Actée en Conseil des ministres le 17 décembre, la transformation de la HAPLUCIA en HATIC est accueillie avec un scepticisme quasi général au sein de l’opinion togolaise. Beaucoup y voient moins une réforme de fond qu’un simple changement de façade, dans un pays où la corruption continue de prospérer malgré les annonces successives.
Au Togo, la lutte contre la corruption ressemble à une longue marche circulaire. On avance en apparence, mais on revient toujours au point de départ. Durant près d’un demi-siècle, les dénominations changent, les sigles se succèdent, les lois et les rapports s’empilent, tandis que la corruption, elle, tel un serpent mêlé au gazon, demeure solidement enracinée dans les pratiques de gouvernance.
De la Commission nationale de lutte contre la corruption et le sabotage économique à la HAPLUCIA, devenue aujourd’hui HATIC, le pays donne l’image d’un État en perpétuelle réforme, sans jamais toucher au nerf du problème.
Or, comme le dit le proverbe, « quand la chaussure est trop petite, ce n’est pas le pied qu’il faut couper ». Le mal ne se situe pas dans l’intitulé de l’institution, mais dans son architecture, ses prérogatives et la volonté politique qui l’accompagne.
La loi n°2015-006 du 28 juillet 2015, portant création de la HAPLUCIA, en dit long sur les limites volontairement imposées à l’organe censé être en première ligne. Le texte ne lui confère ni pouvoirs d’investigation, ni prérogatives de répression.
Autrement dit, l’institution peut observer, sensibiliser, recommander… mais elle ne peut ni enquêter, ni contraindre, ni sanctionner. Une sentinelle sans armes, placée en face d’un fléau organisé, systémique et parfois institutionnalisé.
Dans ces conditions, la mutation de la HAPLUCIA en HATIC relève davantage de la cosmétique institutionnelle que d’une véritable rupture. Changer le nom d’une structure sans lui donner de nouveaux pouvoirs revient à repeindre une maison dont les fondations sont fissurées. Le décor change, la fragilité demeure.
Cette pratique du changement de dénomination comme substitut à la réforme traverse l’histoire récente de plusieurs sociétés d’État au Togo. L’Office togolais des phosphates (OTP), rebaptisé Société nationale des phosphates (SNPT), continue d’évoluer dans un environnement marqué par l’opacité, malgré le caractère stratégique des phosphates pour l’économie nationale.
Les exemples sont légion. Dans ce cas comme dans celui de la lutte contre la corruption, le problème n’est pas le sigle, mais le système.
Les conséquences de cette approche sont visibles dans le quotidien des Togolais. Les scandales de détournements se multiplient, les rapports s’accumulent, mais les poursuites judiciaires demeurent rares, voire inexistantes, lorsque les faits impliquent des acteurs puissants.
La corruption prospère moins par absence de discours que par déficit de volonté politique et impunité persistante. C’est dans ce contexte qu’une assertion attribuée au magistrat Abdoulaye Yaya, président de la Cour suprême, prend tout son sens : « la corruption est le sport favori au Togo après le football ».
Aussi provocatrice soit-elle, cette formule est révélatrice de l’ampleur du phénomène, malgré l’existence depuis des décennies d’organes officiellement dédiés à sa prévention.
La lutte contre la corruption ne peut être crédible sans institutions indépendantes, dotées de moyens juridiques, techniques et financiers réels, capables d’enquêter sans autorisation politique préalable et de transmettre directement leurs dossiers à une justice elle-même affranchie des pressions du pouvoir.
À défaut, toute réforme, y compris celle actée le 17 décembre, restera un simple exercice de communication.
François Bangane
Source: lalternative.info














