Takpandja Lalle. Le nom vous dit-il quelque chose ? C’est un ancien ministre. Lorsqu’en 2009, sous la pression des institutions internationales, Faure Gnassingbé décide de doter enfin notre pays d’une Cour des Comptes, c’est lui qu’il nomme à sa tête. Depuis sa nomination, aucune grande sortie pour situer le peuple sur la situation des comptes de l’Etat. Mais à peine a-t-on commencé à parler de l’Unir que l’homme retrouve ses moyens.
Dans le cadre de la création de sa si chère Unir, Faure Gnassingbé a reçu à Lomé les « cadres » des différentes préfectures du pays. C’est souvent l’occasion rêvée par des personnes en mal de visibilité de faire du zèle pour taper dans l’œil du « prince ». M. Takpandja Lalle n’a pas du tout voulu rater l’occasion. Prenant la parole au nom de ses « frères du village » (comme on aime dire dans certains milieux) le président de la Cour des Comptes se met à louanger, comme à leur habitude, Faure Gnassingbé, et invita ses frères à s’ « Unir » autour du « Prince ». Il ne s’est naturellement pas couché par terre, mais son attitude qui valait plus qu’une prosternation avait de quoi surprendre nombre de ses « frères » qui d’ailleurs, ont été eux privés de parole durant la rencontre. Nous sommes là dans une activité éminemment politique, et non administrative.
Le 16 septembre 2009, l’homme, comme tous les autres membres de cette institution, a prononcé ces mots : « Je jure de bien accomplir fidèlement ma fonction en toute impartialité dans le respect de la Constitution, de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout, comme un juriste et loyal magistrat ». « Impartialité » recommande le serment. C’est justement au nom de cette vertu qu’il aurait été sage pour lui de s’abstenir de fréquenter certains milieux.
Le peuple vis-à-vis duquel il est redevable attend de lui autre chose. Plus de deux ans après leur nomination, rien à retenir comme activité concrète de cette cour s’inscrivant dans la droite ligne de la lutte contre la corruption, la dilapidation des ressources de l’Etat. A moins qu’on nous dise que l’argent du contribuable est si bien géré qu’il n’y a pas de matière à traiter, et là tout le monde saura que la Cour n’est créée que pour décorer le paysage institutionnel du pays.
Voici ce que recommandait la première Avocate Générale près la Cour Suprême, Mme AHADJZI-AZANLEDJI Justine à la prestation de serment de M. Lalle et ses collègues. «La Cour des Comptes dont la vocation première est l’instauration dans l’administration publique et parapublique de la rigueur et de la bonne gouvernance au niveau de la gestion des ressources de l’Etat, doit être, comme vous le savez, meublée ou conduite par des personnes d’une très bonne moralité, intègres, dignes, loyales, aimant la justice, le droit impartial, donc sages pour l’assainissement des finances publiques ». Quelle moralité, quelle dignité et quelle impartialité d’un président d’une institution pareille que d’aller se prosterner devant un Chef de l’Etat dont il doit juger de la gestion ?
Dans ces conditions, quelle crédibilité peut-on encore accorder à ses jugements sur la gestion d’un pouvoir qu’on sait aussi corrompu ? Finalement on ne devrait pas s’étonner de son silence et de celui de son équipe depuis trois ans qu’ils sont membres d’une institution aussi stratégique. Bientôt ce sera encore les élections législatives. Unir va encore puiser à fond dans les ressources publiques. Les moyens de l’Etat et des sociétés publiques seront mis à contribution pour tenter de corrompre les membres de l’administration électorale et une partie du peuple. Un peu comme c’était le cas en 2010 et lors des échéances antérieures. Mais si déjà le président de la Cour dont le rôle est de surveiller les comptes de l’Etat et les dépenses en périodes électorales se met déjà à tenir un discours aussi laudateur à l’égard du « Président fondateur », quel courage lui restera-t-il pour dénoncer de façon impartiale les dérives ?
Nommé pour un mandat de six ans, M. Lalle a déjà bouclé la moitié sans aucune réalisation concrète. Et s’il se préoccupait de cela plutôt que de chercher à se prosterner devant Faure Gnassingbé qui lui aussi, rendra compte de sa gestion du pouvoir, tôt ou tard, devant le peuple.
Mensah K.
lalternative-togo.com
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