Par Rodrigue Ahégo
La Voix des Sans Voix
Contre vents et marées, le système RPT/UNIR plonge le Togo dans un virage dit-on d’une 5ème République, avec le passage au régime parlementaire. Ce virage suscite une levée de boucliers au sein de la société civile et des milieux juridiques. Entre précipitation institutionnelle, éviction du suffrage universel direct et instrumentalisation du droit, cette tribune analyse les rouages d’une réforme orchestrée pour « verrouiller » le pouvoir. Et face à cette perfidie, il urge un appel à retrouver le sens du contrat social et de la souveraineté populaire.
Le 19 avril 2024 restera une date sombre dans l’histoire institutionnelle du Togo. Sous couvert d’une transition vers un régime dit « parlementaire », le RPT/UNIR bascule le Togo dans ce qu’ils appellent 5ème République. Mais ne nous y trompons pas : derrière les termes techniques et les dorures juridiques se cache une manœuvre de survie politique, une véritable contrefaçon démocratique qui tourne le dos aux aspirations profondes de la grande majorité du peuple Togolais.
Une parodie de parlementarisme
Dans toutes les démocraties modernes, le régime parlementaire repose sur un équilibre subtil : un chef de l’État garant de l’unité ; un Premier ministre qui tire sa légitimité de la représentation nationale pour conduire l’action publique.
Au Togo, nous assistons à une supercherie conceptuelle. Ce que le régime tente de nous vendre est une « Constitution sur mesure » où le centre de gravité du pouvoir reste immuable, mais s’affranchit désormais du suffrage universel direct. Le Président du Conseil ou Président du Conseil des Ministres (ils sont du mal à dénommer le poste), clef de voûte de ce nouveau système inventé, est désigné par une majorité verrouillée. C’est la consécration d’un pouvoir personnel qui se régénère en circuit fermé, excluant le citoyen du choix de son dirigeant suprême.
Le peuple, grand absent du contrat social
Il convient de rappeler à tous les pseudos juristes qui se chargent du service après-vente, qu’une Constitution n’est pas un simple document technique ; c’est le pacte sacré qui lie une nation. En imposant ce texte sans passer par le référendum, le pouvoir a commis un péché originel. On ne change pas les règles fondamentales de la vie commune en catimini, par un vote de députés dont le mandat arrivait à terme.
Cette précipitation a accouché d’un texte boiteux, d’une coquille institutionnelle ingérable où les ambiguïtés juridiques s’accumulent. De l’exécutif bicéphale incohérent à l’absence de réels contre-pouvoirs, tout indique que ce texte n’a pas été conçu pour servir l’intérêt général, mais pour offrir un nouveau manteau légal à une domination ancienne.
La trahison des clercs
Face à cette dérive, le silence (ou pire, le soutien) de certains juristes interpelle. Le rôle d’un constitutionnaliste est d’être la sentinelle des libertés, pas l’architecte du pouvoir absolu. En offrant un vernis académique à ce qui n’est qu’une manipulation politique, ces « experts » trahissent leur mission. Le droit ne peut être instrumentalisé pour habiller l’inacceptable ; lorsqu’il est détourné de sa fonction protectrice, il cesse d’être le droit pour devenir un simple outil d’oppression.
Pour un nouveau contrat républicain
Cette dite 5ème République togolaise n’est ni une réforme, ni un progrès. C’est un aveu de faiblesse d’un régime qui redoute l’alternance et la souveraineté populaire. Face à cette situation, l’indifférence n’est plus une option. Les forces vives de la nation, les intellectuels, les leaders d’opinion et chaque citoyen doit refuser la légitimité de ce texte né dans l’obscurité institutionnelle.
Les forces vives de la nation, les intellectuels, les leaders d’opinion et chaque citoyen doit exiger une refondation citoyenne où la Constitution redevient l’expression de la volonté du peuple (retour purement et simplement à la Constitution de 1992).
Les forces vives de la nation, les intellectuels, les leaders d’opinion et chaque citoyen doit porter une alternative crédible, fondée sur une séparation réelle des pouvoirs et une justice indépendante.
Le Togo ne peut se construire sur un mensonge institutionnel. Le pays n’a pas besoin d’une énième acrobatie juridique, mais d’un véritable contrat républicain. Ce contrat, nous devons le bâtir ensemble, car aucune République ne peut durer si elle s’édifie contre son propre peuple.
















