Dans un communiqué, l’organisation internationale ARTICLE 19 dénonce la dérive autoritaire et la fermeture progressive de l’espace civique au Togo. Entre arrestations d’activistes, répression des manifestations et menaces contre la liberté d’expression en ligne, l’ONG pointe une violation systématique des droits fondamentaux. Elle appelle le régime togolais à mettre fin aux lois liberticides et à garantir un espace démocratique libre et sécurisé pour tous les citoyens togolais. Lisez!
ARTICLE 19 est extrêmement préoccupé par la détérioration de l’espace civique au Togo marquée par des arrestations d’activistes et de journalistes, la répression des manifestations et des mesures répressives en lien avec des commentaires critiques en ligne sur les autorités.
Depuis la réforme constitutionnelle controversée de 2024, qui a transformé le régime présidentiel en un système parlementaire tout en supprimant l’élection présidentielle directe au suffrage universel, le Togo traverse une crise politique majeure. Cette réforme, perçue par une grande majorité de la population comme un stratagème pour prolonger le pouvoir de Faure Gnassingbé, a permis à ce dernier d’assumer le poste de président du Conseil le 3 mai 2025, sans passer par un scrutin populaire. Les élections législatives et régionales du 29 avril 2025, marquées par des accusations d’irrégularités et un boycott partiel de l’opposition, ont exacerbé les tensions, déclenchant une vague de manifestations violemment réprimées.
En réaction à cette situation, Alfred Nkuru Bulakali, Directeur Régional d’ARTICLE 19 souligne : « Là où l’espace civique est rétrécit, , la démocratie s’étouffe et les droits fondamentaux perdent leur sens. Lorsque la parole, l’association et la contestation deviennent des menaces, ces droits cessent d’être des garanties pour devenir des privilèges. ARTICLE 19 appelle les autorités togolaises à respecter leurs engagements internationaux en matière de droits humains et à garantir un espace civique libre, pluraliste et sécurisé pour tous.”
Entre août et octobre 2025, une série d’événements documentés met en lumière un rétrécissement alarmant de l’espace civique .
Le 3 octobre 2025, une sage-femme et militante des Droits de l’homme, Grâce Koumayi Biyoki a été arrêtée à son domicile à Agoè-Nyivé, puis placée sous mandat de dépôt pour « appel à la révolte » et « tentative d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État » suite à une vidéo publiée en ligne.
Le 3 octobre 2025, le procureur de la République, Talaka Mawama, a annoncé des mesures répressives contre l’usage non orthodoxe des réseaux sociaux, menaçant de poursuites judiciaires toute publication ou commentaire jugé critique envers le régime. Cette loi liberticide vise à contrôler la liberté d’expression numérique, un espace clé pour la mobilisation de la jeunesse togolaise.
Le 19 septembre 2025, le rappeur engagé Aamron, connu pour ses chansons dénonçant la dictature, a été interpellé à Lomé, puis libéré et placé sous contrôle judiciaire le 20 septembre.
Le 17 septembre 2025, Marguerite Gnakadé a été arrêtée pour des accusations telles que « incitation à la révolte » et « trouble aggravé à l’ordre public ».
Le 30 août 2025, une manifestation organisée par le Mouvement du 6-Juin (M66) à Lomé, visant à dénoncer la cherté de la vie et la réforme constitutionnelle, a été brutalement dispersée par les forces de l’ordre. Cette interdiction s’appuie sur une loi de 2019, révisée en juillet 2025 pour durcir les conditions d’autorisation des rassemblements.
Le 22 août 2025, deux jeunes activistes du mouvement Tournons La Page, Armand Agbleze et Oséi Agbagno, ont été interpellés à Lomé par des hommes en civil et conduits au Service central de recherches et d’investigations criminelles (SCRIC) sans motif clair.
Les faits observés au Togo entre août et octobre 2025 mettent en évidence une série de pratiques contraires aux droits humains, notamment des arrestations arbitraires, des détentions illégales, la répression de manifestations pacifiques et des restrictions à la liberté d’expression. Ces pratiques sont contraires aux obligations internationales du Togo découlant du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), en particulier ses articles 9 (liberté et sécurité de la personne), 19 (liberté d’expression) et 21 (droit de réunion pacifique). Elles violent également la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), en particulier ses articles 6, 9 et 11, ainsi que la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CAT), ratifiée par le Togo, qui interdit toute forme de torture ou de mauvais traitements, y compris en détention.
En outre, les mesures répressives prises à l’encontre des utilisateurs des réseaux sociaux, des artistes engagés et des défenseurs des droits humains constituent une violation directe de la liberté d’expression, protégée par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) et consolidée par la résolution 169 de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples sur la liberté d’expression et l’accès à l’information. Le recours excessif à la force lors des manifestations, ainsi que les détentions prolongées sans procès équitable, sont contraires aux Principes de base sur le recours à la force et le recours à la contrainte par les responsables de l’application des lois.
ARTICLE 19 appelle les autorités togolaises à libérer immédiatement toutes les personnes détenues pour avoir exercé pacifiquement leurs droits, à abroger les lois liberticides, et à garantir un espace civique libre, pluraliste et sécurisé, conformément aux standards internationaux.
Pour plus d’information, merci de contacter :
Maateuw Mbaye, Chargé de programme / Protection & Espace civique
E : maateuw.mbaye@article19.org
Mobile : +221 78 595 83 37
Office line ARTICLE 19 West Africa
Tél. : +221 33 869 03 22
E : senegal.westafrica@article19.org