C´était exactement le 6 novembre 1982, à la suite de la démission d´Ahmadou Ahidjo, que Paul Biya prit le pouvoir à Yaoundé. Depuis, beaucoup d´eau a coulé sous les ponts et ça fait aujourd´hui 43 ans que le vieillard de 92 ans, à la petite voix, est en poste. Pendant ce temps les Allemands sont à leur 5e chancelier et à leur 8e président fédéral qui ne joue qu´un rôle symbolique. Les Français ont vu défiler pendant la même période 4 présidents de la république et sont aujourd´hui à leur cinquième. Beaucoup d´exemples de pays en Afrique, comme au Bénin, au Sénégal, au Ghana ou au Nigeria, où l´alternance au sommet des états est une réalité, ne manquent pas, pendant que Paul Biya trône à la tête de son pays comme un roi, ou plutôt comme un demi-dieu, depuis quatre décennies. Et apparemment, comme beaucoup de dirigeants en Afrique, ce n´est pas tant le bilan qui l´intéresse. Il n´a d´ailleurs aucun bilan, ou si ; le bilan est totalement négatif. Le Cameroun se trouve dans un état de délabrement avancé dans presque tous les domaines.
Paul Biya et son entourage, dont plusieurs des collaborateurs ont l´âge de la vieillesse comme lui, jouissent tout simplement des délices que procure le pouvoir politique. Le journal « Courrier International » n´hésite pas à titrer, le 14 septembre 2025 : Paul Biya, « propriétaire absent » du Cameroun depuis 1982. Oui, l´expression « propriétaire absent » n´est pas exagérée si l´on se réfère à la gestion clientéliste, sinon personnelle, du pays par Paul Biya, qui « dirige » le Cameroun comme si les autres institutions n´existaient pas ; et qui passe une grande partie de l´année à l´étranger, plus précisément dans sa résidence en Suisse. « Réélu » pour un 8e mandat, à 92 ans, le vieillard Paul Biya, à qui on doit chuchoter à l´oreille avant qu´il ne sache à peu près où il se trouve et ce qui s´y passe, passera encore 5 années à végéter au sommet de l´état camerounais, avant, peut-être que la loi de la nature ne décide autrement.
« À la tête du pays depuis 2011, cet ancien haut fonctionnaire international est à la fois salué pour ses réussites économiques et critiqué pour sa gestion du pouvoir, qualifiée d’autoritaire par ses détracteurs. » Voilà en résumé ce que pensent beaucoup d´observateurs du président ivoirien Alassane Ouattara. En fait, on ne peut pas parler du chef de l´état ivoirien sans évoquer les violentes péripéties qui avaient précédé son accession à la magistrature suprême en 2011. Le concept d´ivoirité qui l´élimine aux élections présidentielles d´octobre 2000, la crise politique qui s´ensuivit et qui culmina avec le déclenchement d´une rébellion dans le nord du pays en 2002. La grande majorité de ceux qui dirigeaient cette rébellion étaient des partisans d´Alassane Ouattara. Laurent Gbagbo était alors le président d´un pays divisé en deux. Les élections présidentielles de 2010 seront décisives. Proclamé vainqueur par la CENI, Alassane Ouattara est désavoué par le conseil constitutionnel qui invalide une partie des résultats et annonce Laurent Gbagbo vainqueur. Une certaine communauté internationale et surtout la France de Nicolas Sarkozy entrent dans la danse et prennent fait et cause pour ADO (Alassane Dramane Ouattara). Pris en tenailles par les forces pro-Ouattara, les forces de l´ONU (ONUCI),
appuyées par la France, Laurent Gbagbo n´avait aucune chance. Il fut arrêté et envoyé à la CPI (Cour Pénale Internationale).
Alassane Ouattara vient d´être réélu pour un quatrième mandant, après avoir fait éliminer deux poids lourds de la course: un certain Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, bien qu´il ait auparavant annoncé qu´il quitterait le pouvoir à la fin du troisième mandat. Économiste de formation, ayant eu la chance d´avoir hérité d´un pays qui se porte économiquement relativement bien, Alassane Ouattara est justement salué pour ses prouesses économiques. Mais les crises socio-politiques ont toujours été le ventre mou de la Côte-d´Ivoire, depuis la mort d´Houphouët-Boigny. Mais depuis qu´il est au pouvoir, depuis donc trois mandats, Alassane Ouattara n´a rien réussi sur le plan de la réconciliation nationale. Et si la candidate malheureuse aux dernières élections présidentielles, Simone Gbagbo, dit poursuivre le combat pour une réforme profonde du système électoral et réclame l’ouverture d’un Dialogue National inclusif pour « restaurer la confiance, recoudre le tissu social et panser les blessures de notre Nation », c´est que les hommes politiques ivoiriens et surtout Alassane Ouattara, ont encore du pain sur la planche en ce qui concerne la paix sociale. ADO en est-il conscient ? Ou va-t-il continuer avec sa politique du « moi ou le chaos », parce qu´il a actuellement la force de son côté ? Une option que nous ne souhaitons pas qu´il continue à adopter dans un pays où les vieux démons ne sont pas très loin.
À propos démons ! Le Togo, bien que n´ayant pas connu de guerre comme la Côte d´Ivoire, a aussi ses démons. Le Togo a connu et connaît encore la persécution d´opposants allant jusqu´aux assassinats. Nous avons connu le bombardement des bureaux d´un premier ministre, par une armée supposée nationale, pour l´en déloger et l´amener manu militari chez le dictateur Gnassingbé Éyadéma qui, par cette manœuvre, était arrivé à ses fins : enterrer définitivement l´idée d´une vraie démocratie au Togo. Ce qui lui permit, à lui et à son clan, de continuer à régner dans l´illégalité, dans la falsification des textes, dans la terreur et de préparer une succession qui imposa Faure Gnassingbé aux Togolais en février 2005. Le fils à papa venait de boucler 4 mandats à la tête du Togo en 2025 avec un bilan catastrophique sur tous les plans. Et comme si toute cette politique criminelle, pour faire des Togolais des otages dans leur propre pays, ne suffisait pas, Faure Gnassingbé décide de rester éternellement au pouvoir sans élections, en faisant instaurer par un parlement aux ordres une hypothétique 5e république, synonyme de régime parlementaire.
En dehors de la mauvaise gouvernance faite de massives violations des droits de l´homme, de la corruption endémique organisée pour enrichir une minorité, le tout béni par une totale impunité, beaucoup de Togolais n´ont plus que le choix de l´exil, pour ceux qui peuvent, pour ne pas mourir de faim et vivre en sécurité. Ceux qui sont restés au pays, et ils sont les plus nombreux, doivent subir presque quotidiennement les caprices d´un régime Gnassingbé qui se comporte comme en territoire conquis. Et quand les citoyens togolais, surtout la jeunesse, ont soif d´un peu plus de liberté et de démocratie, et le manifestent de différentes manières, c´est la chasse à l´homme, la persécution tous azimuts faite d´arrestations arbitraires, de détentions sans procès, ou à l´issue de procès bâclés par une justice aux ordres. Malgré des appels des organisations nationales et internationales des droits de l´homme pour la libération des nombreux prisonniers politiques, dont beaucoup sont déjà décédés en détention, Faure Gnassingbé continue à faire la sourde oreille. Il se dit panafricain, saute d´avion en avion, avec son ministre des affaires étrangères, pour jouer le moralisateur et l´homme de la paix ailleurs, pendant que son propre peuple ploie sous la misère, vit dans la peur des persécutions politiques et ne sait pas de quoi demain sera fait. Quelle méchanceté, quelle inconscience !
Samari Tchadjobo
Allemagne















