que vous avez souscrit à la participation d’un capital social, mais prendre les fonds que vous allez placer dans un compte qui est à votre nom pour générer des intérêts à votre avantage. Au même moment, la banque était en train de souffrir pour avoir des fonds et faire ses activités convenablement », raconte la source.
Pendant ce temps, Africa Invest avait aussi injecté 2,5 milliards dans le capital de la banque, ce qui faisait au total 14 milliards de FCFA. Ils ont ensuite procédé à d’autres magouilles pour trouver 5,5 milliards auprès de leur société d’assurance (Sunu Assurance) pour mettre dans le capital de la banque.
Entre temps, les nouveaux propriétaires ont vendu l’immeuble qui appartenait à la BPEC, donc à l’Etat togolais, à la banque qu’ils ont eux-mêmes racheté. Le coût de cette transaction était estimé à 5,5 milliards alors que l’immeuble était évalué avant leur arrivée à 9,7 milliards de FCFA. Ils ont ensuite soumis la banque à payer 40 millions de loyer par mois aux nouveaux propriétaires de l’immeuble qui se trouvent être eux-mêmes, pendant 28 mois.
Dans la foulée, Abissi Tagba et quatre autres cadres de la banque ont été renvoyés par la suite pour malversation et mauvaise gestion. On croyait que la banque allait souffler un peu. Mais Ce n’était que le début d’une autre mafia qu’ils ont installée. Ils ont commencé à ne pas respecter les engagements, surtout l’accord tripartite entre les nouveaux dirigeants de la banque, le délégué du personnel et Africa Invest, notamment sur la valorisation du salaire du personnel.
« Ils ont prétendu un audit du personnel dont les résultats étaient devenu un mystère. Ils ont changé à plusieurs reprises les résultats. A la fin, ils ont annoncé que 25% seulement des gens sont compétents, 20% doivent être formés et le reste doit être mis dehors », indique la source.
Les délégués se sont opposés à cette décision. Selon ces derniers, il faut former tous ces gens. Puisque l’objectif de l’audit était de voir ceux qui ne sont pas placés là où ils doivent être. « Quelqu’un qui vient faire le guichet pendant 15 ans, 20 ans, il n’a plus de carrière. La banque c’est un métier, il faut former ces gens, l’ont-ils fait ? Ce n’était pas ce sur quoi nous nous sommes entendus au prime au départ ».
Face à l’opposition des délégués, ils sont revenus deux ans plus tard pour proposer le départ volontaire au personnel. La condition, c’est de remettre 6 mois de salaire à ceux qui accepteraient de partir volontairement. « 6 mois de salaire pour le salaire misérable. Quelqu’un qui a fait peut-être 10 ans, 20 ans, il n’est qu’à 200.000 francs, multiplié par 6, ça fait combien ? Cela fait 1.200.000 et il va prendre ça pour aller faire quoi ? Il n’aura plus de retraite, avec 1.200.000 les impôts vont prendre tout, il va se retrouver avec combien ? Donc les gens n’ont pas accepté et quelques-uns qui ont accepté prendre cela, aujourd’hui ils regrettent, ils sont en train de galérer. On leur a fait de fausses promesses en leur disant qu’ils prendront 5.000.000 chacun pour pouvoir se mettre à leur compte. Ils n’ont jamais vu la couleur de cet argent », dit la source proche du syndicat.
Agbanglanon Myriam Patricia, l’autre plaie de Sunu Bank
Après le départ de Abissi Tagba, une certaine Agbanglanon Myriam Patricia Irene Pascal épouse Adotevi a pris la direction de Sunu Bank. Cette dame a empiré la situation chaotique de la banque. Elle avait commencé par remplacer les cadres de la banque par ses amis et proches avec qui elle était à BGFI Bank au Bénin, et qui sont payés à des dizaines de millions alors que les anciens employés avaient des salaires misérables.
Elle a procédé à de nombreux recrutements, des gens de compétence douteuse qui ont plutôt contribué à la situation dans laquelle se trouve actuellement la banque. Et pourtant, ils touchent des salaires faramineux, mais laissent le travail aux employés qui sont sous-payés.
Selon les délégués, avec cette dame, Agbanglanon Myriam Patricia, c’était de la gabegie totale au sein de la banque. « Sa direction a octroyé des crédits qui ne respectent aucune condition bancaire. Ils ont fait des crédits aux agents de Total Energie Côte d’Ivoire, des crédits immobiliers, on n’a jamais vu ces clients et ces dossiers sont évalués à plus d’un milliard de FCFA. Ils sont allés racheter un crédit à Groupe DEC qui se trouve être béninois dont les comptes étaient trouvés dans les livres de la BAT Niger. Ils ont racheté d’abord un milliard 350 millions de ces encours là-bas, ensuite avalisé sa traite de 2 milliards de francs », confie notre interlocuteur.
La banque a été sommée plus tard de rembourser ces 3 milliards 350 millions, ce qu’elle a fait. « Nous sommes tombés plus tard sur d’autres crédits qu’ils ont fait aux Béninois. Certains ne venaient même pas payer ».
Ils ont ensuite créé des assistances techniques à la banque, notamment des assurances qu’ils facturent à 12 millions de FCFA le mois depuis 2018 qu’ils sont arrivés à la tête de l’institution. Sunu Investment Holding (SIH) fait partie des sociétés d’assistance technique qui facturent (Conf. images) la banque. Sans oublier Digitec. Tout cela pour pomper la banque qui débourse des centaines de millions chaque mois, des fonds qui vont dans les poches des responsables de Sunu Bank.
« C’est un système de pillage installé à la tête de la banque. Entre-temps, bien avant cela, ils faisaient le transfert. Ils ont transféré plus de 8 milliards de FCFA qu’ils ont envoyé vers une destination inconnue. Ce transfert là aussi, la BCEAO nous avait sonné et redressé parce que la direction de notre banque n’a pas respecté les consignes. Puisqu’avant de faire un transfert d’un tel montant, on doit avoir d’abord l’autorisation de la commission bancaire. Ce qu’ils n’ont pas fait. La BCEAO nous a sanctionné, nous avons payé les frais de redressement à des coûts de millions », révèle la source.
Et ils continuent : « Ils ont diminué le capital social. C’est maintenant à 11 milliards, selon ce qu’ils ont annoncé. Dans les 11 milliards, ils disent qu’ils ont prêté 9 milliards à l’Etat du Sénégal et que c’était l’ancien ministre sénégalais de l’Economie qui s’est suicidé qui aurait signé la notification. Mais nulle part, on n’a vu la signature de ce ministre et le compte sur lequel l’argent est parti. Pas de trace de cet argent sur le compte du trésor sénégalais à la BCEAO. En principe si ça va à l’Etat du Sénégal, ça doit passer par la BCEAO et loger dans le compte du trésor du Sénégal à la BCEAO. L’argent est plutôt passé par la BICIS sur un compte qui n’appartient même pas au trésor de l’Etat du Sénégal ».
Agbanglanon Myriam épouse Adotévi et sa clique qui ont mis la banque dans un état végétatif sont encore là à la manœuvre. Personne ne les inquiète. Mais c’est sur les employés payés de manière misérable qu’on jette le dévolu pour des licenciements pour motifs économiques. Ce que les délégués du personnel refusent.
Il est hors de question de faire porter le chapeau de la gabegie, du pillage et autres malversations de la mafia au sein de Sunu Bank Togo aux pauvres employés qui luttent pour redresser cette institution financière.
A suivre.
Source: lalternative.info