Depuis les années 90 et le vent de l’est, deux courants opposés ont toujours parcouru les rangs du parti au pouvoir. Les partisans de l’extrême, qui considéraient que l’ouverture du pays à la démocratie et à l’opposition était un crime (il fallait tous ies annihiler) et ceux plus rationnels, dont le chef de fil était Eyadema en personne, qui estimaient qu’il y avait du positif dans l’altérité. Je n’ai pas vraiment connu Éyadema mais de ce que je sais, c’est qu’il aimait vraiment que le peuple l’aime. C’était un chef de famille qui s’inquiétait plus du fils prodigue que des enfants sages. Cette attitude paternaliste a fait qu’il a développé, pendant la seconde partie de son règne post démocratie, une certaine fascination, doublés d’un respect évident pour ses opposants. Agboyobo, qui le critiquaut beaucoup, fut quand même nommé à la tête de la cndh.
Il faut rappeler que la seule élection ayant sérieusement produit la vérité des urnes fut les législatives de 1994, à l’issue des quelles le Rpt se prit une claque. Suite à cela, les architectes de l’extrême décidèrent qu’il ne fallait plus laisser le vieux fatiguer les gens avec son affaire de fair-play. Qu’il reste au palais et on lui amènerait les résultats. Bref.
Mais Éyadema avait aussi un second tic, s’il faut l’appeler ainsi. Il était particulièrement sensible à son image à l’international. Et son affaibilité, associée à cette envie de plaire à l’international, à donné lieu à ce qu’on a souvent assisté le long de ces quinze années de règne post 1990, à des explosions de violence provenant de son bord extrémiste qui semblaient complètement l’échapper., et pour lesquels il semblait être désolé. Mais je le répète. Je ne l’ai pas connu.
Après sa mort en 2005, le même arbitrage a perduré quelques années. Les législatives de 2007 étaient à peu près ouvertes, avec un semblant de transparence. Enfin, les consignes du Rpt étaient à la transparence, mais les cadres locaux ont leur interprétation. Il n’empêche que même jusqu’en 2020, le sacro saint principe de faire en sorte qu’une opposition politique serve de contrepoids à toujours été la règle. L’inclusion en était le porte voix. Le parti au pouvoir s’arrangeait pour fleurter autour de 60% de suffrage aux élections, l’opposition prenait les 40 % tout en nourrissant tous les 5 ans, l’espoir de renverser la vapeur. C’était un équilibre dont presque tout le monde de contentait, sans satisfaire personne. Mais c’était le prix de la paix. En effet, depuis 2010, il n’y avait plus eu de grosses violences liées aux résultats des élections. Tchikpi et le Pnp ont certes poussé à des grandes manifestations en 2017, mais Tipki n’a jamais cru à la vertu des élections au Togo
Les choses ont commencé par changer en 2020, avec le score étonnement bas de l’anc aux élections présidentielles, et le fait que le Dmp, qui n’était pas un parti politique, n’a pas réussi à capitaliser sur son score pour se substituer à l’anc.
Cette situation de l’affaiblissement du principal parti de l’opposition aurait dû amener le parti au pouvoir à lui tendre subtilement la main et à le relever, ou à relever un autre parti de l’opposition tel que l’ufc, les fdr ou même le net. L’équilibre est obtenu en mettant deux poids de part et d’autre d’un axe. Donc au lieu de considérer que la faiblesse de l’opposition fragilisait l’équilibre précaire sur lequel reposait la nation depuis les années 90, les architectes de l’extrême ont jugé qu’il était temps de donner l’estocade finale. 5ème république et 5 députés de l’opposition sur 113 à l’assemblée nationale. Pas de groupe parlementaire de l’opposition, plus de débats contradictoire. La fin du temps politique.
Tous les partis politiques sont ainsi balayés, réduits à une portion congrue. Pire, on fait distiller dans l’opinion, de subtiles messages sur leur prétendu compromission, dégradant ainsi leur crédibilité. Les partis traditionnels sont très fragilisés. À commencer par l’ufc, qui paye le prix de l’anihilation son accord historique de 2010. L’anc, le car, l’Addi, tous ces partis de la c14 sont à terre. Les centristes, qui avaient un moment pensé incarner une opposition républicaine, sont tous à terre. Le trublion Gerry Taama a jeté l’éponge et est devenu menuisier. Ses camarades de la précédente législature ont été recyclés en sénateurs, non pas élus, mais nommés pour bien montrer combien ils sont redevables.
A côté de tout ceci, un certain nombre de lois de représaille et de pratiques administratives ont progressivement vidé la loi sur les manifestations publiques de sa substance, rendant presque impossible les marches. La précarité a conduit la presse et les syndicats à se recroqueviller.
Une Cinquième république avec une constitution taillée sur mesure et l’opposition anéantie, les architectes de l’extrême croyaient que tout était gagné, que désormais ils pouvaient gérer tranquillement le pays, en pillant allègrement, sous le sceau de l’incompétence et de la corruption.
Mais la quête de la liberté est un torrent impétueux, on peut lui mettre des obstacles mais on ne peut pas l’arrêter. Sa puissance est irrépressible. Et elle jaillit la où on ne l’attend pas. Il a fallu qu’un artiste courageux, avec ses moyens et ses mots lève le ton, que des artistes et autres influenceurs des temps modernes suivent le pas. Voici que les digues se rompent.
Que des blogueurs et artistes puissent, à travers les réseaux sociaux, bloquer les activités au Togo ne serait ce que pour une heure, est la preuve de l’échec de tout ce qui a été fait en matière de politique ces derniers années au Togo. Des gens qui passent plus de temps à s’interpeller à coup d’imprecations scatologiques et obscènes, qui se décrivent volontiers comme n’étant pas forcément des modèles sociaux, mais qui se retrouvent à l’avant garde des revendications populaires, à leur corps défendant, c’est ça la vraie berezina togolaise. Je ne crois même pas qu’une telle situation existe dans une autre pays au monde. Dites moi. Même au temps fort du cst ou de la c14, jamais 5 ministres n’avaient tenue une conférence de presse pour traiter des sujets de manifestation. Et pourtant, Les slogans étaient les mêmes. On appelait à la démission du président. Cette fébrilité affichée et cette fuite en avant sont la résultante de la victoire des architectes de l’extrême. Incapables de dialoguer, pietres politiciens et tacticiens, la seule solution pour exister est de faire le vide. Et quand le vide rencontre le vide, l’oxygène s’en va, puis on rentre dans l’immensité silencieuse de l’espace où la raison disparaît.
Nous y sommes actuellement. Il n’ya plus d’opposition politique, il y’a plus d’interlocuteurs raisonnables, l’équilibre est rompu. A la place, des jeunes se sont vus forcés de prendre la lutte à leur compte, sans aucune contrainte institutionnelle, sans encadrement moral, sans même une recherche d’intérêt politique. On ne peut presque rien leur faire. Ils sont inexpugnables. On ne peut ni les acheter, ni les menacer. Et même si on arrive à les fait taire, d’autres sortiront à leur place. Parce que la nature à horreur du vide et que la quête de la liberté est un torrent impétueux.
Quelle est la solution? Je n’en sais rien. Ceux qui nous ont mis dedans n’ont qu’à venir réparer. Enfin, le solution est toute simple. Aller à une sixième république identique à la quatrième, en profiter pour quitter le pouvoir avec la garantie de devenir sénateur à vie, et une immunité permanente. Ce n’est pas compliqué. C’est le prix de la paix. Enfin, c’est ma vision de retraité.
Bon. Il faut que j’aille dormir. J’ai des meubles à livrer ce matin. Mes clients vont me tuer. 10 jours de retard.
Natura abhorret vacuum. Aristote.
Le menuisier.