Reconfiguration inattendue dans les échanges commerciaux du Gabon : le Togo s’est hissé au rang de premier fournisseur du Gabon, surpassant des partenaires historiques tels que la France et la Chine. Cette ascension fulgurante, révélée par les dernières données économiques officielles, interroge sur la stratégie d’approvisionnement énergétique du Gabon.
Selon les chiffres combinés de la Direction générale de l’Economie et de la Politique fiscale et de la Direction générale des Douanes et des Droits indirects (DGDI) du Gabon, le premier trimestre 2024 a vu une augmentation globale de 10,2% des importations gabonaises. Mais c’est la progression spectaculaire des exportations togolaises qui retient l’attention, avec une hausse vertigineuse de 195,8%.
Cette performance exceptionnelle du Togo s’explique principalement par une augmentation massive des exportations de brut raffiné vers le Gabon. Le secteur pétrolier, pivot de cette croissance, a vu ses livraisons bondir de près de 200%, propulsant le petit pays ouest-africain au sommet des fournisseurs du Gabon.
Pays non producteur /exportateur de carburant et lubrifiant
Pendant ce temps, les autres partenaires commerciaux traditionnels du Gabon ont également enregistré des hausses, bien que plus modestes. La Chine a vu ses exportations vers le Gabon augmenter de 13,8%, tandis que les États-Unis ont connu une croissance de 12,1%.
Cette nouvelle donne commerciale soulève plusieurs questions. Comment le Togo, pays sans ressources pétrolières notables, a-t-il pu devenir un exportateur majeur de brut raffiné ? Cette situation met-elle en lumière le rôle croissant du Togo comme hub logistique et commercial en Afrique de l’Ouest, capable de capter et de redistribuer les flux de marchandises, notamment pétroliers ?
Il y a, en effet, que depuis 2022, le port autonome de Lomé (PAL) est devenu la 2ème plateforme de transbordement de marchandises conteneurisées d’Afrique subsaharienne, après Durban (Afrique du Sud). En 2020 déjà, le Togo s’est classé 7ème fournisseur de marchandises et autres produits au Cameroun à l’échelle mondiale. Ce qui a poussé l’Institut national de la statistique (INS) du Cameroun à clarifier les choses : «Ce pays n’étant pas un producteur /exportateur de carburant et lubrifiant, n’aurait pas pu fournir au Cameroun près de 300 000 tonnes de ce produit en 2020. Il y a lieu de relever que les carburants en provenance du Togo ne sont pas originaires de ce pays. En effet, les caractéristiques du Port de Lomé lui confère une certaine attractivité qui fait en sorte que des opérateurs économiques y ont créé des plateformes destinées à accueillir des produits d’origines diverses». Ceci pourrait expliquer cela… concernant le Gabon.
Stratégie d’approvisionnement énergétique du Gabon
Par ailleurs, cette évolution interroge sur la stratégie d’approvisionnement énergétique de Libreville. Pays producteur de pétrole, le Gabon se trouve paradoxalement dépendant d’importations massives de produits raffinés, révélant les défis persistants dans le développement de sa capacité de raffinage locale.
Cette évolution pourrait également avoir des implications géopolitiques, en réduisant la dépendance du Gabon vis-à-vis de ses partenaires traditionnels comme la France ou la Chine. Elle souligne l’importance croissante des échanges Sud-Sud et pourrait préfigurer une intégration économique plus poussée entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.
Reste à voir si cette tendance se confirmera sur le long terme et quelles en seront les conséquences sur l’économie gabonaise et les équilibres régionaux. Une chose est sûre : le paysage commercial africain est en pleine mutation.
Avec Gabonview