Lomé, Togo — Depuis trente-cinq (35) jours, des détenus politiques incarcérés à la prison civile de Lomé mènent une grève de la faim illimitée. Ce mouvement pacifique, né de l’épuisement des voies légales et du refus persistant de justice, se déroule dans un climat d’étouffement, de déni officiel et d’absence quasi totale de suivi médical. Alors que les autorités togolaises continuent de feindre l’ignorance, l’état de santé des grévistes se dégrade de jour en jour, et le silence institutionnel devient une forme de violence supplémentaire.
Une grève de la faim née du refus de l’injustice
La grève de la faim engagée par les détenus politiques de la prison civile de Lomé n’est ni un acte de désespoir aveugle ni une posture médiatique. Elle est le résultat d’années de détention arbitraire, de procédures judiciaires opaques, de procès inéquitables ou inexistants, et d’un système qui prive les prisonniers de toute perspective de justice effective.
À travers ce moyen de lutte non-violent, les grévistes réclament avant tout le respect de leurs droits fondamentaux : le droit à un procès équitable, le droit à des soins médicaux adéquats, et le droit à la dignité humaine. Ils demandent également la libération de tous les prisonniers injustement détenus pour des raisons politiques ou d’opinion.
35 jours sans suivi médical : une situation sanitaire alarmante
Après trente-cinq jours de privation volontaire de nourriture, les conséquences sur le corps humain sont connues et documentées : perte de poids extrême, hypotension, troubles cardiaques, défaillances organiques, risques neurologiques, et affaiblissement généralisé du système immunitaire. Dans un tel contexte, un suivi médical rigoureux et quotidien est une obligation absolue de l’administration pénitentiaire.
Or, selon de multiples témoignages concordants, ce suivi est soit inexistant, soit purement symbolique. Les détenus en grève de la faim ne bénéficient pas d’examens médicaux réguliers, encore moins de soins spécialisés adaptés à leur état critique. Les rares évacuations vers des structures hospitalières sont entravées par des obstacles administratifs, financiers ou arbitraires, laissant certains grévistes totalement livrés à eux-mêmes.
Ce manque de prise en charge médicale constitue une violation manifeste des normes internationales relatives au traitement des détenus, notamment les Règles Mandela des Nations unies, qui imposent un accès équivalent aux soins de santé pour les personnes privées de liberté.
L’étouffement au sein de la prison : une stratégie du silence
Au cœur de cette crise, le rôle de l’administration de la prison civile de Lomé suscite de vives inquiétudes. Plusieurs sources font état d’un climat d’intimidation, de refus systématique de communication, et d’entraves à toute tentative de signalement de la situation vers l’extérieur.
Les courriers adressés par les détenus pour alerter sur leur état de santé ou pour demander un suivi médical adéquat sont parfois ignorés, retardés ou retournés.
Les familles et les soutiens se heurtent à un mur de silence, tandis que les informations filtrant de l’intérieur de la prison restent rares et fragmentaires.
Cet étouffement ne relève pas d’un simple dysfonctionnement administratif : il s’inscrit dans une logique de réduction au silence, où la privation d’information devient un outil de contrôle et de dissuasion.
Le silence du gouvernement togolais
Face à cette situation, le gouvernement togolais adopte une posture de déni. Aucune communication officielle claire n’a été faite sur l’état des grévistes, aucune enquête indépendante n’a été annoncée, et aucune mesure d’urgence n’a été rendue publique pour garantir la protection de la vie des détenus.
Ce silence contraste fortement avec la gravité de la situation. En droit international, l’État demeure pleinement responsable de la vie et de l’intégrité physique des personnes qu’il détient. L’inaction, lorsqu’elle est consciente et prolongée, peut être assimilée à une forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant.
Une détermination intacte malgré l’affaiblissement
Malgré l’épuisement physique, malgré les douleurs, les vertiges et la perte de forces, les grévistes de la faim demeurent fermement déterminés. Leur engagement repose sur une conviction profonde: celle que la dignité humaine ne peut être négociée, et que le silence n’est plus une option.
Ce qui frappe dans les témoignages recueillis, c’est l’extrême lucidité des grévistes. Ils savent les risques encourus. Ils savent que chaque jour supplémentaire rapproche leur corps d’un point de non-retour. Pourtant, ils persistent, non pas par goût du sacrifice, mais parce qu’ils estiment n’avoir plus aucun autre moyen d’être entendus.
La responsabilité de la communauté internationale
Cette crise ne peut être considérée comme une affaire interne relevant exclusivement de la souveraineté nationale. Les violations alléguées des droits humains, le caractère arbitraire des détentions, et les risques imminents pour la vie des grévistes appellent une réaction internationale.
Les mécanismes des Nations unies, notamment les rapporteurs spéciaux et le Groupe de travail sur la détention arbitraire, ainsi que les institutions européennes et africaines de défense des droits humains, ont la responsabilité morale et juridique de se saisir de cette situation.
Le silence international, s’il perdure, deviendra à son tour une forme de complicité passive.
Briser le mur de l’indifférence
À trente-cinq jours de grève de la faim, le temps n’est plus aux déclarations prudentes ni aux observations distantes. Chaque jour qui passe aggrave l’état de santé des détenus et accroît le risque d’une issue irréversible.
Briser le silence, c’est exiger des autorités togolaises la transparence, l’accès immédiat à des soins médicaux indépendants, et la fin des pratiques d’étouffement au sein de la prison civile de Lomé. C’est aussi rappeler que la dignité humaine ne s’éteint pas derrière les barreaux.
Les grévistes de la faim ont fait le choix le plus radical et le plus pacifique qui soit pour réclamer justice : mettre leur propre corps en jeu. Face à ce cri silencieux, le monde ne peut plus détourner le regard.
Collectif Rights & Freedom Network Togo – UK
















