«En février prochain le sénat sera mis en place et dans les mois qui suivent la réforme constitutionnelle votée en 2024 entrera en vigueur. Le Togo deviendra alors une véritable démocratie parlementaire comme c’est le cas dans plusieurs grands pays, notamment l’Inde, l’Île-Maurice, le Royaume-Uni ou l’Allemagne, par exemple.» Faure Gnassingbé
Comme indiqué, l’auteur de ces quelques phrases n’est autre que le président de fait de la république togolaise, Faure Gnassingbé. Pour la petite histoire rappelons pour la ènième fois que Faure Gnassingbé est arrivé au pouvoir à la mort de son père Éyadéma Gnassingbé en 2005, en marchant dans le sang d’au moins 500 Togolais. Les 38 années passées à la tête du Togo par son géniteur ne furent qu’une litanie d’assassinats politiques, pendant que sur le plan économique et social notre pays ne fut que l’ombre de lui-même, par la faute d’une gestion clientéliste et hasardeuse. Aujourd’hui, Faure Gnassingbé vient de boucler ses dix ans au pouvoir et le bilan est plus que catastrophique sur tous les plans. Les assassinats d’opposants politiques, les détentions à caractère politique, plusieurs exilés politiques, la corruption presqu’à ciel ouvert, l’enrichissement illicite au sommet de l’état, et par conséquent la paupérisation croissante des populations togolaises; sans oublier l’impunité, l’entretien d’une armée clanique et des miliciens à coloration tribale, prêts à s’en prendre à tout regroupement, à toute manifestation de l’opposition.
Voilà le triste tableau de notre pays depuis 58 ans, le triste paysage politique togolais fait d’une gouvernance dictatoriale anti-peuple et d’une grande contestation des populations togolaises depuis au moins 35 ans. Oui, une contestation et une résistance face à un régime militaro-familial incarné aujourd’hui par Faure Gnassingbé. Le président de fait de notre pays fait le sourd et l’aveugle en refusant d’écouter les aspirations de son peuple et de voir comment les autres, dans la sous-région, s’émancipent sur le plan politique. Pour se maintenir vaille que vaille au pouvoir, le «prince-hériter» togolais fait adopter en solo par un parlement aux ordres et en fin de mandat, une nouvelle constitution, projetant ainsi le Togo dans une prétendue 5e république. C’était le 19 avril 2024. Malgré l’alternance réussie au sommet des états dans beaucoup de pays qui entourent notre pays, malgré les légitimes revendications des Togolais et de leur opposition pour une sincère ouverture démocratique, Faure Gnassingbé s’en moque éperdument en allant son petit bonhomme de chemin, comme si les Togolais n’existaient pas. Pour qui gouverne-t-on alors un pays? Pour sa famille? Pour ses amis, en oubliant le grand peuple pour lequel on a pourtant prêté serment? Telles sont les quelques questions que les Togolaises et les Togolais sont en droit de se poser aujourd’hui en voyant la gestion qui est faite de leur pays, comme s’il s’agissait d’une épicerie familiale.
Les Togolais protestent, résistent face à la dictature de Faure Gnassingbé et de ses amis, de l’intérieur comme de l’extérieur, qui ont mis pratiquement le pays en coupes réglées. Le «monarque» togolais lui, semble se sentir à l’aise dans sa bulle; car on semble rêver en l’entendant déclamer que «Le Togo deviendra alors une véritable démocratie parlementaire comme c’est le cas dans plusieurs grands pays, notamment l’Inde, l’Île-Maurice, le Royaume-Uni ou l’Allemagne…» De deux choses, l’une: ou Faure Gnassingbé vit vraiment dans sa bulle à lui, dans son monde, coupé des réalités qui l’entourent; ou il sait tout, mais entouré qu’il est, par des hommes et des femmes méchants, supposés intellectuels, civils comme militaires, corrompus et de mauvaise foi, ils ont tous décidé d’adopter la stratégie du chaos en conduisant le pays tout droit dans le mur. Après analyse et après avoir scruté les faits et gestes de Faure Gnassingbé et de son entourage, surtout dans leur façon de mépriser la vie et la dignité de leurs compatriotes en laissant beaucoup d’entre eux végéter et mourir dans des prisons politiques et en exil, en appauvrissant de jour en jour les Togolais par un pillage organisé des ressources du pays, nous estimons que la deuxième possibilité soit la plus plausible, hélas. Sinon comment peut-on comprendre qu’un régime politique qui prétend diriger aux destinées d’un pays africain, comme le Togo, en 2025, au moment où il est partout question sur le continent noir, d’une prise de conscience pour quitter les errements qui ont toujours tiré l’Afrique vers le bas, depuis les indépendances, puisse accepter de choisir délibérément le mal pour nuire à ses concitoyens?
Comparaison n’est pas raison, dit-on. Nous ne savons pas si Faure Gnassingé, en mettant les démocraties parlementaires en Allemagne et au Royaume-Uni sur le même pied d’égalité avec tout ce qui se passe d’humainement et de politiquement inacceptable au Togo depuis plus d’un demi-siècle, est encore en harmonie avec sa conscience. Pendant que la triste histoire du Togo est faite de l’assassinat du premier président démocratiquement élu, Sylvanius Olympio et de la dictature de la famille Gnassingbé de père en fils, depuis plus d’un demi-siècle, le Royaume-Uni est aujourd’hui à son 14e premier ministre en partant de l’année 1964. Quant à l’Allemagne, des anciens chanceliers (chefs de gouvernement) comme Konrad Adenauer, (le premier chancelier à partir de 1949 après la deuxième guerre mondiale), Willy Brandt, Helmut Kohl, Gerhard Schröder ou encore Angela Merkel, -pour ne citer que ceux-là,- semblent aujourd’hui appartenir à l’histoire. Le 9e, et l’actuel chancelier issu du SPD (les Socio-démocrates), Olaf Scholz, est sur le point d’être remplacé, selon les sondages, après les élections législatives anticipées, tenues aujourd’hui dimanche, 23 février 2025. En Allemagne comme au Royaume-Uni, des parlements bien animés par des partis politiques qui ne se font pas de cadeaux, jouent pleinement leur rôle dans une démocratie parlementaire qui porte bien son nom. Le parti politique ou la coalition des partis politiques au pouvoir respecte les partis de l’opposition au parlement dont le point de vue compte. Ici, on serait fou de parler de prisonniers, d’assassinats ou d’exilés pour des raisons politiques.
Au Togo, un seul parti, qui n’est autre que l’ancien parti unique, le RPT-UNIR, soutenu par une armée, des miliciens et une justice aux ordres, se maintient au pouvoir par la force. Aujourd’hui il est pratiquement difficile de distinguer entre des éléments de la gendarmerie, de l’armée, de la police et des miliciens quand il s’agit de s’en prendre à des opposants. C’est ainsi que le compatriote, Monsieur SOKPOR Sitsopé Honoré alias Affectio fut kidnappé le 12 janvier 2025 en pleine rue, sauvagement molesté et embarqué. Trois jours plus tard il est déféré à la prison civile de Lomé. Son tort: avoir publié un poème sur sa page facebook pour évoquer et dénoncer l’insoutenable situation politique togolaise. Voilà le Togo de la peur, de la terreur, où aucun citoyen n’est plus en sécurité dans son propre pays. Le Togo de la dictature militaro-familiale de père en fils où des prisonniers politiques, qu’on refuse de libérer, meurent en cascade. Rappelons que le demi-frère de Faure Gnassingbé, Kpatcha Gnassingbé, est en prison depuis bientôt 16 ans pour une affaire portant sur une supposée tentative de coup d’état et que son état de santé serait des plus précaires. C’est dans ce climat de terreur où les partis politiques de l’opposition sont pratiquement interdits que Faure Gnassingbé fait voter en catimini une nouvelle loi fondamentale pour s’assurer qu’il n’y aurait plus jamais d’élections présidentielles qui menaceraient son pouvoir qu’il veut à vie. C’est surtout dans ce climat politiquement tendu par la faute d’un régime criminel et corrompu que Faure Gnassingbé trouve le culot de comparer la dictature togolaise, sa dictature, aux vraies démocraties parlementaires en Allemagne et au Royaume-Uni. Il ne peut pas y avoir pire insulte, pire méprise et pire humiliation du peuple togolais que celles-ci.
Samari Tchadjobo
Allemagne
