Par Rodrigue Ahégo
La Voix des Sans Voix
Lomé la capitale togolaise, placée sous haute surveillance avec le déploiement d’un dispositif sécuritaire qui met le pays en alerte, on dirait un pays en guerre, a abrité du 08 au 12 décembre 2025, un rendez-vous que les organisateurs ont dénommé « 9ème Congrès panafricain ». Ce marché fait de surprises désagréables qui, contre toute attente, ont réussi à désillusionner le régime de Lomé, était pourtant annoncé comme un moment historique qui devrait redonner souffle à l’idéal d’unité, de souveraineté et de solidarité des peuples africains. Organisé dans un contexte de crises multiples (politiques, économiques, climatiques et identitaires), ce congrès, en tenant compte de la plus grande des surprises, la sortie de Siphiwe Ka Baleka Bel El décrivant les réalités de gouvernance de Faure Gnassingbé et son régime, lançant un appel historique pour la libération des prisonniers politiques, a plutôt été une « plateforme de dialogue franc et inclusif ».
Au lieu de fédérer les énergies progressistes du continent et de la diaspora, l’événement a sombré dans la dissonance, l’instrumentalisation politique et la perte de crédibilité. Le discours tranchant de Siphiwe Ka Baleka Bel El, activiste et militant panafricaniste Bissau-Guinéen, a mis à nu les contradictions de la rencontre, dénonçant une tentative de récupération de l’agenda panafricaniste par des régimes autoritaires. Ses mots ont résonné comme un acte de vérité brut, face à des esprits préparés pour n’entendre que les éloges à l’endroit de son Excellence, Monsieur le Président, pour applaudir à rompre les phalanges.
L’autre fait marquant et plus révélateur de la crise morale du congrès fut la démission retentissante du Dr Gnaka Lagoké, de son poste de Président du Comité scientifique. Par son geste, Dr Gnaka protesté vigoureusement contre les manipulations politiques et le manque d’indépendance intellectuelle observé et encaissé le long du processus. Sa démission symbolise la fracture entre les aspirations panafricanistes authentiques et les stratégies de façade utilisées par les organisateurs du spectacle, pour plutôt redorer leur image internationale.
Ce congrès qui a essuyé un cuisant échec surtout avec la contradiction entre les valeurs et principes du panafricanisme et les « valeurs » que trainent les organisateurs, ouvre un débat fondamental : qu’est devenu le panafricanisme dans un continent où certains régimes s’en réclament tout en bafouant les droits des peuples ? Le régime de Faure Gnassingbé, hôte du congrès, en est l’exemple frappant.
Ce régime et son système RPT/UNIR ne peuvent en aucun cas, être assimilé au panafricanisme pour plusieurs raisons fondamentales qui sont en contradiction avec l’essence même du panafricanisme :
Négation de la souveraineté populaire
Le panafricanisme repose sur la liberté, la dignité et l’émancipation des peuples africains. Or, le régime togolais se maintient au pouvoir par la répression, les fraudes électorales, et la confiscation du droit du peuple à choisir librement ses dirigeants. Cela va à l’encontre de tout idéal de souveraineté populaire prôné par le panafricanisme.
Monarchisation du pouvoir
La succession dynastique de Faure Gnassingbé après son père en 2005 est l’antithèse des principes panafricanistes qui rejettent les pratiques néocoloniales et féodales. Un régime de type dynastique perpétué par la force, la corruption, la violence n’est pas un modèle de libération ni de progrès collectif.
Répression des libertés
Les régimes authentiquement panafricanistes défendent la liberté d’expression, la participation citoyenne, l’éducation critique. A l’inverse, le régime de Faure Gnassingbé réprime, arrête et emprisonne, torture ou contraints à l’exil des journalistes, activistes et défenseurs des droits de l’homme, artistes engagés, leaders d’opinion et opposants qui critiquent la façon dont le pays est gouverné.
Dépendance extérieure
Le régime togolais entretient des relations opaques avec des puissances étrangères qui sont d’ailleurs en contradiction avec les principes et valeurs du panafricanisme, pour garantir sa survie, au détriment des aspirations du peuple togolais et des intérêts nationaux. Le panafricanisme, lui, appelle à l’autodétermination et à une rupture avec les ingérences néocoloniales.
Aucune politique intégrationniste ou panafricaine
Le Togo sous le régime actuel ne joue aucun rôle moteur dans la construction d’une Afrique unie, intégrée et souveraine. Aucun projet continental fort ou d’unité africaine n’a été porté par ce pouvoir. Et son nom est cité dans des conspirations qui remettent en cause les principes et valeurs du panafricanisme qui est plutôt un idéal de libération, de justice, de solidarité africaine et de rupture avec l’oppression.,
Pour conclure, il faut dire que le 9ème Congrès panafricain de Lomé, au lieu de renforcer les fondations d’un panafricanisme authentique, a mis en lumière l’écart grandissant entre les discours officiels et les réalités politiques dans le pays et sur le continent. La tentative de récupération de cette noble cause par des régimes autoritaires comme celui du Togo, dont le pouvoir usurpé s’éternise au mépris des libertés, des droits humains et de la volonté populaire, a vidé l’événement de son essence.
Le panafricanisme ne peut être un slogan creux au service de l’autopromotion de dirigeants en quête de légitimité. Il doit demeurer un projet de libération, de dignité, de justice sociale et de solidarité entre les peuples. Tant que des Etats persisteront à opprimer leurs citoyens tout en se drapant des symboles de l’unité africaine, ils trahiront l’héritage de Sylvanus Olympio, Kwame Nkrumah, Thomas Sankara, Patrick Lumumba et de tous ceux qui ont rêvé d’une Afrique totalement libre, unie et prospère.
Il revient aux vrais défenseurs du panafricanisme (intellectuels, mouvements citoyens, diaspora et jeunesse africaine) de résister face au gain facile, aux espèces sonnantes et trébuchantes. Il leur revient une dose d’intégrité pour reprendre le flambeau et poursuivre l’œuvre des visionnaires du panafricanisme, loin des scènes maquillées.
Le combat pour une Afrique souveraine commence par le refus de la dévolution dynastique du pouvoir, de la confiscation ou de la conservation du pouvoir.
Le combat pour une Afrique souveraine commence par la fin de la corruptions et de l’impunité.
Le combat pour une Afrique souveraine commence par la construction d’institutions démocratiques fortes et non la promotion d’ »hommes forts ».
Le combat pour une Afrique souveraine commence par le refus de l’instrumentalisation de l’armée et de la justice pour réprimer et opprimer les peuples.
Le fiasco de Lomé doit devenir une leçon : le panafricanisme ne s’impose pas par décret ; le panafricanisme ne s’impose pas non plus par les armes ; Il se construit par la justice, la vérité et la liberté.
Assimiler le régime de Lomé à ce courant serait une grave déformation historique et politique. Ce pouvoir représente davantage une prolongation des logiques néocoloniales que l’expression d’un panafricanisme véritable.
















