L’économiste togolais appelle à une reconquête de la souveraineté budgétaire et monétaire du continent.
Invité du podcast panafricain « Notre Afrique », diffusé sur la chaîne YouTube Diplomatie Togolaise, l’économiste togolais Kako Nubukpo a livré une réflexion approfondie sur la nécessité pour le continent africain de tracer sa propre voie dans un monde marqué par la rivalité des grandes puissances. Pour l’ancien ministre de la Prospective, cette autonomie passe avant tout par la maîtrise des instruments économiques fondamentaux : le budget et la monnaie. « Pour moi, l’autonomie stratégique renvoie à la capacité des États africains d’avoir les leviers de souveraineté économique, à savoir le budget et la monnaie », a expliqué le Pr Nubukpo. « Lorsque vous n’avez pas la maîtrise de ces instruments, vous êtes contraints dans votre capacité à effectuer les transformations que vous souhaitez. »
Abordant la question du franc CFA, l’économiste a réaffirmé sa position critique vis-à-vis de cette monnaie héritée de la colonisation. Selon lui, le débat n’est pas seulement économique, mais aussi symbolique et identitaire. « Même si, au moment des indépendances, on a dit que CFA ne voulait plus dire colonie française d’Afrique mais communauté financière africaine, il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt. Moi, je plaide depuis des années pour qu’on renomme la monnaie qu’on utilise, car la monnaie n’est pas qu’économique. C’est un fait social total, historique, politique, parfois religieux », a-t-il insisté.
S’exprimant sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), Kako Nubukpo a salué une initiative « louable », tout en avertissant contre les risques d’une ouverture incontrôlée des marchés africains. « Il ne faut pas que ce soit le cheval de Troie pour l’industrie du reste du monde », a-t-il prévenu, appelant à la mise en place de mécanismes de compensation pour les économies les plus fragiles, à l’image des fonds structurels européens.
L’universitaire a également insisté sur la nécessité de protéger les industries naissantes du continent : « Les industries africaines ne peuvent se déployer que si elles ne sont pas frontalement concurrencées par celles des pays déjà industrialisés. Il ne faut pas s’interdire de protéger nos industries, comme l’ont fait l’Allemagne ou la Corée du Sud avant nous. »
Pour le professeur Nubukpo, la stabilité politique et la prospérité économique sont intimement liées. « Il ne peut pas y avoir de paix et de sécurité sans développement économique. L’absence de développement exacerbe les tensions pour l’accès aux ressources. C’est un peu comme un gâteau : plus il est petit, plus la compétition pour les parts est forte », a-t-il illustré.
Enfin, l’économiste togolais a salué le rôle crucial de la jeunesse dans la transformation structurelle du continent. « La jeunesse est la clé de la transformation structurelle de l’Afrique. Il faut les accompagner, soutenir leurs innovations dans le développement de l’agriculture et de l’agro-industrie. »
Kako Nubukpo a rappelé que l’Afrique ne peut se contenter d’être spectatrice dans la compétition mondiale entre les grandes puissances : « Quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre. L’Afrique doit trouver son propre chemin entre les géants qui s’affrontent. »
 
			 
			











 
                

