Dans notre parution N°4045 du mardi 21 octobre 2025, notre rédaction a fait cas de la profanation de la tombe de feu Koudoagbo Aményikou enterré depuis 1988 dans le canton d’Agoè-Nyivé. Par la suite, nous avons pu consulter l’intégralité du procès-verbal de la Brigade de Recherches et d’Investigations (BRI) de la Direction Générale de la Police Nationale. Le document, daté du 7 octobre 2025, lève le voile sur les circonstances troublantes de la profanation de la tombe de feu Koudoagbo Amenyikou au cimetière d’Agoè-Nyivé.
Les faits : une opération en plein jour
Tout commence le vendredi 3 octobre 2025, aux alentours de 10h 55. Suite à un appel téléphonique anonyme, une équipe de la BRI-DGPN se transporte d’urgence au cimetière d’Agoè-Nyivé Atsanvé, en face de l’Eglise catholique Marie Theotokos. Sur place, les enquêteurs découvrent une scène funeste : trois individus s’activent autour d’une tombe fraîchement ouverte.
Les mis en cause – Koudoagbo Kouami (46 ans, revendeur), Agbi Kouami (42 ans, maçon) et Kaglan Ayao (43 ans, peintre en bâtiment) – sont immédiatement interpellés. Mais le principal protagoniste de cette affaire, Koudoagbo Kodjo Kadevi, 55 ans, adjoint au maire de la commune d’Agoè-Nyivé 3, a déjà quitté les lieux avec un sac contenant les ossements du défunt. Il sera appréhendé quelques heures plus tard au quartier Vakpossito, en face de l’Eglise catholique, en possession de la macabre cargaison.
Selon le procès-verbal, l’opération n’était pas improvisée. Des témoins oculaires, interrogés par la Police, rapportent avoir vu les suspects accompagnés d’un féticheur. Pour éloigner les curieux, les intéressés auraient distribué de l’argent à des jeunes du quartier, prétextant organiser des « cérémonies » en l’honneur du défunt.
C’est le bruit assourdissant des marteaux et burins qui alerta les témoins. De retour sur les lieux, ces derniers découvrirent avec stupéfaction la tombe démolie et le féticheur en train de ramasser les restes osseux du défunt Koudoagbo Amenyikou, décédé le 7 mars 1988.
Les versions contradictoires des mis en cause
Face aux enquêteurs, les suspects ont livré des versions nuancées mais convergentes sur le mobile de leur acte. Koudoagbo Kodjo Kadevi, l’adjoint au maire et mandataire de la famille, assume pleinement la responsabilité de l’opération. « Notre papa est mort en 1988 et nous l’avons inhumé au cimetière public d’Agoè-Nyivé. Depuis quelque temps, nous enregistrons des décès au sein de notre famille », explique-t-il aux policiers. Selon lui, des consultations coutumières auraient révélé que le défunt, membre de la famille royale, serait « fâché » d’avoir été enterré dans un cimetière commun plutôt qu’au palais royal d’Agoè-Nyivémé. « Cette année 2025, trois de mes frères sont morts en l’espace de deux mois », précise-t-il pour justifier l’urgence de l’exhumation. Interrogé sur l’absence d’autorisation administrative, l’élu local reconnaît son erreur : « À ma qualité d’adjoint au maire, je pensais que ma seule présence suffisait pour faire ce travail. »
Koudoagbo Kouami, le frère cadet, présente une version légèrement différente. Selon lui, il s’agissait simplement de « réhabiliter » une tombe en dégradation. « Ces derniers temps, nous avons constaté que la tombe de notre feu papa est en dégradation. Mon grand frère et moi avons décidé de la réhabiliter », affirme-t-il. Il prétend avoir quitté brièvement le cimetière pour aller chercher de la bouillie et assure n’avoir découvert qu’à son retour que des ossements avaient été récupérés par les maçons et confiés à son frère aîné.
Quant à Agbi Kouami, maçon, il se présente comme un simple exécutant. « Le nommé Yaovi m’a invité à les aider à entretenir la tombe de leur feu papa qui est inhumée depuis 1983. Il m’a demandé de le faire parce qu’elle s’est effondrée », explique-t-il. Il affirme n’avoir eu aucun document d’autorisation et ne pas avoir su qu’il s’agissait d’une profanation.
Kaglan Ayao, peintre, tient, lui, un discours similaire. « J’ai été invité par M. Koudoagbo, l’adjoint au maire, pour la réparation de la tombe de leur père défunt », déclare-t-il. Il précise avoir simplement accompagné son ami sur le lieu et avoir été envoyé chercher du ciment.
Deux membres de la famille, Koudoagbo Kokou et Koudoagbo Ablavi, ont déposé plainte le 6 octobre 2025. Dans leur déclaration, ils expriment leur « horreur et stupéfaction » face à la destruction de la tombe de leur feu papa. Ils contestent formellement toute justification coutumière et dénoncent une « macabre intention » de la part de leurs frères. Le procès est attendu le mercredi 5 novembre 2025.
Des charges lourdes
Au terme de l’enquête, la BRI-DGPN a inculpé Koudoagbo Kodjo Kadevi et Koudoagbo Kouami pour profanation de tombe, conformément aux articles 355 et 356 du Nouveau Code Pénal Togolais. Agbi Kouami et Kaglan Ayao sont poursuivis pour complicité de profanation, en vertu de l’article 48 du même code.
L’ensemble du dossier, composé de neuf procès-verbaux, a été transmis le 7 octobre 2025 au Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Lomé. Les quatre mis en cause ont été placés en garde à vue du 3 au 5 octobre 2025 avant d’être présentés à la justice.
Au-delà des faits ainsi présentés par le PV, une chose est sûre, des zones d’ombres subsistent dans cette affaire au vu des versions des mis en causes qui présentent des nuances sur la motivation, le rôle exact de chacun et la participation du féticheur. Est-ce qu’il y a des témoins qui ont pu confirmer que la tombe menaçait de s’effondre comme l’a dit certains des mis en causes ? s’il y avait de la bonne foi derrière comme l’a dit le maire adjoint dans sa déclaration, pourquoi avoir soudoyé les jeunes qui étaient dans le cimetière au moment des faits ? Mieux, la nouvelle tombe dans laquelle devrait reposer les restes était-elle déjà prête ? En plus, comment un adjoint au maire peut-il croire que sa seule présence en tant qu’élu local suffit pour procéder à cet acte, encore qu’il n’est pas élu local de la commune dans laquelle se trouve le cimetière ? Autant d’interrogations qu’il faudra creuser pour faire toute la lumière sur cette affaire.
On apprend aux dernières nouvelles, que malgré l’imbroglio autour de cette affaire, certains membres de la famille seraient dans des combines afin de déterrer les restes de feu Koudoagbo Amenyikou et procéder à l’inhumation samedi dans la maison familiale.
La Rédaction de « Liberté » suit de près l’évolution de ce dossier et reviendra sur les suites judiciaires dès que de nouveaux éléments seront disponibles.
Affaire à suivre…
Joël D.
Source : Liberté














